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Définir, classer, compter : l'approche prosopographique en histoire des sciences

Jeudi 26 novembre 2009 - 09:00 - 18:30
Nancy - MSH Lorraine
Argumentaire: 

En histoire, l’approche biographique connaît un renouveau depuis plusieurs années. Elle est au centre d’un vaste ensemble de réflexions méthodologiques autour des questions de l’interdisciplinarité, des jeux d’échelles, de la socio et de la micro-histoire, etc. L’approche biographique permet non seulement de penser les trajectoires individuelles au sein de processus collectifs, mais aussi d’exemplifier des populations ou des communautés, non pas au sens d’un pourquoi (dans une sorte de fiction de la causalité), mais au sens d’un comment (comment certains individus peuvent-ils être traversés par le collectif tout en l’incarnant personnellement ?).
Approche biographique et histoire des sciences font-elles bon ménage ? Une certaine manière de concevoir l’histoire des sciences et des techniques a pu avoir pour effet de marginaliser l’approche biographique en mettant entre parenthèses l’homme de science en tant qu’acteur individuel. De plus, les biographies de savants, en opérant très souvent une séparation problématique entre vie scientifique et vie personnelle, ne résolvent qu’imparfaitement le problème de l’inscription de la pratique de la science dans la vie sociale et elles ne produisent que peu d’effets de connaissance sur la dimension sociale de la science elle-même.
Les nombreux écueils et les enjeux complexes de la mise en récit de la vie d’un savant ont fait l’objet d’un colloque à l’Université Nancy 2 en 2008 . Celui-ci avait pour ambition de dégager les potentialités heuristiques d’une approche biographique pour l’étude de la place du savant dans la société et pour l’analyse de l’évolution des savoirs et des institutions scientifiques. Il avait par ailleurs été conçu comme la première étape d’une action en deux temps.
La seconde étape sera le colloque « Définir, classer, compter : l’approche prosopographique en histoire des sciences et des techniques » qui aura lieu à l’Université Nancy 2 les 26, 27 et 28 novembre 2009.
La prosopographie conçue comme une étude de biographies en masse n’est pas nouvelle. Longtemps conçue comme une science auxiliaire de l’histoire centrée sur les biographies des membres d’une catégorie spécifique de la société (les élites sociales, scientifiques, politiques), elle a pris une très grande importance dans l’historiographie francophone depuis les années 1970 grâce à plusieurs travaux fondateurs (La république des universitaires de Christophe Charle, le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français dirigé par Jean Maitron, etc.). Ces dernières années ont vu la publication de plusieurs dictionnaires prosopographiques intéressant directement l’histoire des institutions savantes (on citera principalement le Dictionnaire biographique des professeurs du CNAM dirigé par Claudine Fontanon et André Grelon ou les ouvrages de Jean-François Condette sur la fonction rectorale ou sur les enseignants de la Faculté des lettres de Lille). De plus, le recours à l’informatique et aux bases de données autorisent la mise en place de programmes de recherches ambitieux dédiés à l’étude de populations très larges et parfois fort hétérogènes. C’est le cas des Archives Henri Poincaré qui se sont engagées dans la préparation d’un dictionnaire prosopographique des enseignants de la Faculté des sciences de Nancy (1854-1918) et dont plusieurs chercheurs collaborent à des programmes de recherche nécessitant l’élaboration de bases de données prosopographiques (c’est par exemple le cas du projet « Nouvelles annales de mathématiques » qui se consacre à l’histoire de cette revue de mathématique sur près d’un siècle).
Au-delà de la diversité des méthodes et des objets étudiés, quelques dénominateurs communs permettent de caractériser l’approche prosopographique. D’une part la sélection d’un groupe social et la détermination d’analyseurs pertinents dans le cadre d’une étude de masse, tant quantitative que qualitative. D’autre part le souci du biographique et la volonté d’inscrire les trajectoires de vie au sein des problématiques historiques. Enfin, la nécessité de recourir en priorité aux sources archivistiques primaires. En ce sens, la prosopographie constitue une méthode historique en soi dont la mise en œuvre est susceptible de générer de nouvelles problématiques historiques. Décrire, classer et compter semblent être au fondement de cette méthode et le colloque vise à aborder les questions théoriques et méthodologiques qui sous-tendent ces pratiques. Quelle peut-être la valeur exemplaire d’un certain nombre d’acteurs choisis dans une population ? Quels sont les critères pertinents pour mener une étude biographique de masse ? Comment et pourquoi compter ? Quels effets de connaissance peut-on attendre d’une étude prosopographique ? Quelles sont les solutions techniques, administratives, organisationnelles et scientifiques qui s’offrent aux chercheurs qui s’engagent dans des projets prosopographiques de longue haleine ? La confrontation de chercheurs engagés dans des entreprises prosopographiques ou ayant produit des travaux relevant de cette méthode permettra d’aborder toutes ces questions et d’éclaircir la manière dont l’approche prosopographique peut venir compenser les limites de la perspective biographique.
Ce colloque s’inscrit dans le cadre des recherches menées au sein de l’axe « Archives, corpus, institutions scientifiques et sociétés » du Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie – Archives Henri Poincaré. Il viendra par ailleurs ponctuer le programme de recherche de la Maison des sciences Lorraine « Histoire des institutions scientifiques : institutions, disciplines, acteurs, contextes socio-historiques et comparaisons internationales » (15 chercheurs, 5 laboratoires). Il donnera lieu en 2011 à la publication d’un ouvrage de synthèse sur les enjeux des approches biographiques et prosopographiques en histoire des sciences.

