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La lettre d'information des Archives Poincaré (février 2020)

Vie du laboratoire

Nous avons eu la très grande tristesse d'apprendre le décès, survenu le 8 décembre dernier, de Michel Meulders, à l'âge de 89 ans. Neurophysiologiste, membre de l'Académie royale de Belgique, Michel Meulders avait participé aux travaux de traduction de l'Académie Helmholtz depuis la fondation du groupe, dont il avait été le président pendant de longues années. Il avait consacré plusieurs ouvrages à Helmholtz et William James, et avait également dirigé la publication d'un dossier consacré à Ernst Mach dans Philosophia Scientiae, en 2003. Son amitié, sa gentillesse, son humour et son érudition nous manqueront.

Le laboratoire compte un nouveau doctorant, Jean-Luc Vanola. Il travaillera sous la direction de Philippe Nabonnand, sur le mathématicien Edmond Laguerre. Nous accueillons également depuis début février, et jusqu'à juin une stagiaire de Master 2 Veille Stratégique et Organisation des Connaissances, Aurélie Pytel (ci-contre), qui travaillera dans le cadre du projet UNa2GM (L’Université de Nancy après la seconde guerre mondiale. 1945-1980), notamment avec Laurent Rollet. Bienvenue à eux !

Nous avons le plaisir d'annoncer la création du "séminaire de recherche sur les sciences et les technologies", qui se tiendra à Strasbourg à une périodicité qui reste à déterminer. La prochaine et première séance aura lieu le mardi 3 mars, à 17h, au 7 rue de l'Université (salle 116). Le séminaire est organisé par Valeriya Chasova et Sarah Calba.

Séminaires et groupes de travail

  • Séminaire "Psychologie politique. Entre politique et passions" : lundi 3 février à 18h30, séance consacrée à "Peurs sur la démocratie", animée par Aurélie Filipetti et Anna C. Zielinska, Nancy, Campus Lettres et Sciences Humaines, bât. G., salle G04
  • Séminaire "Clinique de la délibération – Délibérations dans la clinique" : mardi 4 février à 16h, Hôpital civil de Strasbourg, bâtiment d'anatomie
  • Grandes conférences des Archives Henri-Poincaré : mercredi 5 février à 17h, Ilana Löwy (INSERM, Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société, Université Paris Descartes), "Le diagnostic prénatal et les droits des personnes en situation de handicap", Strasbourg, Maison Interuniversitaire des Sciences de l'Homme Alsace
  • Séminaire "Humanités numériques et archives" : mardi 11 février à 14h, Isabelle et Nicolas Mangeot,  CRUHL (Centre de Recherche Universitaire Lorrain d'Histoire), "Restitution 3D de l'abbatiale Saint Vanne", Nancy, MSH Lorraine, salle 326
  • Journée de regroupement du Master MADELHIS : lundi 24 février à 9h, Nancy, MSH Lorraine, salle internationale
  • Séminaire "Clinique de la délibération – Délibérations dans la clinique" : mardi 25 février à 16h, Hôpital civil de Strasbourg, bâtiment d'anatomie

Manifestations 

  • Workshop "Les instruments du Bureau des longitudes", 1er avril 2020, Observatoire de Paris
  • Colloque "Drôles d'objets. Un nouvel art de faire", 7-9 avril 2020, La Rochelle [en savoir plus]
  • Colloque "Science et histoire" du CNFHPST, 23-24 avril 2020, Nancy, MSH Lorraine
  • Journée "Nécessité ou contingence de Jules Vuillemin", 05-07 mai 2020, Nancy, MSH Lorraine
  • Séminaire "Richard Swinburne on Divine Mind and Human Soul. A Metaphysical Seminar on and with Richard Swinburne", 16-18 juin 2020, Nancy, MSH Lorraine

