Vie du laboratoire
Le laboratoire accueille comme tous les ans de nouveaux doctorants : Christelle Venard travaille à une thèse intitulée : "Isidore Didion (1798-1878), parcours d’un mathématicien militaire et philanthrope du 19e siècle", sous la direction de Laurent Rollet et Olivier Bruneau ; Frédéric Bernicot (ci-contre, en haut) se consacre quant à lui à un travail sur : "L'existence comme localité : une alternative plurimondaine au réalisme modal", sous la direction de Paul Clavier ; Anne Jeannin-Girardon (ci-contre, en bas) réalise sa thèse sur : "Épistémologie pratique de l’intelligence artificielle", sous la direction de Catherine Allamel-Raffin et Erik-André Sauleau (Université de Strasbourg, Équipe IMAGeS) ; Rémi Blondel s'intègre dans le projet ANR MATHY (voir le zoom projet en bas de cette lettre), avec une thèse intitulée : "Hygiène mathématique et hygiène verbale en France de 1936 à 1945", sous la direction d'Andrew Arana ; enfin Isaac Ngendakuman poursuit aux Archives Poincaré son travail sur les "Pratiques spatiales dans les dynamiques identitaires des Burundais en contextes migratoires en Île-de-France et à Nancy", sous la direction de Sophie Arborio. Bienvenue à eux !
Des thèses qui commencent et d'autres qui s'achèvent : nous avons le plaisir d'annoncer que Rémy Poels soutiendra le vendredi 8 novembre, à 14h, sa thèse intitulée " La philosophie de Schopenhauer face au problème du mal : déconstruction, échappatoires, apories", qu'il a réalisée sous la direction de Christophe Bouriau et Peter Welsen. Toutes nos félicitations anticipées !
Nous recrutons un·e ingénieur·e Chargé·e de ressources documentaires pour un CDD de deux mois (novembre-décembre 2024). Pour consulter l'offre et candidater, si vous souhaitez travailler à faire vivre notre bibliothèque sur le site de Nancy, c'est sur le portail-emploi du CNRS !
Les Journées scientifiques des Archives Henri-Poincaré se sont déroulées d'une manière très satisfaisante et conviviale, cette année encore à Saint-Jean-de-Bassel, les 30 septembre et 1er octobre. Merci aux doctorant·e·s qui ont pris en charge l'organisation cette année : Anna Kandel, Daniel Usma-Gomez, et Jean-Luc Vanola.
Enfin, deux excellentes nouvelles pour Stéphanie Debray (ci-contre, à droite) : elle recevra le vendredi 29 novembre le prix de thèse de l'Université de Lorraine (école doctorale SLTC), pour sa thèse soutenue en décembre 2023, "La science et ses contrefaçons : rôles légitimes et illégitimes des valeurs, des preuves et des agents dans les pratiques et les décisions scientifiques" (c'est annoncé ici, et une interview sera bientôt disponible sur Factuel) ; elle a également été élue au CA de la Société de Philosophie des Sciences, pour le mandat 2024-2027 (la composition du nouveau CA est indiquée ici). Un grand bravo pour ces deux belles réussites !
Séminaires et groupes de travail
- Séminaire d'histoire des sciences astronomiques : mardi 1er octobre, à 14h, Peter Barker (Oklahoma University), "The Persistence of Tychonism" & Ji Chen (PSL-Paris Observatory & University of Science and Technology of China), "The dissemination of Tycho Brahe’s solar and lunar theories in late Ming and early Qing China", Observatoire de Paris, salle du conseil du bâtiment Perrault
- Réunion du groupe de travail "GoodAct" (ITI CREEA, Université de Strasbourg) : mardi 8 octobre, à 18h, en ligne
- Cycle Épistémologie & communication scientifique : mardi 8 octobre, à 14h, Muriel Guedj (Université de Montpellier) et Richard-Emmanuel Eastes (Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale), "Médiation et recherche sur la médiation : une relation compliquée", en ligne
- Séminaire Esprits non-humains : science, métaphysique, éthique : mardi 8 octobre, à 17h15, Tatjana Višak (Université de Mannheim), "What capacity for welfare do different animal species have and why does it matter?", Strasbourg, MISHA, salle Océanie, et en ligne
- Séminaire Philosophie : monde, rationalité, normativité : mardi 15 octobre, à 16h, Audrey Rieber (ENS Lyon), "Quelle histoire pour la préhistoire ? Un cas croisé d’esthétique et d’épistémologie", Maison des Sciences de l'Homme Lorraine, 25 rue Baron Louis, 1er étage, salle de conférences
- Séminaire de philosophie de l'astrophysique : jeudi 17 octobre, à 14h, Marie Gueguen (Université de Rennes), "Computational Astronomy and Modeling Strategies: can your modeling choices dispense with philosophy?", et Niels Martens (Utrecht University), "Philosophy for and with astronomy", Amphithéâtre de l'Observatoire de l'Université de Strasbourg.
