La lettre d'information des Archives Poincaré (mars 2024)

Manifestations

• Atelier Adno – l’exploration commentée des images au service de la médiation et de l’enseignement, 13 mars 2024, Poitiers [en savoir plus]
• Qui veut la peau de Roger Pouivet ?, 27 mars 2024, Nancy [en savoir plus]
• Wittgenstein et le mensonge, 16-17 mai 2024, Nancy [voir l'appel à contributions]

Vous pouvez comme toujours retrouver les vidéos de nos manifestations passées ici : https://videos.ahp-numerique.fr/c/colloques

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Hors les murs

• 8 mars, Julia Beauquel : animation d'une formation "La danse, ou la beauté du geste", programme "L'art pour diriger autrement", Fondation Fiminco, studios de la compagnie Bianci Li, Romainville
• 8 mars, Eric Jacques : "Sur quelques contributions majeures de Gilbert Newton Lewis à la physico-chimie du XXe siècle : les apports remarquables d'un « touche-à-tout »", colloque "Les apports de Gilbert Newton Lewis (1875-1946) à la chimie du XXe siècle : points de vue historiques, pédagogiques et didactiques", organisé par la Société Française d'Histoire de la Chimie et le Groupe Histoire de la Chimie de la SCF, Paris, Société Chimique de France
• 15 mars, Sophie Arborio : "La place des incertitudes dans les maladies rares dans la relation soignant-soigné", Colloque Scientifique Régional Recherche Maladies Rares, CHRU Nancy Brabois
• 15-16 mars, Anna Zielinska : "Le génocide comme rupture. Penser les catastrophes depuis Lviv, avec Raphael Lemkin et Hersch Lauterpacht", colloque " Une autre philosophie continentale : la pensée en Europe centrale et orientale", École Normale Supérieure, Paris
• 19 mars, Roger Pouivet : "Les oeuvres d’art existent-elles ? Une question ontologique et métaphysique", Conférence de l'Association des Professeurs de Philosophie de classes préparatoires, en ligne
• 25 mars, Andrew Arana : "Disagreement in mathematics", colloque Disagreement in logic and reasoning, IHPST, Paris
• 25-27 mars, Vincent Granata : "Les nouveaux avatars du live sur internet : ontologie de la performance musicale en ligne", colloque AFRINUM - Cultures du numérique et identités en actes, EHESS, Paris
• 26 mars, François Jaquet : "Le pire des maux: Ethique et ontologie du spécisme", Séminaire de l'ORCA (Observatoire de Recherche sur la Condition Animale), en ligne
• 2 avril, Guillaume Schuppert : "Expérience de pensée, fictionalité et vérité". Paris, Séminaire d’élèves de l’Ecole Normale Supérieure Fiction, Imagination, Vérité
• 3-5 avril, Lucile Desmoulins, Tiphaine Zetlaoui, Stéphanie Debray, Rana Challah, Zineb Serghini : "Conception polyphonique d'un jeu sérieux multivalent sur la régulation, la déontologie et l'éthique de l'influence, l'XP#CharlieDilemme", colloque "Diversité et Réussite(s) dans l’enseignement supérieur", Nantes Université et Université Laval (Québec)
• 4 avril, Roger Pouivet : "La cohabitation des religions", Conférence de l’Associazione italiana di filosofia della religione, en ligne

Du côté des projets

Dans le cadre du projet FOCUS-HP et du partenariat des Archives Poincaré avec l'Espace Mendès France, le deuxième atelier Adno – l’exploration commentée des images au service de la médiation et de l’enseignement s'est tenu le 13 mars 2024, dans les locaux de l'EMF à Poitiers. Nous avons pu constater à quel point cet outil pouvait intéresser des acteurs très divers aux problématiques variées, à la fois dans la recherche, les musées, le milieu associatif. Le projet suit son cours, avec un travail d'amélioration d'Adno, en fonction des cas d'usage que ces ateliers ont permis de recenser, et la construction d'un certain nombre de ressources, dont nous vous reparlerons très bientôt.

Grand public

A l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, nous avons réalisé une interview de Claire Crignon, pour qu'elle nous parle de son parcours, de sa vocation d'enseignante-chercheuse, et de ce que peut vouloir dire être une femme dans ce métier. L'interview est à écouter sur Factuel.

Gerhard Heinzmann donnera une conférence le 17 mars à 14h30, au Temple protestant de Bar-le-Duc, intitulée : "Promenade historique, théologique et politique au pays du premier prince protestant : « Tu as ta réformation et moi ma deuxième femme »".