Hors les murs

  • 7 février, Manuel Rebuschi : Jeux vidéos et fiction. Stage sur la notion de jeu. Plan académique de formation des professeurs de philosophie de l'Académie de Lille
  • 13 février, Johanna Gouzouazi : "Géo-ingénierie climatique. La constitution d'un nouveau monde par le discours scientifique", Séminaire du Laboratoire TVES - Territoires villes, Environnement & Sociétés, Université de Lille
  • 19 février, Gerhard Heinzmann : "Mathematical Thought Experiments", Université de Macerata, Italie
  • 21-23 février, Victor Monnin : “Dinosaurs Foretelling the Future”, Far West Popular and American Culture Associations’ 32nd Annual Conference, Las Vegas, NV

Du côté des projets

Le site web "Les procès-verbaux du Bureau des longitudes (1795-1932)" (http://bdl.ahp-numerique.fr/) a été mis à jour. Les transcriptions des procès-verbaux ont été ajoutées pour les années 1906-1907. Vous y trouverez également un nouveau focus : "Catherine Wolfe Bruce, mécène américaine de l'astronomie", rédigé par Colette Le Lay.

Grand public

Cinéma & philosophie : Les ailes du désir, 1987, réal. Wim Wenders. La projection aura lieu le mercredi 12 février à 18h30 dans le bâtiment G du Campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy, salle G04 ; l'entrée est libre et gratuite. La projection sera suivie d’une discussion animée par Roger Pouivet (département de philosophie UL / Archives Poincaré). [en savoir plus]

Manuel Rebuschi interviendra lors du deuxième CogTalk de l'association EKOS des étudiants en sciences cognitives de l'Université de Lorraine, le 25 février à La Plantation. Sa conférence s'intitulera : "Que pouvons-nous savoir ?".

Stéphanie Debray a publié dans L'Encyclopédie philosophique un article grand public sur les pseudosciences. Il est disponible ici : https://encyclo-philo.fr/pseudoscience-gp/

Pierre Couchet a publié sur le blog AHP Numérique un billet consacré aux ontologies et intitulé : "Des ontologies pour les sciences humaines ... et pour les autres".

Vient de paraître

  • Olivier Bruneau, "Colin Maclaurin (1698-1746): a Newtonian between theory and practice", British Journal for the History of Mathematics, 35:1, 52-62
  • Thierry Joffredo, "Une analyse génétique de l'Introduction à l'analyse des lignes courbes algébriques de Gabriel Cramer (1750)", Revue d'histoire des mathématiques, T. 25 fascicule 2, 235-289. https://smf.emath.fr/publications/une-analyse-genetique-de-lintroduction-lanalyse-des-lignes-courbes-algebriques-de
  • Roger Pouivet, "The Right to Believe that Only One Religion is True", Philosophy of Religion: Analytic Researches 2019, vol. 3, no. 2. https://frai.iph.ras.ru/article/view/3670/2743
  • Roger Pouivet, "Croyance religieuse", article dans L’Encyclopédie philosophique. http://encyclo-philo.fr/croyance-religieuse-a/
  • Jonathan Simon, coordination avec Richard Emmanuel Eastes de la section IV., "Éthique et société" de Richard Emmanuel Eastes et Bernadette Bensaude-Vincent (eds..), Philosophie de la chimie, Paris : De Boeck Supérieur, 2020
  • Frédéric Wieber et Alexandre Hocquet, "Méthodes de modélisation en chimie computationnelle : pluralisme et pragmatisme, software et benchmarking", in Richard Emmanuel Eastes et Bernadette Bensaude-Vincent (eds..), Philosophie de la chimie, Paris : De Boeck Supérieur, 2020, 170-176

Zoom ... sur le projet "Éthique et métaphysique : une défense du réalisme moral", de Jean-Baptiste Bontemps

Mon projet de thèse s’inscrit au sein des débats contemporains dans le champ de la métaéthique. Contrairement à l’éthique normative, il ne s’agit pas de s’interroger sur ce qui est moralement bon ou mauvais, mais sur la signification des jugements moraux. Ces débats sont liés au fait que, d’un point de vue phénoménologique, nos pratiques morales ordinaires nous mènent à des positions théoriques radicalement opposées – il s’agit du « problème moral » mis en avant par Michael Smith (1994) dans son ouvrage The Moral Problem.