- Séminaire Histoire et philosophie des mathématiques de l’Antiquité à l’âge classique et demi-journée Patrimaths : vendredi 25 octobre, Université Paris-Cité, Bât. Olympe de Gouges, Paris. Matinée (10h30-12h30, salle 628), Thomas Morel (Bergische Universität Wuppertal), "Patrimoines et autorités en mathématiques pratiques : le cas de la géométrie souterraine", Colette Le Lay (Centre François Viète, Nantes Université et équipe de l’ENCCRE), "Patrimoine et patrimonialisation du corpus d’astronomie de l’Encyclopédie de Diderot, D’Alembert et Jaucourt", et Caroline Ehrhardt (Université Paris 8, IDHES). Après-midi (14h-16h30, salle 569), Renaud D’Enfert (Université de Picardie Jules-Verne, CURAP-ESS), "Les bibliothèques des écoles normales supérieures dans les années 1830", et Matthias Cléry (Sorbonne Université, INSPE Académie de Paris), "Les mathématiques dans les bibliothèques des INSPEs : un point sur une enquête en cours".
- Séminaire Logiques & philosophie : mardi 29 octobre, à 14h30, Louis Rouillé (FNRS / Liège, AHP-PReST) : "Référence et (non)existence : le cas des noms propres fictionnels", Nancy, site Libération
- Séminaire Philosophie : monde, rationalité, normativité : mardi 5 novembre, à 16h, Frédéric Fruteau de Laclos (Centre d'histoire des philosophies modernes de la Sorbonne), "L'ethnographie, un terrain concret pour les philosophes", Nancy, site Libération salle internationale (324)
- Séminaire interne AHP-PReST Strasbourg : mardi 12 novembre à 17h15, Jessica Katel Martin (Géographie-cités) "L'expérimentation en sciences humaines et sociales : le cas du laboratoire de cartographie/graphique de la VIe section de l'EPHE/EHESS (1954-2000)”, Bibliothèque, 7 rue de l'Université, Strasbourg
- Réunion du groupe de travail "GoodAct" (ITI CREEA, Université de Strasbourg) : mardi 12 novembre, à 18h, en ligne
- Grandes conférences des Archives Henri-Poincaré : mercredi 13 novembre, à 18h, Pierre-Yves Quiviger (Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne), "Qu'est-ce que la philosophie du vin ?", Nancy, Campus Lettres et Sciences Humaines, bât. G/K, salle K02 [s'inscrire]
Les vidéos des séminaires sont à retrouver ici : https://videos.ahp-numerique.fr/c/seminaires. Pour les Grandes conférences, c'est là : https://videos.ahp-numerique.fr/c/grandesconferences
Manifestations
- Journées scientifiques des Archives Henri-Poincaré, 30 septembre - 1er octobre, Saint-Jean-de-Bassel
- FPMW16 : 16e Colloque français de philosophie des mathématiques, 16-18 octobre, Nancy [en savoir plus]
- Journée d'études pour les 10 ans du séminaire Codes sources, 23 janvier 2025
- Le modernisme après la “crise", Histoire et actualité du modernisme et de l’anti-modernisme, 5-6 juin 2025, Metz
Signalons également le colloque "Il ne leur manque que la parole". Sons, cris et voix des animaux dans les cultures antiques et médiévales, organisé par Isabelle Draelants avec Jean-Charles Ducène, Stavros Lazaris et Arnaud Zucker, qui se tiendra sur le campus Condorcet et au Collège de France du jeudi 24 au samedi 26 octobre. Le programme est disponible sur le site de l'IRHT.
