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Les rencontres des Archives Henri-Poincaré - Strasbourg

Thème

La circulation et l'appropriation des savoirs scientifiques et épistémologiques dans les sciences et dans la société.

Argument

L'objectif est d'étudier le destin des connaissances produites par certaines spécialités scientifiques dès lors que ces connaissances quittent leur lieu de production. Il s'agit de voir, en d'autres termes, de quelle façon des savoirs qui émergent à un endroit précis du champ scientifique peuvent circuler auprès d'acteurs scientifiques ou non-scientifiques, et de quelle manière ces acteurs s'intéressent, discutent, s'approprient ou redéfinissent ces savoirs. Cette thématique peut être abordée suivant plusieurs angles : les sciences participatives, la recherche-action et la médiation scientifique ; l'interdisciplinarité (question du rapport entre des disciplines différentes) voire la transdisciplinarité (question du rapport entre différents savoirs venant du milieu académique ou non) ; la relation entre la théorie et la pratique, la réflexivité des acteurs (le regard qu'ils portent sur leurs propres pratiques) ; l'appropriation de savoirs issus de la philosophie ou de l'histoire des sciences par des scientifiques (savoirs qui peuvent servir de discours justificateur de la science) ; les rapports de pouvoirs engagés par la circulation du savoir (entre scientifiques, entre scientifiques et acteurs de la société civile, entre acteurs de la société civile), etc. Elle peut être subdivisée en trois axes, non exclusifs entre eux.

Axe 1 : la circulation des savoirs dans les sciences et recherches participatives et dans la médiation scientifique. La recherche participative implique une circulation bilatérale voire une co-construction des savoirs, entre des scientifiques et des acteurs de la société civile. Elle soulève ainsi la question de l'engagement de ces acteurs dans des activités scientifiques, et la façon dont ils s'approprient ou négocient les connaissances issues de milieux académiques. Elle interroge sur les facteurs qui poussent des acteurs à s'intéresser et à s'engager dans (ou avec) une activité de type scientifique, ou au contraire à ne pas s'y intéresser ou s'en désinvestir. Réciproquement, on peut s'intéresser au rapport des scientifiques aux savoirs produits par, ou coconstruits avec, ces acteurs de la société civile. Sans s'identifier à la recherche participative, la médiation scientifique pose certains problèmes similaires. La figure du médiateur, qui fait l'interface entre le champ scientifique et des personnes non scientifiques, soulève une série de questions sur le lien entre science et société et sur la possibilité d'horizontaliser les rapports entre scientifiques et amateurs de science en rendant cette dernière science plus ouverte.

Axe 2 : la circulation interdisciplinaire des savoirs au sein du champ scientifique. On pourra aussi s'intéresser au devenir d'une théorie à partir du moment où elle passe de sa discipline de production vers d'autres disciplines scientifiques. La circulation des savoirs au sein du champ scientifique possède des intérêts heuristiques (e.g., l'intégration de nouvelles connaissances) et comporte parfois des aspects stratégiques (e.g., une science prestigieuse peut servir de modèle à une autre science en quête de légitimité). Cette pratique soulève toutefois un ensemble de questions épistémologiques, concernant par exemple la validité de la théorie une fois importée dans une seconde discipline, les transformations subies par les connaissances lors de cet import, ou encore le statut (métaphorique ou littéral) que prend cette théorie une fois intégrée dans son nouveau champ disciplinaire.

Axe 3 : l'appropriation des savoirs épistémologiques dans les sciences. L'axe 3 peut être conçu comme un cas particulier ou un prolongement de l'axe 2. Il s'agit ici d'étudier la façon dont des acteurs du monde scientifique peuvent intégrer (et pour quelles raisons) des théories qui visent à décrire leur propre pratique ; c'est-à-dire des théories produites par l'ensemble de ces disciplines qui prennent la science pour objet (philosophie des sciences, histoire des sciences, sociologie des sciences, anthropologie des sciences, STS, etc.). Les domaines dans lesquels ces connaissances épistémologiques (au sens large du terme) peuvent être mobilisées inclut les sciences théoriques comme les sciences appliquées, ainsi que le lieu où les unes et les autres se recouvrent. Les angles de cette analyse sont divers : l'analyse réflexive, éthique et épistémologique, d'un agent sur sa propre pratique (e.g., les réflexions éthiques du médecin ou du psychologue, ou celle du chercheur en laboratoire) ; l'usage stratégique des savoirs épistémologiques ou des histoires disciplinaires par certain·e·s scientifiques ; etc.