Programme: 

 

eudi 26 novembre


Entrées en matière


9H00

Accueil, café, croissants
 

9H45

Ouverture du colloque - Philippe Nabonnand


Dictionnaires prosopographiques et questions méthodologiques


10H00

Biographie et prosopographie : d’un colloque à l’autre - Laurent Rollet
 

10H30

Enjeux, apports et limites de l’approche prosopographique : l’exemple des recteurs d’académie en France de 1808 à 1940 - Jean-François Condette

11H15

Pause
 

11H30

Être chimiste engagé à l'AFAS et à la Société chimique : au croisement de deux prosopographies - Danielle Fauque


12H15

Buffet

14H00

Le projet du Dictionnaire biographique de la faculté des sciences de Paris (1808-1940) : méthodologie, usages et perspectives - Fabien Locher


14H45

Discussion générale
 

15H45

Pause


16H00

Les scientifiques lorrains dans les fonds des Archives nationales  - Armelle Le Goff et Edith Pirio
 

16H45

Faire de la prosopographie en histoire des sciences et techniques : réflexions méthodologiques - Emmanuelle Picard et Claire Lemercier


17H30

Discussion générale


18H30

Fin de la journée
 

Vendredi 27 novembre

Outils et méthodes
 

8H30

Café, croissants
 

9H00

A Prosopographic Study in History of Mathematics: German Graduates in Mathematics, 20th Century - Renate Tobies


9H45

L’émergence de l’informatique comme discipline universitaire au travers de parcours biographiques - Anne Collinot


10H30

Pause

10H45

Austrian and German Émigré and Homeguard Social Scientists during the Nazi Period: A Prosopography, Using Correspondence Analysis and Citation Analysis - Christian Fleck
 

11H30

Les noms de Charles Hermite : prosopographie et biographie scientifique - Catherine Goldstein


12H15

Discussion générale
 

13H15

Buffet

Communautés et institutions


15H00

René Maire, un savant colonial entre parcours individuel et injonctions institutionnelles : le contexte de l’Algérie (fin XIXe-début XXe) - Yamina Bettahar


15H45

La prosopographie et l’histoire des relations internationales des universités : XIXe-XXe siècles - Caroline Barrera
 

16H30

Pause
 

16H45

L’étude prosopographique des élèves des écoles d’ingénieurs : intérêts et écueils - Virginie Fonteneau
 

17H30

Discussion générale
 

18H30

Fin de la journée
 

Samedi 28 novembre


Disciplines


8H30

Café, croissants


9H00

Primaires ou secondaires ? Les professeurs de mathématiques des premières écoles normales d’instituteurs (années 1830-1840) - Renaud d’Enfert


9H45

Les dossiers personnels des professeurs dans la première moitié du vingtième siècle : quel regard sur les pratiques enseignantes ? - Cédric Lacpatia


10H30

Pause


10H45

Caractériser un contexte à partir d’une base de données : le cas de la philosophie et de l’histoire des sciences entre 1870 et 1930 - Jules-Henri Greber


11H30

Peut-on parler d’approche prosopographique en sociologie des sciences ? - Simon Paye


12H30

Fin du colloque

Résumés: 

 

Jeudi 26 novembre matin
Dictionnaires prosopographiques et questions méthodologiques


Biographie et prosopographie : d’un colloque à l’autre
Laurent Rollet, Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie, Archives Poincaré, Nancy université
Laurent.rollet@univ-nancy2.fr


Le colloque « Prosopographie » fait suite à un colloque « Biographie » organisé il y a un an. On se proposera d’expliciter les raisons d’un tel choix en mettant en avant les réflexions méthodologiques suscitées par plusieurs projets de recherche mêlant ces deux approches.