Vous pouvez comme toujours retrouver les vidéos de nos manifestations passées ici : https://videos.ahp-numerique.fr/c/colloques
Hors les murs
- 3 octobre, Yamina Bettahar : "Internationalize the modernization of higher technical education institutions in the Maghreb ; promote the conditions for the innovation's emergence and develop relations between science and local industries. Issues, challenges and obstacles. A socio-historical and contemporary approach", Université polytechnique de Prague
- 9 octobre, Andrew Arana : "Purity in mathematics", Université d'Oslo
- 9 octobre, Julia Beauquel : "Action ! Jeu et réalité au cinéma : les techniques de l’Actors studio", séminaire PhiLia, Université de Caen
- 10 octobre, Andrew Arana : "Mathematical hygiene", Université de Bergen
- 10 octobre, Claire Crignon : "Pourquoi et comment faire l’histoire du vieillissement ? L’approche de Mirko D. Grmek", journée d'hommage à Mirko Grmek, EPHE, Sorbonne, Paris
- 10 octobre, Clémence Lebossé, Brice Monier & Martine Paindorge : "L’argument de l’agrément. La contribution du thermalisme à l’héritage sportif dans le Grand-Est (fin 19e à nos jours)", colloque "Architecture et patrimoine du sport dans le Grand-Est", Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Centre des Mémoires Michel Dinet, Nancy
- 10-12 octobre, Martina Schiavon : "Lorenzo Respighi e la geodesia internazionale: bozza di una ricerca in corso", congrès "Lorenzo Respighi: astronomo, matematico e fisico nel bicentenario della nascita", Rome
- 18 octobre, Stéphanie Dupouy : "Alfred Binet (1857-1911), with or without instruments", workshop "Scientific Instruments in Psychology", Tilburg University, Pays-Bas
- 22 octobre, Yamina Bettahar : contribution à la discussion autour de l'ouvrage collectif Global History of Techniques, (Nineteenth to Twenty-first Centuries), Brepols, 2024, sous la direction de Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Perez, Jérôme Lamy, Aubervilliers, Campus Condorcet, Auditorium de l'Humathèque
- 28 octobre, Jean Tain : "Une Enfance berlinoise surréaliste ? La Chronique berlinoise et l´essai sur le Surréalisme de Walter Benjamin », Congrès international Surréalismes Paris 2024, American University of Paris
- 3 novembre, Matthias Dörries : “Maui, Hawai’i, and the history of the concept of microclimate” Conference: Insular weathers, global atmospheres: Exploring the aerial histories of islands, Atmospheric humanities conference II, Aegina, Grèce
- 4 novembre, Andrei Rodin : "Le commentaire de Proclus sur la définition de l'angle chez Euclide et le concept de structure mathématique chez Voevodsky", séminaire d'histoire et philosophie des mathématiques du laboratoire SPHERE, Paris
- 10 novembre, Matthias Dörries : "John L. Heilbron: In memoriam,” Session: The Life and Work of the Late John L. Heilbron, History of Science Society meeting, Merida, Mexico
- 15-16 novembre, Jean Tain : "Une gradation sans hiérarchie ? Être linguistique et être spirituel selon Walter Benjamin", colloque international "D'autres philosophies du langage : l'idéalisme allemand et sa postérité", Sorbonne Université
- 16 novembre, Mélusine Rocher : "Transmission et diffusion des collections naturalistes : les apports et défis du numérique", colloque "Collections scientifiques et biodiversité", La Roche-sur-Yon
Sciences - société
Les événements organisés dans le cadre de la Fête de la science 2024 ont rencontré un beau succès. On rappellera ici les balades d'histoire des sciences "À la poursuite d'un savant dans la ville, Henri Poincaré", menées par Laurent Rollet dans les rues de Nancy et qui se sont achevées dans les magnifiques locaux de l'Académie Stanislas, à la Bibliothèque Municipale de Nancy. La première séance du cycle d'apéritifs "Sciences de l'Ailleurs & de l'Autre", co-organisé avec la Maison des Sciences sociales et des Humanités Lorraine a permis d'aborder mille questions liées aux sciences naturelles et aux récits de voyage, au travers des figures croisées de Buffon et Jules Crevaux. Le programme de la suite de ce cycle, qui se tiendra alternativement à Nancy et Metz, est en cours de création, et nous vous en reparlerons dans une prochaine lettre.