Pline l'Ancien encore ! C'est en effet à propos de lui que Stéphane Schmitt interviendra le 20 mars, lors de la Journée académique des langues anciennes au Lycée Jacques Callot de Vandeuvre-lès-Nancy.

Laurent Rollet animera une balade scientifique à la découverte de Poincaré dans Nancy, les 21 et 26 mars, pour des élèves du collège Alfred Mézières (Nancy). Les groupes seront composés d’élèves français et ukrainiens, dans le cadre d’un accueil temporaire d’élèves originaires d'Ukraine.

La deuxième édition de la Nuit des sciences au lycée La Malgrange de Jarville-lès-Nancy se tiendra le vendredi 12 avril à partir de 18h. Nous sommes ravis d'en être encore une fois partenaire !

Dans le cadre du programme "L'Université en campagne contre les idées reçues", organisé par la Maison des sciences de l’Homme d’Alsace (MISHA) et soutenu par l’Université de Strasbourg et l’Eurométropole de Strasbourg (dans le cadre de France 2030), Catherine Allamel-Raffin et Jean-Luc Gangloff interviendront le 13 avril à 17h à Hangebieten pour un débat sur les ressorts de l’imaginaire extraterrestre.

Vient de paraître

Philippe Nabonnand, Olivier Bruneau, Jeremy J. Gray, Gerhard Heinzmann, Philippe Henry, Jean Mawhin, David Rowe, Klaus Volkert, Scott A. Walter (eds.), La correspondance entre Henri Poincaré et les mathématiciens, Basel, Birkhäuser, series "Publications des Archives Henri Poincaré / Publications of the Henri Poincaré Archives", 2024. DOI: https://doi.org/10.1007/978-3-7643-8288-9 [présentation sur le site de l'éditeur]

Indispensable for understanding Henri Poincaré's vast activity in the mathematical sciences. Provides new sources revealing Poincaré's involvement as president of the "Commission permanente du Répertoire bibliographique des sciences mathématiques" as an actor in the "Dreyfus Affair," and on his links with the editors of the major mathematical journals.

The letters, many of which are unpublished, are fully annotated with an emphasis on the academic, cultural and technical contexts. An introduction underlines the lessons that can be drawn from the reading of these correspondences on Poincaré's position in the mathematical and academic communities. Three indexes facilitate the reading.

Le volume de la correspondance de Poincaré consacré à ses échanges avec les mathématiciens permet de suivre son investissement dans le champ des sciences mathématiques de ses débuts comme étudiant brillant et prometteur préparant une thèse jusqu’à ses derniers jours, où devenu une icône pour la communauté mathématique depuis de longues années, sa correspondance traduit autant son activité dans la recherche que son implication dans les questions académiques, institutionnelles et organisationnelles. Les questions liées à la théorie des équations différentielles et l’entreprise du Répertoire bibliographique des sciences mathématiques ont suscité une activité épistolaire particulièrement sensible par le nombre de lettres qui y font allusion et par la diversité des correspondants qui abordent les questions de bibliographie mathématique. Les correspondances sont aussi l’occasion de multiples partages d’informations mathématiques, académiques et éditoriales.

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Stéphane Schmitt, Du crustacé au cristal. La biologie de Hans Przibram (1874-1944), Paris : Éditions Matériologiques, coll. "Histoire des sciences et des techniques", 2024. [présentation sur le site de l'éditeur]

Hans Przibram (1874-1944) fut l’un des plus éminents biologistes européens du début du XXe siècle et fonda à Vienne le Vivarium, un institut de biologie expérimentale particulièrement novateur et dynamique, consacré à l’étude des grandes questions théoriques de la biologie de l’époque, comme les mécanismes de l’hérédité et du développement. Lui-même travailla activement à l’édification d’une biologie qu’il voulait fondée à la fois sur l’expérience et sur une approche mathématique des phénomènes.

Dans ce livre, nous évoquons sa vie et sa carrière, depuis l’âge d’or intellectuel que fut pour lui la Vienne de la Belle-Époque, jusqu’à sa fin tragique au camp de concentration nazi de Theresienstadt, et nous présentons son œuvre foisonnante et ses conceptions scientifiques originales. Convaincu de pouvoir ramener tous les phénomènes du vivant à des lois physiques et chimiques simples, y compris la morphogenèse, qu’il croyait pouvoir analyser de manière mathématique, il se consacra spécialement à l’étude de la régénération des appendices des crustacés, en particulier de certaines régénérations anormales, dites « homéotiques », à l’issue desquelles un appendice est remplacé par un autre, et il tenta de les interpréter en termes de cinétique différentielle de croissance, faisant le lien avec les travaux contemporains sur l’allométrie. S’opposant aux explications de type sélectionniste, il considérait la régénération comme une propriété universelle du vivant et la comparait même à des phénomènes observés dans le cas des cristaux.