Organisation et contact

Nina Colin, Maxime Madouas et Arthur Massot

Programme 2022-2023

  • Mardi 10 janvier 2023

Clara Chavanon (OPUS, Université de Strasbourg) : « Recherche(s) participative(s) et enjeux pratiques du "faire en commun" : comment créer les conditions de la circulation des savoirs ? »

Résumé

À la croisée de défis épistémologiques et pratiques, les recherches participatives sont jalonnées de questionnements sur les conditions concrètes du "faire en commun". Quelles conditions de la rencontre et du dialogue ? Quels enjeux de langage ? Quels enjeux de gouvernance ? Quels enjeux relationnels ? Comment créer les conditions propices à la circulation de savoirs et connaissances au service d’une démarche commune ? 

À travers des exemples de recherches participatives de l’Unistra et d’ailleurs, cette intervention sera une occasion d’explorer différentes manières d’interagir et de coopérer entre « chercheurs » et « citoyens » autour d’un objectif de production de connaissances. Des extraits de témoignages de chercheurs, citoyens et médiateurs seront ainsi mobilisés afin d’éclairer la variété des représentations et objectifs qui cohabitent dans ce type de démarche.

Cette intervention sera également une occasion de présenter l’initiative du « Labo Citoyen » déployée au sein du projet OPUS (Open University of Strasbourg) de l’Unistra, qui tend à accompagner chercheurs et citoyens dans la réalisation de tels projets. Le Labo Citoyen développe notamment une méthode d’accompagnement de collectifs d’habitants dans la co-construction d’une question, par la suite adressée à des chercheurs et traitée dans une optique de croisement de différentes formes de savoirs (savoirs académiques, savoirs d’expérience, savoirs intimes, savoir-faire, etc.).

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/3ZzZiuQbvjtvWxq7oBVe3G

  • Mercredi 1 mars 2023

Sacha Dedeken (Sophia Genetics) : « L'intelligence artificielle en médecine, carrefour de savoirs et de fantasmes »

Résumé

L'intelligence artificielle est partout, dans nos smartphones, dans la presse, dans la fiction et dans la recherche. Immanquable et pourtant, le fonctionnement et l'usage de l'IA dans une véritable démarche scientifique pose toujours autant de questions techniques, épistémologiques et sociales. Le développement de ces algorithmes en médecine redouble d'enjeux pratiques pour les cliniciens et patients. Quelle interdisciplinarité dans la figure du "data scientist" ? Quels canaux de circulation des savoirs et non-savoirs dans la recherche en IA ?

Le point de vue d'un doctorant en IA médicale, à la fois acteur du laboratoire et de l'entreprise, permettra de comprendre de l'intérieur comment interagit l'IA avec la radiologie, la génomique et l'oncologie pour tenter de construire ce qu'on appelle désormais une "médecine de précision" ou "data-driven medicine". Cette expertise technique visera à démystifier un domaine qui est souvent le lieu de tous les fantasmes (du grand public, des pairs eux-mêmes mais aussi des philosophes), puis d'illustrer une tentative réflexive du chercheur en herbe sur le domaine qu'il rejoint, sur les enjeux stratégiques de cette interdisciplinarité, sur les aller-retours entre public et privé, théorie et pratique. Enfin cette présentation proposera des pistes de réflexion sur la robustesse de ces modèles et sur notre capacité à y mathématiser notre épistémologie et nos valeurs, ouvrant un dialogue entre philosophie, sciences humaines et ingénierie.

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/4kstjhtNiGFJqfiCsSLViM

  • Mardi 14 mars 2023

Jean-Christophe Weber (AHP, Université de Strasbourg) : « La clinique médicale : un microcosme de science participative ? »

Résumé

Sciences et recherches participatives, co-production de connaissances, expertises profanes, etc. Ces expressions ont leurs usages dans la médecine contemporaine, tant au niveau collectif et politique (démocratie sanitaire, épidémiologie, santé publique) qu’au niveau « micro » du colloque singulier (savoir expérientiel, décision partagée).