 


Enjeux, apports et limites de l’approche prosopographique : l’exemple des recteurs d’académie en France de 1808 à 1940
Jean-François Condette, Université d’Artois
Jeanfrancois.condette@wanadoo.fr 

 

Proposée au Service d’histoire de l’éducation en 1999, la recherche sur les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940, a résolument fait le choix de valoriser une approche dynamique par l’étude des « acteurs » qui ont construit le « système » éducatif français. Le décret napoléonien du 17 mars 1808, en même temps qu’il jette les principaux fondements de notre système contemporain d’Instruction publique, fait apparaître la fonction de recteur d’académie, conçue comme un relais majeur des volontés du pouvoir central (alors le Grand-Maître) dans les espaces provinciaux que sont les académies définies comme des regroupements de départements. De 1809, date des premières nominations, à l’installation du Régime de Vichy (juillet 1940), la France connaît 360 recteurs qui dirigent leur académie plus ou moins brièvement. S’il était bien dans les objectifs de ce chantier de recherche de contribuer à une meilleure connaissance de la fonction rectorale et de son évolution polymorphe, nous avons tenu à dépasser le seul cadre des textes réglementaires pour voir le recteur en action dans le concret du terrain local et la diversité des personnalités qui sont chargées de cette fonction. On sait que du texte officiel à la pratique réelle, il y a bien souvent des « accommodements » nombreux. La colonne vertébrale qui sous-tend l’ensemble du travail opéré -- et désormais publié (les trois ouvrages INRP) est le tome 2 qui est constitué du dictionnaire biographique des 360 recteurs nommés entre 1809 et 1940. 
Nous voudrions ici revenir sur les importants enjeux de cette entreprise prosopographique menée entre 1999 et 2006 sur une fonction peu connue, pour ensuite présenter quelques-uns des principaux apports du travail opéré. Si la prosopographie permet, comme le signale Maurice Agulhon dans la préface au Dictionnaire biographique des professeurs de la faculté des lettres de Paris réalisé par Christophe Charle (volume 1), de faire, de « l’histoire sociale vraie », par la meilleure connaissance des principales caractéristiques d’un groupe socioprofessionnel étudié dans sa globalité, nous voudrions, dans un troisième temps, insister sur les limites de la logique prosopographique qui demande également à être dépassée. À ce niveau, la biographie peut être très utile pour rendre « l’épaisseur suffisante » et la complexité inhérente aux interventions individuelles de tout acteur éducatif, alors qu’il ne faut pas oublier non plus, au delà de l’accumulation des notices personnelles, de bien mesurer, souvent à partir d’autres sources, les actions concrètes menées sur le terrain par ces hommes. Ces hommes de chair et de sang, mieux connus par l’entreprise prosopographique, sont aussi des hommes de réflexion et d’action qu’il faut donc replacer au cœur du système pour examiner leurs luttes au quotidien.

 


Être chimiste engagé à l'AFAS et à la Société chimique : au croisement de deux prosopographies
Danielle Fauque, Groupe d’histoire des sciences d’Orsay, Université Paris-Sud 11
danielle.fauque@u-psud.fr


En 2002, paraissait une étude basée sur une prosopographie des acteurs de l’Association française pour l’avancement des sciences (AFAS) pour la période 1872-1914 . Au sein de l’AFAS, la section de chimie fut particulièrement active grâce à un groupe de chimistes, partisans de la théorie atomique, qui trouvèrent là une tribune pour diffuser leurs idées auprès d’un public cultivé par les communications ou conférences qu’ils y donnèrent, mais aussi en occupant pendant cette période les postes de responsabilité au sein de cette association. Dans le même temps, ils étaient membres de la Société chimique de Paris, devenue Société chimique de France en 1907. 
En 2008 paraissait Itinéraires de chimistes , le dictionnaire des présidents de la Société chimique de France (SCF) pour la période 1857-2007, constitué de notices biographiques. Cet ouvrage apportait des informations qui, croisées avec la prosopographie de la section de chimie de l’AFAS, permettait de mieux connaître les influences et les réseaux de chimistes en France. Le résultat montre que le groupe des chimistes alsaciens et leurs élèves dominent ces deux réseaux de 1872 à 1914, au détriment du groupe affilié à Berthelot, connu comme le chantre de la chimie française, honoré de son vivant de façon exceptionnelle, et qui reste dans la mémoire collective comme le grand chimiste de la IIIe République.
Seule l’approche prosopographique fait émerger ce résultat, que la biographie d’un seul chimiste ne pouvait pas permettre.
L’exposé proposé tentera de nourrir cette conclusion.

