Ce colloque est le dernier du programme Cirmath « Circulations des mathématiques dans et par les journaux : histoire, territoires, publics » qui s’est proposé de contribuer à la compréhension sur le temps long des phénomènes de circulation des mathématiques à l’intérieur de et entre divers publics pratiquant des mathématiques, à partir de l’étude des périodiques mathématiques et de l’espace de circulation qu’ils forment. Afin de saisir les ancrages sociaux des mathématiques dans leur diversité, le corpus des « journaux mathématiques » a été construit en réunissant les périodiques qui soit, publient régulièrement des contenus mathématiques ou des textes ayant trait à une activité mathématique, soit sont considérés comme « journal de référence mathématique » par une communauté.
La base de données des journaux mathématiques[1] qui organise/structure ce corpus rend compte de sa complexité en le sériant en fonction de paramètres comme les publics, la géographie, la temporalité ou le type de journal (généraliste, scientifique, spécialisé…). Conformément à la méthodologie proposée pour le projet Cirmath, elle donne lieu à des approches globales, statistiques et cartographiques, elles-mêmes interagissant avec des études de cas (disciplinaires, géographiques…).
L’objet de ce colloque est d’affiner la description du fonctionnement de l’espace de circulation constitué par les journaux mathématiques[2] à partir des études menées au cours de notre projet, qu’elles se fondent sur les résultats statistiques et cartographiques obtenus à partir de la base de données ou qu’elles s’appuient sur des cas spécifiques.
Plus précisément, si l’espace de circulation constitué par les journaux mathématiques a un caractère géographique, à savoir les lieux dans lesquels les journaux sont rédigés, publiés, distribués et lus, dont il faut rendre bien entendu compte, il comporte aussi des dimensions structurelles constituées par les interactions ou les proximités entre journaux. Les engagements des acteurs individuels (lecteurs, auteurs, rédacteurs, libraires, éditeurs, imprimeurs…) ou collectifs (maisons d’éditions, société savantes et professionnelles, académies, écoles, universités…) dans cet espace s’effectuent en effet non seulement dans des lieux géographiquement situés mais aussi à travers des processus qui impliquent des contenus mathématiques, des formes éditoriales, des institutions… Aborder un tel espace, suppose donc d’en saisir d’une part les polarités synchroniquement, en faisant apparaitre selon les périodes les diverses circulations qu’elles induisent et d’autre part, d’analyser diachroniquement les dynamiques d’évolution, en particulier celles de création de journaux ou d’expansion géographique.
Un tel questionnement multivarié implique d’abord de décliner la dimension « géographique » de l’espace de circulation constitué par les journaux mathématiques à diverses échelles comme le réseau des centres éditoriaux, la zone d’influence d’un centre éditorial, les territoires plus éloignés de ces centres ou encore à des échelles plus petites les circulations à l’intérieur d’une institution ou d’une société induites par leurs journaux. Il implique aussi d’analyser des aspects plus structurels de l’espace de circulation en termes de proximités, de partage de contenus, de publics ou de formes éditoriales, de concurrences voire même de rivalités entre journaux. Finalement, l’espace de circulation des journaux mathématiques est aussi un lieu d’échanges entre les différents acteurs qui font vivre les journaux mathématiques. En particulier, les publics des journaux mathématiques que l’on a sériés en première analyse en « professionnels », « utilisateurs », « amateurs », « enseignants », « étudiants » s’en saisissent en tant qu’auteurs ou lecteurs et sont à ce titre autant de cibles pour les journaux qui adaptent en conséquence leurs contenus mathématiques.
Enfin, un journal est en même temps une entreprise et un objet du champ éditorial ; en rendre compte au niveau de l’espace de circulation formé par les journaux mathématiques nécessite d’une part, de porter une attention particulière à des acteurs comme les promoteurs de journaux, les imprimeurs, les mécènes, les éditeurs et les institutions auxquelles peut s’adosser une entreprise éditoriale dans le champ mathématique ; d’autre part, un journal (trans)porte des modèles éditoriaux, des formes comme les rubriques questions/réponses, les recensions, les bibliographies, les sommaires, les index et classifications, autant de circulations qui dans la mesure où elles affectent les contenus, sont mathématiques.
Le colloque sera organisé en quatre thématiques :
- Circulations mathématiques à différentes échelles : centres et territoires.
- Interactions entre journaux : partages et concurrences.
- Quelles mathématiques pour quels publics ?
- Journaux mathématiques : acteurs, adossements, contenus, formes éditoriales.
L’intention du colloque est d’être le premier acte de la préparation d’une monographie consacrée à la question de la circulation des mathématiques, telle qu’elle a été présentée plus haut.
Les communications seront de vingt minutes et un temps important sera consacré, dans chacune des sessions, à la discussion.
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[1] La base de données Cirmathdata est accessible à l’adresse : http://cirmathdata.ahp-numerique.fr/.
[2] Cf. l’introduction du volume spécial d’Historia Mathematica, Interplay between Mathematical Journals on Various Scales (1850-1950).