En nous situant à l’échelon de la pratique clinique, envisagée comme un laboratoire de production de connaissances et de leurs usages, nous proposons d’analyser la signification que confèrent ces inflexions contemporaines à ces phrases tirées du livre I, §5 du Traité des Epidémies (Corpus Hippocratique) : « La tekhnē médicale comporte trois termes : le malade, la maladie et le médecin. Le médecin est le serviteur de la tekhnē. Le malade doit s’opposer à la maladie avec le médecin ».

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/6aRjfSUyeskWjJWcNVrgqf

  • Mardi 11 avril 2023

Silvia Rossi (SESSTIM, Université Aix-Marseille) et Joëlle Kivits (ECEVE, Université Paris-Cité) : « Améliorer le parcours de soins en cancérologie : comment mettre en dialogue des savoirs différents ? »

Résumé

L’objectif de cette communication est de discuter de comment mettre en dialogue des savoirs scientifiques, des savoirs issus de l’expérience professionnelle et des savoirs issus de l’expérience de la maladie dans la recherche en santé. En partant de deux projets de recherche que nous menons dans le domaine de la cancérologie (1), nous montrerons les articulations possibles de ces savoirs, ainsi que les défis et l’intérêt de leur croisement. En particulier, nous nous intéressons à :

  • La création d’espaces d’échange qui permettent l’expression et la circulation des différents savoirs ;
  • Les rôles des différents acteurs ;
  • La reconnaissance et la légitimité de ces savoirs et leur prise en compte dans le cadre de la recherche ;
  • Les difficultés et les enjeux de la reconnaissance de ces savoirs par la communauté scientifique.

(1)  Explorer l'expérience que la personne atteinte d'un cancer fait de l'organisation des soins par parcours, PARCA1, Financement Cancéropôle Est ; Améliorer l'expérience du PARcours de soins en CANcérologie : une intervention co-construite par des chercheurs, des patients, des professionnelles de santé (PARCA2) et Améliorer le parcours de soins en cancérologie par le partenariat entre patientes et professionnelles de santé (4P), INCa, RISP.

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/eCeF6rKjtRgzYUWRfVhb3h

  • Mardi 9 mai 2023

Mélodie Faury (AHP, Université de Strasbourg) : « Les recherches participatives à l'épreuve du commun »

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/hJJqamM5aFGMrxboRkj9Yq

  • Mardi 13 juin 2023

Jean-Gaël Barbara (CNRS, Université Pierre et Marie Curie) : « Circulation des savoirs et construction scientifique interdisciplinaire : entre heuristique, justification stratégique et limites épistémologiques à partir de deux études de cas (XVIIe et XXe siècles) »

Résumé

Nous aborderons deux exemples de circulation des savoirs entre champs disciplinaires : (1) le modèle de la contraction musculaire de Thomas Willis (1621-1675) entre l’anatomie et la physiologie de Harvey, l’alchimie de Paracelse et l’atomisme de Gassendi ; (2) le modèle physique de la propagation de l’influx nerveux de Ralph S. Lillie (1907-1942) emprunté aux travaux sur les  réactions  d’oxydation  à  la  surface  de  tiges  de  chrome  dans  des  solutions  acides  du chimiste Wilhelm Ostwald (1853-1932). Dans les deux cas, nous montrerons l’heuristique de la construction scientifique interdisciplinaire, la dimension de justification stratégique en empruntant à des champs de connaissance reconnus, tout en pointant les limites épistémologiques des deux modèles proposés.