Les idées audacieuses de Przibram sont largement tombées dans l’oubli après les avancées de la génétique et de la biologie moléculaire. Cependant, avec ses collègues du Vivarium, il a indéniablement marqué l’histoire de la biologie théorique et mathématique, dont plusieurs représentants éminents (comme Ludwig von Bertalanffy et Paul Weiss) ont commencé leur carrière à ses côtés. Et surtout, il nous ouvre une fenêtre privilégiée sur le prodigieux foisonnement conceptuel de la biologie du début du XXe siècle.

Feuilleter l'introduction, la table des matières et l'index

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Martine Janner-Raimondi, Carole Baeza, Cécile Fontaine, Sophie Arborio (dir.), Recherches participatives en santé : regards et expertises au croisement des parcours pour une démocratie en santé, L’Harmattan, coll. Auto(s)-biographie(s) et formation, Paris, 2024 [présentation sur le site de l'éditeur]

La dimension politique de démocratie en santé s’inscrit dans une double préoccupation éthique et épistémologique, qui vise : d’une part, à mettre en commun les différents savoirs élaborés concernant la maladie chronique / le handicap en reconnaissant la valeur des savoirs d’expérience ; et, d’autre part, à appréhender les dimensions biographiques inhérentes à la considération phénoménologique du « vivre avec » la maladie / le handicap au quotidien, incluant les questions de traitement, de suivi et d’accompagnement, ainsi que les relations aux proches, aux autres et au monde. Reconnaître et faire dialoguer les différentes formes d’expertises : tel est le défi relevé dans cet ouvrage collectif afin de faire science autrement.

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Florent Schoumacher, Simulacre et hypermodernité. Eidolon, Paris, Balland, 2024. [présentation sur le site de l'éditeur]

Dans les sociétés dites « hypermodernes », le contrat social dispose que nous employons, tous, des « simulacres ». Nous y sommes portés par l’Hybris (l’orgueil). La notion d’Eidelon (simulacre) se trouve déjà chez Platon. Dans notre version, la notion de simulacre suppose que nous avons tous un rapport biaisé à la réalité du monde, non pas parce que la réalité n’est pas accessible (propos courants des films comme Matrix ou eXistenZ et de la pop culture en général), mais parce que nous souhaitons ne pas voir les choses telles qu’elles paraissent, même si nous possédons tous les instruments cognitifs pour appréhender le monde, du fait de notre processus évolutif biologique.

En somme, par la notion d’Eidolon (simulacre), nous expliquons les défauts propres à nos sociétés occidentales. Le simulacre sert au maintien de l’ordre (taxis) et empêche toute action concrète (praxis).

Pour autant, nous avons parfois l’impression d’un « décalage » entre ce qui est perçu et ce qui est réel (hystérésis), ce moment où nous croyons que nous sommes dans une comédie sociale. Les choses ne semblent pas être ce qu’elles sont.

C’est alors que l’individu se pose des questions d’ordre métaphysique sur son rapport au monde. La société cherche alors à lui fournir des réponses convenues, admissibles au sein des paradigmes des sociétés hypermodernes, comme l’hypothèse de la simulation informatique du monde, tant que les réelles questions sociales ne doivent pas être mises à jour.

Ceci explique en partie l’explosion des théories conspirationnistes, la recherche de spiritualités alternatives, les pseudo-sciences, le succès relatif de la collapsologie, l’engouement pour les compétitions sportives, la valorisation du travail salarié, le développement du wokisme et la cristallisation de la radicalisation idéologique.

Seule une « condition active », au travers de la philosophie, cet art de la conjecture rationnelle selon Bertrand Russell, peut nous assurer une vue juste et concrète sur la société hypermoderne.