Un petit rappel : l'exposition MORT du Muséum-Aquarium de Nancy est installée jusqu'au 24 novembre. Si vous ne l'avez pas encore vue, la rubrique coup de coeur ci-dessous vous en dit un peu plus.
Vient de paraître
- Stéphanie Debray, Lucile Desmoulins, "The Pharmaceutical Treatment of Premature Ejaculation", in Laurence Corroy, Christelle Chauzal-Larguier, Aurélie Pourrez (eds.), Health Experts in the Media: Between Legitimacy and Controversy, vol.2, John Wiley & Sons, 2024, 1-18. https://doi.org/10.1002/9781394316885.ch1
- Vincent Granata, "Langage(s) de la musique : sur la nature du symbolisme musical", Cahiers philosophiques, n° 178, vol. 3, 2024
- Jean-Baptiste Renault, "Mise en cartulaire et mise en ordre d'une mémoire héritée. La réception des actes transmis par les églises provençales rattachées à Saint-Victor de Marseille au XIe siècle", in Claire de Cazanove Hannecart (ed.), Les cartulaires. Entre mises en ordre des archives et mises en ordre du monde (IXe-XIIIe siècle) / Kartulare. Ordnen der Archive und Ordnung der Welt (9.-13.Jahrhundert), Turnhout, Brepols, collection ARTEM, 2024, 87-116.
- Philippe Schäfer, Vincent Helfrich et Thibault Cuénoud (2024), Innover par bisociation entre RSE et société à mission : le cas MAIF, Innovations, Vol. 3, n° 75, I-XXXI. https://shs.cairn.info/revue-innovations-2024-0-page-I173?lang=fr
Le coup de cœur d'Anna Zielinska : l'exposition MORT au Muséum-Aquarium de Nancy
Le Muséum-Aquarium de Nancy est, jusqu’au 24 novembre 2024, le lieu où la mort est mise en honneur. Qu’est-ce que la mort ? Pour certaines espèces, la définition par arrêt respiratoire est suffisante. Mais d’autres êtres vivants meurent par étapes. À l’Aquarium, on a l’occasion de visiter plusieurs salles, soit d’exposition, soit d’immersion, où sont explorées les questions telles que la prédation, le vieillissement, les pathologies, les maladies et les accidents. L’exposition commence avec trois regards sur la mort, celui d’un biologiste (Dominique Chardard, directeur scientifique du Musée), d'un médecin (Bruno Lévy, chef du service de médecine intensive et de réanimation médicale au centre hospitalier universitaire nancéien), et d'une philosophe (Anna C. Zielinska, philosophe, membre des Archives Poincaré). « La mort est le génie inspirateur, le musagète de la philosophie. Sans elle on eut difficilement philosophé », a noté l’Allemand Arthur Schopenhauer. Pour un philosophe, se confronter à ces questions est donc presque obligatoire. Nous ne pouvons pas l’accepter sans l’apprivoiser, sans essayer d’en comprendre l’histoire conceptuelle. Et la question que nous devons nous re-poser de façon insistante est la suivante : que faire avec le désir légitime d’une partie des personnes de contrôler leur propre mort, et donc d’avoir le droit de mourir conformément à ce désir (avec l’aide de la médecine), sans que cela puisse devenir un « devoir de mourir » pour d’autres. Ce défi est aujourd’hui le nôtre.
Zoom sur ... MATHY, Mathematical Hygiene, un projet ANR co-dirigé par Andrew Arana
Le sujet de l’hygiène mathématique émerge de façon parallèle dansla philosophie des mathématiques et dans la sociolinguistique. Les linguistes étudient le prescriptivisme linguistique, qui vise à promouvoir l’emploi d’une langue standard et les formes considérées comme correctes. Par exemple, l’Académie française propose une rubrique "Dire, ne pas dire" (https://www.academie-francaise.fr/dire-ne-pas-dire), où elle identifie quels mots ou expressions syntaxiques devraient être utilisés par les locuteurs et locutrices du français et lesquels sont à bannir. Par contre, les chercheurs et chercheuses en linguistique sont plutôt descriptivistes, mettant en avant la langue telle qu’elle est utilisée. Ces deux approches linguistiques sont normatives : elles expriment certaines préférences linguistiques, en privilégiant la langue utilisée, ou au contraire la langue telle qu’elle devrait être. La linguiste Deborah Cameron utilise l’expression d’hygiène verbale pour désigner l'ensemble des discours normatifs des locuteurs d’une langue sur les pratiques linguistiques à privilégier.