 



Jeudi 26 novembre après-midi
Dictionnaires prosopographiques et questions méthodologiques


Le projet du Dictionnaire biographique de la faculté des sciences de Paris (1808-1940) : méthodologie, usages et perspectives
Fabien Locher, CNRS
flocher@ehess.fr


Cette intervention sera consacrée à une analyse des principes méthodologiques et des procédures concrètes qui sous-tendent le projet — en cours — d’un dictionnaire du personnel enseignant de la faculté des sciences de Paris, pour la période qui va de la fondation de l’Université napoléonienne à 1940. Nous mènerons notamment des comparaisons avec des projets antérieurs (dictionnaires supervisés par Christophe Charle, dictionnaire du CNAM..), du point de vue des méthodes, de la définition des périmètres d’étude, des usages visés. Ces développements pourront être le point de départ d’une réflexion collective sur la production, l’usage et les complémentarités des outils prosopographiques « papier » et logiciels (bases de données).

 


Les scientifiques lorrains dans les fonds des Archives nationales
Armelle Le Goff & Edith Pirio, Archives nationales
armelle.le-goff@culture.gouv.fr & edith.pirio@culture.gouv.fr


Les Archives nationales conservent dans leurs différents fonds un nombre impressionnant de documents à caractère individuel (dossiers de carrière, dossiers de missions, fiches, matricules, etc.), créés par l'administration de l'État dans l'exercice de ses missions et attributions. Ces documents sont essentiels tant pour la recherche universitaire que pour des recherches généalogiques traditionnelles. À partir de quelques itinéraires de scientifiques lorrains, il s'agira de déterminer quelles sont les informations que donnent ces différents dossiers et vers quelles autres institutions aller rechercher des compléments (Archives départementales, Académie des Sciences etc.).
Par ailleurs l'évolution du lectorat des Archives et de ses attentes a conduit la section du XIXe siècle, qui a sous sa responsabilité une proportion importante de dossiers administratifs, à proposer, un outil de localisation de ces dossiers appelé Quidam. 
La philosophie et le mode de fonctionnement de cette base de données nominative et cumulative qui s'est accrue en 2009 de plus de 110 000 notices relatives aux dossiers de carrières d'enseignants (sous-série F/17) seront expliqués par son administrateur.

 


Faire de la prosopographie en histoire des sciences et techniques : réflexions méthodologiques
Emmanuelle Picard (Service d’histoire de l’éducation, INRP-ENS) et Claire Lemercier (Institut d’histoire moderne et contemporaine, CNRS)
epicard@club-internet.fr & Claire.Lemercier@ens.fr


La construction d’outils prosopographiques pose un certain nombre de questions techniques, méthodologiques et épistémologiques. Cette communication se propose de réfléchir à ces différentes dimensions, en s'appuyant sur des exemples tirés de travaux historiques recourant à cette approche. Il s’agira de réfléchir aussi bien à la construction de l'objet, de façon scientifique et pratique, qu’à ses usages ultérieurs.

 


Vendredi 27 novembre matin
Outils et méthodes

 

 

A Prosopographic Study in History of Mathematics: German Graduates in Mathematics, 20th Century
Renate Tobies, Université technologique de Braunschweig
r.tobies@tu-bs.de


In Germany the following stereotype still persists: Mathematics is nothing for women. In order to discover the historical and current causes of this phenomenon we analyzed the career paths of several thousand individuals who successfully completed their studies of mathematics at German universities during the 20th century. The talk will present the methods and sources of our interdisciplinary research project and give a review of the main results which were yielded by comparing career paths of female and male mathematicians.


L’émergence de l’informatique comme discipline universitaire au travers de parcours biographiques
Anne Collinot, Centre Alexandre Koyré
anne.collinot@ehess.fr