Lorsque nous débattons à propos d’une question morale, nous considérons intuitivement qu’il existe une « bonne réponse », c’est-à-dire qu’un jugement moral comme « l’esclavage est un mal » possède une valeur de vérité qu’il convient de déterminer. Cette intuition – le cognitivisme moral – possède deux conséquences importantes : d’une part nos jugements moraux seraient des croyances et, d’autre part, ceux-ci porteraient sur « quelque chose ». Bien que cela ne soit pas nécessaire, cette dernière nous pousse à défendre l’existence de propriétés morales qui surviendraient sur des propriétés descriptives. Par conséquent, la proposition « l’esclavage est un mal » est vraie si et seulement si elle décrit correctement un fait moral. Si à cela nous ajoutons une thèse épistémologique qui rend la connaissance morale possible, notre intuition cognitiviste nous conduit à défendre une forme de réalisme moral. Il est alors nécessaire de s’intéresser au statut ontologique des propriétés morales – sont-elles naturelles ou sui generis ? –, voire sur la nécessité d’un engagement ontologique pour être réaliste, ainsi que sur la relation de survenance entre celles-ci et les propriétés naturelles non-morales.

Néanmoins, la première conséquence de notre intuition cognitiviste – d’après laquelle nos jugements moraux seraient des croyances – entre en conflit avec une autre intuition, celle de l’internalisme du jugement. En effet, d’un point de vue phénoménologique, nous constatons un lien très fort entre nos jugements moraux et nos actions : si nous jugeons que l’action x est moralement bonne (ou correcte), alors nous sommes nécessairement motivés – dans une certaine mesure – à faire x. Or, si nous considérons la théorie classique de la psychologie humaine inspirée par Hume (1739), un état cognitif (par exemple une croyance) n’est jamais capable, à lui seul, de motiver une action, contrairement à un état conatif (par exemple un désir) : savoir que le tabac est mauvais pour la santé ne suffit pas à me faire arrêter de fumer si je n’ai pas le désir d’arrêter. Par conséquent, si le cognitivisme moral est vrai, il devient difficile de rendre compte de ce lien entre nos jugements moraux et nos actions puisqu’une croyance ne constitue pas une raison d’agir. Bien qu’il soit possible de rejeter l’internalisme du jugement et/ou la psychologie (néo-)humienne pour maintenir la thèse cognitiviste, une autre option – héritée de l’émotivisme défendu par A. J. Ayer (1936) – consiste à abandonner le cognitivisme au profit de l’expressivisme en affirmant qu’en réalité, nos jugements moraux sont l’expression d’états conatifs. Dans ce cadre non-cognitiviste, il devient aisé d’expliquer la relation entre nos jugements et nos actions, mais il semble que nous soyons alors dans l’obligation d’abandonner notre première intuition : contrairement à celle-ci, nos jugements moraux n’auraient pas de valeur de vérité. Cependant, et au-delà des difficultés qui lui sont propres – notamment le problème Frege-Geach –, un partisan du non-cognitiviste se doit de développer, sans les ressources dont dispose le réaliste, une théorie qui parvienne à rendre compte de nos pratiques morales ordinaires (Schroeder 2010). Ainsi les expressivistes contemporains (Blackburn 1984 ; Gibbard 2003) essaient de défendre l’idée qu’en un certain sens, nos jugements moraux sont vrais ou faux, et ce de manière objective.

Entre ces deux options extrêmes que constituent le réalisme moral et l’expressivisme, il existe un nombre important de positions qui maintiennent la thèse cognitiviste sans pour autant défendre l’existence de faits moraux – c’est le cas, par exemple, du constructivisme kantien, du subjectivisme ou de la théorie de l’erreur. Initialement, mon projet de thèse était de défendre une forme de réalisme moral, position que je trouve actuellement particulièrement problématique, tant sur un plan épistémologique qu’ontologique : je cherche ainsi, à la manière de Smith (1994), à réconcilier nos différentes intuitions au sein d’une théorie dont je serais prêt à assumer le coût philosophique.

Voir la page de Jean-Baptiste Bontemps

 

 

Prochaine lettre en mars 2020 -- Vous pouvez également vous inscrire à notre liste de diffusion

© 2020 - Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine / Université de Strasbourg)