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/rBAUozyLJpJeukNvr7oGZn

  • Mardi 12 septembre 2023

Lou Weidenfeld (GESTE, ITES, Université de Strasbourg), le mardi 26 septembre, « Engager les acteurs à transformer leurs pratiques en questionnant leur perception du changement climatique et leur capacité à projeter un futur soutenable- le cas de la Souffel »

Résumé

L’objectif du projet « Trajectoires » est de définir une approche et des méthodes pour engager et accompagner une trajectoire d’amélioration de l’état des masses d’eau dégradées au sein de bassins versants agricoles, sous contrainte de changement climatique. Il s’appuie sur le cas du bassin versant de la Souffel pour tester la capacité d’une combinaison de modèles agro-hydrologiques existants (MAELIA et SWAT) à produire des ordres de grandeurs de variables agronomiques et hydrologiques à même de stimuler des changements de pratiques en faveur d’une plus grande durabilité des agro-hydrosytèmes. Pour ce faire, le travail de modélisation est combiné à un exercice de prospective participative. Les scénarios sont produits via des ateliers avec différentes catégories d’acteurs locaux, pour susciter et structurer le débat sur des futurs souhaitables du bassin versant à l’horizon 2070. Pour conduire la prospective participative, deux panels d’acteurs ont été distingués : (i) les agriculteurs du bassin ; et (ii) les représentants de l’action publique locale (syndicat d’eau, collectivités, chambre d’agriculture). Pour chaque panel, le même protocole a été appliqué, avec la conduite de deux ateliers.

L’objectif assigné au premier atelier est de s’accorder sur une vision partagée des différents risques sur le bassin versant (climatiques, pollutions, conflits d’usage…) mais aussi d’interroger l’évolution de leurs pratiques face aux changements climatiques. Le deuxième atelier vise à construire différents futurs à l’horizon 2070 pour le bassin de la Souffel qui répondent à des critères normatifs cohérents avec la demande de durabilité accrue de l’agro-hydrosystème. Ces critères offrent aussi une pluralité d’interprétations et de matérialisations à même de produire plusieurs scénarios. Après la tenue du deuxième atelier, ces scénarios seront modélisés pour ensuite être présentés et discutés dans le cadre d’un troisième et dernier atelier.

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/iK9nGG1PkqoTATEZPPbVER

  • Mardi 10 octobre 2023

Louise Bernard (Université de La Rochelle, CEREGE) : « La pratique artistique comme mode de recherche pour imaginer une alternative future »

Résumé

A travers le cas d'un projet de recherche-création théâtral mené à La Rochelle, Louise nous parle des méthodes de recherche basées sur l'art, de leur aspect participatif et de la posture d'une chercheuse qui intervient dans et est affectée par son terrain.

Voir ou revoir : https://videos.ahp-numerique.fr/w/aeZ1E2Rx8zvYHj5NgeybNp

  • Mardi 12 décembre 2023

Cécile Barnaud (Dynamiques et Écologie des Paysages Agriforestiers, INRAE — Occitanie-Toulouse) : « Asymétries de pouvoir et conflits de valeurs dans les recherches transformatives : chercheur·euse·s face à des dilemmes éthiques »

Résumé

Dans les recherches participatives, co-construire des connaissances implique des arènes souvent caractérisées par des conflits de valeur et des asymétries de pouvoir. La question du positionnement des chercheurs dans ces arènes est délicate et trop rarement abordée de front. Elle les renvoie en effet à des dilemmes éthiques difficiles à résoudre. D’un côté, s’ils adoptent un positionnement neutre, sans parti pris, ils sont accusés d’être naïvement manipulés par les acteurs les plus influents, et de participer en fait à un renforcement des asymétries initiales. D’un autre côté, s’ils assument une posture non-neutre, en renforçant les voix des acteurs les moins influents, on interroge leur légitimité. Dans cette présentation, je reviendrai sur les résultats d’un travail collectif qui nous a permis d’identifier cinq grands types de posture, qui renvoient à différentes conceptions de la légitimité de la recherche participative. Je questionnerai ensuite la façon dont les recherches dites transformatives, qui portent un impératif normatif de transformation dans un contexte d’urgence écologique, font évoluer les postures et soulèvent de nouveaux dilemmes éthiques. Je m’appuierai pour cela sur l’exemple d’un projet de recherche en cours, le projet Just-Scapes, qui vise à co-construire avec les acteurs d’un territoire de montagne des transformations justes de l’élevage dans le contexte du changement climatique.

Voir ou revoir :  https://videos.ahp-numerique.fr/w/1uVskyJ3TGCfszqpgUCqVc