Il s’agit de comprendre l’émergence de la discipline informatique en France au travers des parcours biographiques de ceux qui ont contribué à son institutionnalisation dans les années 1960-1970. Cette enquête, qui porte principalement sur le contexte parisien, en particulier les Universités Paris 6 et Paris 7, s’appuie sur une série d’entretiens avec les chercheurs qui sont intervenus, selon des modalités variées qu’il s’agit de décrire et d’expliquer, pour conférer à l’informatique le statut de discipline universitaire. On vise ainsi à retracer les principales étapes de l’institutionnalisation de l’informatique, depuis la création de l’Institut de Programmation de la Faculté des Sciences de Paris, en novembre 1963, et le redécoupage des Universités, après la loi Edgard Faure (1968), qui a donné lieu à la scission entre Paris 6 et Paris 7. 
L’objectif est aussi de comprendre la façon dont la profession des chercheurs en informatique s’est institutionnalisée et structurée, à travers un processus diachronique où l’interaction entre les logiques individuelles des acteurs, que les archives orales en constitution doivent mettre au jour, a abouti à l’émergence d’une création collective qu’est une nouvelle discipline académique. Les questions auxquelles il faut répondre sont multiples. Comment l’informatique a-t-elle acquis le statut de « science » ? Quels étaient les enjeux dans les débats entre les tenants de l’informatique théorique et ceux de l’informatique des systèmes ? Comment ont été créés les premiers diplômes ? Le chemin fut long qu’il fallut parcourir entre le moment où l’Assemblée des Universités se montrait hostile à l’égard des informaticiens (« Ce n’était pas une science ! ») et le moment présent où des informaticiens occupent la fonction de président d’Université.

 


Austrian and German Émigrés and Homeguard Social Scientists during the Nazi Period: A Prosopography, Using Correspondence Analysis and Citation Analysis
Christian Fleck, Université de Graz
christian.fleck@uni-graz.at


During the 1930s a huge number of scholars and intellectuals have been forced to leave their countries of origin due to the takeover of the power by the Nazi party, first in Germany, later on in several other European countries. This well known migration, labelled as “Cultural Exodus”, “The Muses Flee Hitler”, etc., has been covered intensely over the last half century but no one did a comparison between these scholars who left (“émigrés”) and those who didn’t (“homeguards”, using a phrase of E.C. Hughes). The talk will present bivariate and multivariate analyses about social, religious and ethnic background, career developments at home and abroad and compares the reputation of the two groups. Citation Analysis is a highly used technique of measuring academic achievements. This contested instrument is deficient with regard to historical data because of the lack of data. An alternative to (Social) Science Citation Index based analyses by using data available in the online database JSTOR (Journal Storage). While JSTOR was not designed for scientometric analyses it does offer features which could be adopted. Searching in up to four different fields, combing them with Boolean operators, every field could be specified with regard to the kind of text in which the search should be executed: Title, abstract, author’s name(s) and full-text. Additionally, one could restrict the search to different types of texts: articles, reviews, “opinion pieces” (like letters to the editor etc.) and other items (like membership directories, conference announcements etc). As an illustration of such a research strategy measurements for visibility, productivity and recognition for social scientists from the 20th century will be given.

 


Les noms de Charles Hermite : prosopographie et biographie scientifique
Catherine Goldstein, Institut mathématique de Jussieu, CNRS
cgolds@math.jussieu.fr


La prosopographie a servi principalement à examiner des phénomènes collectifs, reconnus comme tels : institutions, réseaux de chercheurs ou d’enseignants, professions, membres d’une société savante, etc. J’aimerais m’interroger ici sur les outils qu’elle peut fournir dans le cadre de l’écriture biographique, plus particulièrement d’une biographie scientifique. La science est-elle affaire d’individus ou de groupes ? Comment articuler ce qui relève de la personne, du collectif, de l’universel dans l’élaboration scientifique ? Mon intervention s’efforcera d’aborder ce type de questions à partir de l’étude de (plusieurs) prosopographies associées à Charles Hermite.

 


Vendredi 27 novembre après-midi
Communautés, institutions


René Maire, un savant colonial entre parcours individuel et injonctions institutionnelles : le contexte de l’Algérie (fin XIXe-début XXe)
Yamina Bettahar, Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie, Archives Poincaré, Nancy université
yamina.bettahar@ensgsi.inpl-nancy.fr