De manière parallèle, dans un article publié en 2023, Heather Burnett (Laboratoire de Linguistique Formelle) et moi-même avons défini l'hygiène mathématique comme « l’ensemble des discours normatifs régulant les pratiques mathématiques ». Comme les utilisateurs d’une langue, les mathématiciens ont des préférences en matière de définitions et de preuves. Par exemple, certains mathématiciens cherchent les preuves qui expliquent leurs conclusions, c’est-à-dire qui donnent les raisons pour lesquelles la conclusion est vraie, et ils disent que ces preuves sont préférables aux autres. D’autres cherchent les preuves « profondes », même si ces preuves sont plus difficiles à comprendre a priori : par exemple, une preuve est dite profonde si elle révèle une chose inattendue. Dans mes recherches, j’ai également étudié les préférences pour les preuves qui emploient des concepts et des méthodes éloignés du domaine des conclusions (par exemple, en faisant usage de méthodes analytiques et topologiques pour prouver un énoncé arithmétique), ou pour les preuves qui, au contraire, restent proches (par exemple, une preuve purement géométrique d’un énoncé de géométrie) : on pourrait ici distinguer entre un localisme mathématique et une approche plus cosmopolite. Il s’agit là de préférences normatives en mathématiques et l’hygiène mathématique est l’ensemble des discours sur ces préférences.
En sociolinguistique, l’étude de l’hygiène verbale montre que les préférences linguistiques sont presque toujours liées aux opinions politiques de la personne exprimant sa préférence. L’opposition de l’Académie française à l'écriture inclusive exprime une position conservatrice ; par contre, les promoteurs et promotrices du langage inclusif expriment une position politique anti-sexiste. L’opposition de l’Académie française aux néologismes, notamment aux anglicismes, est également révélatrice.
Établir un parallèle en mathématiques peut sembler difficile, parce qu'il y a un principe, un dogme même, qui dit que les mathématiques sont apolitiques. Une partie du projet de l’hygiène mathématique est de montrer que ce dogme est faux. Nous avons par exemple étudié l’opposition de Newton à l’algébrisation de la géométrie par Descartes, et montré que Descartes et Newton ont tous deux un programme politique qui est inséparable de leurs préférences mathématiques. Pour Descartes, la géométrie algébrique est méthodique et donc susceptible d’être acquise par des personnes capables de faire usage de leur raison ; et de surcroît, en vertu de sa différence avec la géométrie ancienne, elle est un moyen de libérer l’esprit d’anciens préjugés. Descartes vise le développement d’une nouvelle classe bourgeoise, les honnêtes hommes, par l’apprentissage de sa nouvelle géométrie. Au contraire, Newton vise à préserver les ordres anciens, en mathématiques et en politique, et son opposition aux mathématiques de Descartes reflète sa position politique conservatrice.
L’hygiène mathématique est actuellement le sujet d’un projet ANR co-porté par Heather Burnett et moi-même, de 2024 à 2028. Nous avons embauché un doctorant, Rémi Blondel, qui va travailler sur l’hygiène mathématique en France dans les années 1930 et 1940, durant les débuts du groupe Bourbaki et sous le régime de Vichy. Un post-doctorant, Chanwoo Lee, arrivera à Nancy début 2025 pour deux ans pour travailler également sur l’hygiène mathématique au 20e siècle.
Le projet a trois objectifs principaux : 1) documenter les phénomènes d'hygiène mathématique, avec un accent particulier sur l'histoire des mathématiques ; 2) comparer les phénomènes d'hygiène mathématique et d'hygiène verbale de manière synchronique et diachronique ; 3) développer une nouvelle compréhension des phénomènes d’hygiène mathématique et d’hygiène verbale à partir des enseignements de la psychologie du raisonnement. Nous considérons qu’étudier des discours normatifs sur les mathématiques de la même manière que les sociolinguistes étudient les discours normatifs sur le langage ouvrira la porte à une meilleure compréhension des relations entre le langage et les mathématiques.
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