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• Yamina Bettahar, "Integration Process of Science and Technology, between Dependence and the Desire to Innovate: the Case of Maghreb", in Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez and Jérôme Lamy (eds.), Global History of Techniques (19th-21th centuries), Brepols Publishers,  Turnhout, 2024.
• Stéphanie Debray & Lucile Desmoulins, "Le traitement pharmaceutique de l’éjaculation précoce : Une communication en « clair-obscur » ?", in L. Corroy, C. Chauzal-Larguier, & A. Pourrez (éds.), Expertes, experts en santé dans les médias : Entre légitimité et controverses (Vol. 2, p. 27‑42), ISTE Group, 2024.
• Vincent Granata, "L'expressivité du blues : une construction de signification. À propos d'un concert de Jimmy "Duck" Holmes à Natchez", Cahiers d'ethnomusicologie, 36, 9-25. https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/5035
• Yves Habran, Wendelin Küpers, Jean-Christophe Weber, "Reconceiving vulnerabilities in relations of care how to account for and deal with carers' vulnerabilities", Social Science and Medicine, 2024 Jan:340:116388. doi: https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2023.116388
• Eric Jacques, Jean-Antoine Chaptal (1756-1832) : premier chimiste disciple de Lavoisier, Comptes Rendus de Chimie de l'Académie des Sciences, 2024. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.5802/crchim.267/
• Roger Pouivet, "Pourquoi la beauté ?", Des propriétés esthétiques, sous la direction de Alexandre Declos & Claudine Tiercelin, Collège de France, OpenEdition, 2024. https://books.openedition.org/cdf/15707
• Guilaume Schuppert, "Les horreurs du pluralisme esthétique", Des propriétés esthétiques, sous la direction de Alexandre Declos & Claudine Tiercelin, Collège de France, OpenEdition, 2024. https://books.openedition.org/cdf/15738

Zoom sur ... le projet d'édition de la correspondance d'Henri Poincaré : une interview de Philippe Nabonnand

À l'occasion de la parution chez Springer/Birkhäuser du volume de la Correspondance entre Henri Poincaré et les mathématiciens, nous avons voulu revenir sur ce programme au long cours, en posant quelques questions à Philippe Nabonnand.

Quand le projet d'édition de la correspondance de Poincaré a-t-il été lancé ? Quel rôle joue-t-il au sein du laboratoire ?

Le projet d’édition de la correspondance s’est concrétisé lors d’une réunion informelle avec Arthur Miller, Jeremy J. Gray et quelques membres des toutes récentes Archives Poincaré et des conférenciers invités du Congrès « Henri Poincaré – Science et philosophie » de 1994, le premier colloque organisé par notre laboratoire, il y a donc 30 ans. Les choses se sont alors accélérées lorsque nous avons récupéré les archives de Pierre Dugac qui avaient déjà réuni énormément de matériel. Nous avions déjà les « mythiques » microfilms des archives de la famille Poincaré réalisés par Arthur Miller. Pendant des années, un lecteur de microfilms a trôné au milieu du laboratoire. On s’est mis au travail et une collection, Publications des Archives Henri Poincaré, dirigée par Gerhard Heinzmann, a été créée chez Birkhaüser. Assez rapidement, deux volumes ont été publiés, le premier, en 1999, a été consacré à la correspondance entre Henri Poincaré et le mathématicien suédois, Gösta Mittag-Leffler, le deuxième, en 2007, à la correspondance avec les physiciens, les chimistes et les ingénieurs, édité par Scott Walter, Etienne Bolmont et André Coret. Le travail d’édition de correspondance est passionnant, de la transcription à l’annotation mais c’est bien aussi de faire autre chose et nous sommes partis vers d’autres programmes de recherche pendant un moment et la réalisation et la publication des volumes suivants ont été plus lentes. Le projet n’a pas été abandonné pour autant puisque trois volumes sont parus, la correspondance avec les astronomes et les géodésiens, édité en 2016 par Scott Walter, Philippe Nabonnand, Ralf Krömer et Martina Schiavon, la correspondance de jeunesse d'Henri Poincaré, édité en 2017 par Laurent Rollet et cette année, la correspondance avec les mathématiciens. Le programme prend au début des années 2000 une dimension numérique sous l’impulsion de Scott Walter qui commence à réaliser une édition numérique avec Pierre Couchet.

Pour répondre à la seconde partie de la question, on peut dire en premier lieu que ce projet a été emblématique de l’identité des Archives Poincaré dans les milieux de l’histoire des sciences. Cela ne veut pas dire que nous ne faisions pas autre chose mais au début de son existence, le laboratoire a été surtout vu (et financé) à travers ce projet. Un autre point important est qu’il a été à l’origine du « tournant numérique » des Archives Poincaré. On peut dire que ce projet a été un « projet structurant » du laboratoire. (Voir à ce sujet Philippe Nabonnand & Pierre Edouard Bour, "Un projet « structurant » dans la durée : l’édition de la correspondance de Poincaré", Lettre de l'INSHS 57, 2017, 26-28)

Qu'apporte le dernier volume paru sur la correspondance avec les mathématiciens ?