En Algérie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, l’administration et le lobby colonial semblaient moins enclins à favoriser la progression des carrières académiques et scientifiques des universitaires venus de métropole qu’à y développer des productions immédiatement rentables (cf. les sociétés d’acclimatation, les jardins d’essai coloniaux et l’agronomie tropicale). Par exemple, la tension entre les objectifs des naturalistes et ceux de la politique métropolitaine confirment cette impression et révèlent les contradictions liées à cette politique utilitariste. René Maire (1878-1949) est certainement la figure centrale de la botanique dans l’Algérie coloniale de la première moitié du XXe siècle. Prenant pour fil conducteur les étapes de sa carrière, nous avons cherché à dégager l’évolution des milieux scientifiques. En caractérisant à chaque fois la pratique et le style de science de ce savant, nous avons essayé de mettre en exergue les relations des milieux scientifiques avec les différents acteurs de la colonisation à l’œuvre durant la période qui nous occupe. Le parcours biographique et la trajectoire professionnelle de René Maire, au-delà de leurs dimensions individuelles, font apparaître et éclairent son positionnement sur l’échiquier académique, scientifique et sociopolitique, dans le contexte institutionnel spécifique de l’Algérie sous influence française. 
Au niveau méthodologique, cette communication s’inscrit dans la continuité des réflexions abordées lors du colloque de novembre 2008, en essayant de montrer les allers et retours entre contexte général et positions individuelles. Pour ce faire, 399 publications dans des revues de sociétés savantes ou chez divers éditeurs de 1893 à 1952, ont été retenues et ont fait l’objet d’une analyse dont nous présenterons quelques résultats.
Au travers du récit des acteurs et des témoignages, il est judicieux de reconstituer la manière dont les choix scientifiques, les pratiques académiques, les formations universitaires, les convictions personnelles, les engagements politiques, interviennent de concert dans le processus d’émergence et de reconnaissance d’une nouvelle discipline académique. Cette approche, mobilisant les récits d’acteurs, offre une opportunité pour tester la portée heuristique des usages du matériau biographique pour les études sur les sciences. De plus, elle doit nous informer sur la figure du « pionnier » – souvent dénoncée et déconstruite, mais insuffisamment analysée –, à partir du point de vue non pas de la postérité engagée dans une récupération performative du passé, mais des « pionniers » eux-mêmes, porteurs d’une représentation singulière des contraintes déterminantes du travail scientifique, dont ils ont réussi à assouplir – localement, mais de manière radicale – la rigidité.

 

 

La prosopographie et l’histoire des relations internationales des universités (XIXe-XXe siècles)
Caroline Barrera, Centre universitaire de formation et de recherche Champollion d’Albi
caro.barrera@wanadoo.fr


L’histoire des institutions scientifiques et éducatives comprend un volet « relations internationales », qui constitue l’une des caractéristiques majeures de la vie universitaire européenne depuis le Moyen Âge. Si les sources officielles permettent d’appréhender partiellement cette dimension, elles sont loin d’en dévoiler toute la richesse, les dynamiques et les modes opératoires dans la longue durée. C’est bien le recours à une approche prosopographique qui permet de faire émerger cet aspect trop souvent occulté de la vie des universités, en rendant compte de toute la complexité d’une histoire des sciences qui ne saurait se détacher totalement ni de l’histoire des hommes, confrontés aux données structurelles et conjoncturelles de leur temps et de leur condition (nationale, ethnique, religieuse ou sexuelle..), ni de l’histoire institutionnelle. Ce sont ces études prosopographiques, menées à l’échelle nationale et européenne, qui permettent de situer des trajectoires individuelles dans des processus collectifs et de donner sens à des statistiques officielles abruptes et sans nuances (quand elles existent) ou à des typologies sans contenu quantifié. Il s’agira ici d’évaluer l’apport de cette démarche dans l’histoire des relations internationales des universités et de leurs instituts techniques, puis des écoles indépendantes qui leur succèdent, du XIXe siècle jusqu’en 1968, à partir de deux groupes sociaux majeurs : les étudiants étrangers et coloniaux et les professeurs. Les premiers font l’objet de travaux déjà bien avancés, menés par un réseau international de chercheurs, qui a pu en publier un certain nombre. Concernant les seconds, le propos sera de présenter des études en cours sur leur insertion dans les relations internationales. Après une présentation des sources et des méthodes utilisées, on se concentrera sur les questionnements et les résultats obtenus grâce à la démarche prosopographique en abordant des questions telles que l’ethnocentrisme de l’université française, l’impact des relations internationales dans la modernisation des établissements, la place des institutions provinciales dans les relations internationales, les relations avec l’Etat et l’instrumentalisation des institutions scientifique.

 


L’étude prosopographique des élèves des écoles d’ingénieurs : intérêts et écueils
Virginie Fonteneau, Groupe d’histoire des sciences d’Orsay, Université Paris-Sud 11
virginie.fonteneau@u-psud.fr


Cette communication se propose, dans une première partie, de faire un bilan d’une recherche prosopographique menée il y a 7 ans sur les élèves de l’Institut Polytechnique de l’Ouest entre 1919 et 1948 qui s’est soldée par un échec par rapport aux objectifs initiaux mais s’est révélée fructueuse par rapport à l’histoire de l’institution. Nous reviendrons sur les objectifs scientifiques à l’origine de l’étude, les problèmes qui se sont posés, ceux d’ordre matériel (informatique), ceux d’ordre méthodologique (hétérogénéité des sources, choix d’un logiciel, conception de la base), et ceux liés aux objectifs scientifiques confrontés en particulier au nombre d’élèves ayant fréquenté l’école pendant cette période. Enfin, nous aborderons les apports de cette étude inachevée à l’histoire de l’institution.
Dans une seconde partie, nous aborderons les enseignements de cette première expérience pour une recherche en cours, menée sur les anciens élèves de l’Institut de chimie de Paris, mais aussi les nouvelles questions qui se posent.

 



Samedi 28 novembre matin
Disciplines


Primaires ou secondaires ? Les professeurs de mathématiques des premières écoles normales d’instituteurs (années 1830-1840)
Renaud d’Enfert, Institut national de la recherche pédagogique, Service d’histoire de l’éducation
renaud.denfert@freesbee.fr


Destinées à former les instituteurs des écoles primaires, les écoles normales primaires organisées par la loi Guizot de 1833 font régulièrement l’objet, sous la monarchie de Juillet, d’avertissements et de critiques relatives à leur enseignement scientifique en général, et à celui des mathématiques en particulier. Cet enseignement est jugé trop proche de celui dispensé dans l’enseignement secondaire des collèges, au risque de former des « demi-savants » peu enclins à mener « l’existence vulgaire » des maîtres de campagne. Si le plan d’études et les programmes d’enseignement peuvent expliquer, en partie du moins, de telles préventions, il semble également nécessaire de s’interroger sur les caractéristiques du personnel enseignant en charge de les appliquer. Se pose, en particulier, la question de savoir si les professeurs en poste sont issus du monde de l’instruction primaire, ou bien de celui de l’enseignement secondaire et universitaire. Dans cette perspective, la réalisation, tout juste commencée, d’un répertoire des professeurs de mathématiques des écoles normales primaires de la monarchie de Juillet vise : 1/ à rassembler des éléments biographiques concernant leur formation et leur carrière professorale ; 2/ à préciser et à caractériser l’enseignement qu’ils dispensent lorsqu’ils sont en poste à l’école normale. Au cours de cette communication, on présentera les difficultés et les questions méthodologiques rencontrées lors de la mise en route de ce projet, ainsi que les premiers résultats obtenus, lesquels révèlent un milieu hétérogène où cohabitent notamment, mais pas exclusivement, maîtres du primaire et professeurs du secondaire.

 

 

Les dossiers personnels des professeurs dans la première moitié du vingtième siècle : quel regard sur les pratiques enseignantes ?
Cédric Lacpatia, Groupe d’histoire des sciences d’Orsay, Université Paris-Sud 11
cedric.lacpatia@gmail.com


De 1902 à 1936, de la mise en place des exercices pratiques à une mise en commun des méthodes des enseignements primaire supérieur et secondaire, les exigences quant au travail des professeurs de sciences physiques ont peu à peu évolué nécessitant une évolution des enseignants eux-mêmes quant à leurs pratiques, leur conception de l’enseignement secondaire et de leur discipline. Nous avons voulu étudier l’évolution de ces pratiques et la première question qui se pose est celle des sources à étudier pour réaliser cet objectif. Outre une première approche par une association de professeur de sciences, nous nous proposons ici de montrer l’intérêt qu’a porté l’étude des dossiers individuels des professeurs de sciences physiques conservés aux Archives Nationales. Itinéraire géographique et social de la carrière de l’enseignant, on y trouve aussi et surtout des rapports d’inspection présentant le travail du professeur dans sa classe.
Mais si l’on questionne la pertinence de l’établissement d’une base prosopographique des professeurs de sciences physiques à l’aide de ces dossiers, plusieurs questions méthodologiques se posent. La première est posée même en amont de cette étude et concerne la quantité. Le nombre de professeurs de sciences physiques qui ont enseigné pendant la première moitié du XXe siècle est bien trop important pour permettre une étude complète. Il a donc fallu restreindre cette étude à un nombre de dossiers plus abordable. Mais plus le nombre de dossiers diminue, plus se pose la question de la représentativité du groupe sélectionné. A travers les différents critères de sélection – géographique, lien avec l’association des professeurs de sciences, nous verrons comment nous avons construit le groupe de professeurs étudiés et quelles sont les limites de cette représentativité.
Le second point de méthodologie aborde la qualité des informations obtenues. En effet, le point principal des dossiers individuels est le rapport d’inspection, sorte de fragments de vie d’une classe donnant un aperçu sur les pratiques enseignantes d’alors. Mais comme nous le verrons, ceux-ci sont toujours rédigés par les inspecteurs généraux qui sont en très petit nombre l’époque. Nous poserons donc la question du biais dû à l’observateur et la manière dont nous en avons tenu compte dans l’utilisation des dossiers. Ce faisant, il a fallu autant faire l’étude des professeurs que celle des observateurs, à savoir les inspecteurs généraux. Loin d’affaiblir la construction de cette base prosopographique, ces questions ont ainsi enrichi son étude par des perspectives qui n’auraient pas été envisagées sinon.