Beaucoup de lettres mathématiques avaient été publiées par Pierre Dugac. L’édition des Archives Poincaré est originale néanmoins dans la mesure où nous avons, il y a longtemps, fait le choix éditorial de « tout » publier et cela, en deux sens, d’une part, en n’excluant pas les correspondants peu connus ou carrément inconnus et d’autre part, en ne faisant pas le tri entre des lettres jugées intéressantes et d’autres futiles. Pour revenir à ce dernier volume, il y a d’abord quelques « scoops » comme un brouillon (découvert par Laurent Rollet) adressé à son collègue mathématicien, Paul Appell, de la fameuse lettre envoyée par Poincaré au tribunal de Rennes dans le cadre de l’Affaire Dreyfus. Aussi, provenant des archives de la famille Poincaré, un brouillon de note sur les groupes infinitésimaux à une infinité de paramètres envoyé par Sophus Lie. S’il fallait choisir une lettre, peut-être celle que Poincaré envoie à son collègue Georges Henri Halphen au printemps 1881 dans laquelle il expose de manière lumineuse en deux pages les grands traits de la théorie des fonctions fuchsiennes.

Cette théorie est un des thèmes les plus évoqués dans les correspondances avec des mathématiciens ; ce n’est pas à proprement parler une nouveauté, il est bien connu que la découverte des fonctions fuchsiennes lui donne très tôt une stature internationale. Pour autant, les résultats exposés par Poincaré dans ses premières notes à ce sujet suscitent tout de suite une curiosité et les lettres émanant de correspondants connus ou moins, demandant des précisions ou indiquant des proximités avec les propres travaux des correspondants, sont nombreuses. Parmi celles-ci, une lettre du mathématicien Arthur Cayley, dans les années 1880, qui pose une question montrant une certaine incompréhension de sa part et la réponse plus qu’aimable de Poincaré. La théorie des formes algébriques, qui est aussi un important sujet de recherche de Poincaré à ses débuts, ne suscite pas, en dehors de Charles Hermite, de réactions épistolaires particulières, ni la théorie qualitative des équations différentielles non-linéaires. Le second thème souvent évoqué dans les lettres échangées par Poincaré avec les mathématiciens concerne le Répertoire bibliographique des sciences mathématiques, une idée de Poincaré pour un projet international mis en œuvre par la Société mathématique de France et dans lequel Poincaré a une position centrale ; de nombreuses lettres concernant la définition du projet, la constitution de l’index, le mode de référencement, sa réalisation, son administration… Il apparait ainsi un premier réseau de correspondants autour de cette entreprise.

La correspondance avec les mathématiciens révèle aussi l’importance des périodiques mathématiques dans l’activité d’un mathématicien au tournant du 20^e siècle. Les demandes de tirés à part, les envois de notes, les demandes de conseils adressés à Poincaré sont nombreuses. Parmi les plus longues correspondances sont celles échangées avec des rédacteurs de journaux ; outre bien sûr, celle avec Mittag-Leffler créateur et rédacteur des Acta mathematica, Poincaré échange 35 lettres avec Thomas Craig, rédacteur de l’American Journal of Mathematics et 67 lettres avec Giovanni Guccia, rédacteur des Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo.

Enfin un autre point, si l’on se réfère aux nombres de citations, on arrive à une certaine idée de l’entourage de Poincaré dans le champ mathématique ; Augustin Louis Cauchy, Bernhardt Riemann et Karl Weierstrass apparaissent comme des figures tutélaires, Felix Klein, Lazarus Fuchs et Hermann Amandus Schwarz comme des acteurs de la discussion autour des fonctions fuchsiennes, Charles Hermite, comme mentor ainsi que Paul Appell et Émile Picard, les deux autres « étoiles » promues par Hermite.

Quelles sont les prochaines étapes de ce programme éditorial ?

Tel que le projet a été envisagé il y a trente ans, il reste encore un volume pour terminer l’édition de la correspondance d'Henri Poincaré, celui consacré à la correspondance académique, administrative et familiale auquel travaille Laurent Rollet. Mais le projet a évolué depuis ; la correspondance est, avec la biographie, l’iconographie et les bibliographies, une des entrées du site « Henri Poincaré, 1854-1912 »  qui est en cours de finalisation. La correspondance est aussi une source importante pour le projet de dictionnaire « Poincaré » porté par Laurent Rollet.

 

 

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