 


Caractériser un contexte à partir d’une base de données : le cas de la philosophie et de l’histoire des sciences entre 1870 et 1930
Jules-Henri Greber, Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie, Archives Poincaré, Nancy université
ami_28@hotmail.com


Dans un article consacré « aux sources du conventionnalisme », Jean-Claude Pont réaffirmait l’idée communément admise et bien connue selon laquelle la production en histoire et philosophie des sciences au tournant du XXe siècle était en grande partie le fruit de réflexions effectuées par des savants-épistémologues. En outre, il avançait l’idée que Poincaré et Duhem, à qui de nombreuses études et monographies ont été consacrées depuis, ne suffisaient pas à épuiser, comme une certaine historiographie classique tend à le laisser croire, la catégorie des savants-épistémologues de l’époque. Malheureusement, et bien que Jean-Claude Pont pose la question de savoir combien d’individus composaient cette fameuse communauté, aucune donnée numérique n’est avancée. Cette remarque pourrait s’appliquer à l’ensemble des ouvrages individuels ou collectifs qui ont été consacrés à ce contexte . Une étude quantitative de la catégorie des savants-épistémologues reste ainsi à réaliser. 
L’un des objectifs de ma recherche vise précisément à combler cette lacune à partir d’une étude prosopographique de cette catégorie. Outre une meilleure connaissance de ses membres, l’étude en question devrait permettre de mesurer son importance et son interaction avec les différentes écoles épistémologiques de l’époque.
La présente intervention aura trois objectifs. Je commencerai par présenter les différentes étapes et méthodes qui m’ont permis de constituer une base de données dont l’objectif final est de fournir un tableau général et systématique des acteurs et de leur production en histoire et philosophie des sciences entre 1870 et 1930. Après une présentation de la base en question, j’exposerai les premiers résultats obtenus. Ces résultats concerneront principalement la période (1893-1916) au sein de laquelle les œuvres épistémologiques et historiques de Duhem et de Poincaré s’enracinent. Enfin, j’essaierai d’identifier les autres enjeux et problématiques historiques et systématiques qui pourraient émerger de cet outil informatique.

 

Peut-on parler d’approche prosopographique en sociologie des sciences ?
Simon Paye, Science Po Paris
simon.paye@gmail.com


Peut-on parler d’approche prosopographique en sociologie des sciences ? C’est la question qu’adresse cette communication à travers un cas concret : l’étude de l’évolution des carrières académiques dans trois universités Britanniques (1979-2009). La méthodologie mise en œuvre sera présentée point par point afin de questionner les apports et les limites d’une approche prosopographique. Le projet débouchera à terme non pas sur une unique base de données, mais sur trois bases différentes (une par établissement). Or, la faible « commensurabilité » des trois terrains sous-tend un certain nombre de problèmes auxquels on ne peut totalement se soustraire. L’enjeu réside alors dans une bonne « construction » de l’objet de recherche et dans les critères à prendre en compte en priorité. D’autre part, la rareté des données et les restrictions d’accès dues aux lois de protection des données individuelles poussent le chercheur à embrasser une large gamme de sources et à penser des stratégies multiples. La collecte de curriculum vitae apparaît comme l’un des meilleurs moyens pour reconstituer les trajectoires professionnelles des individus. Leur codage soulève des questions qui sont également abordées, comme par exemple celle du « jeu » de l’occultation de certains épisodes ou de certaines caractéristiques. Enfin, une présentation des méthodes d’analyse quantitative des données est mise en regard avec des travaux d’histoire et de sociologie mobilisant des méthodes semblables, ouvrant des pistes de réflexion sur l’usage de l’approche prosopographique pour interpréter le changement social.

 

 

Un colloque organisé par l’Equipe lorraine d’histoire des institutions scientifiques, le Laboratoire d’Histoire des Sciences et de Philosophie – Archives Henri Poincaré (UMR 7117 du CNRS) et la Maison des Sciences de l’Homme Lorraine.

Avec le soutien de la Région Lorraine, du Conseil scientifique et de l’UFR Connaissance de l’homme de l’Université Nancy 2.