L’histoire du Bureau des longitudes et de l’instrumentation scientifique sont intimement liées. Lors de sa création en 1795, le Bureau des longitudes est institué dépositaire de "tous les instruments d’Astronomie" de la Nation. Il est chargé de vérifier les instruments de la Marine et diffuse, en France comme à l’étranger, des instruments reposant sur l’usage du système métrique. Par la suite, alors qu’il couvre désormais un large spectre de disciplines scientifiques (dont la géodésie et les sciences de la Terre), le Bureau des longitudes joue un rôle essentiel dans la conception et la réalisation d’une vaste gamme d’instruments scientifiques. Il s’appuie pour ce faire sur des collaborations avec, notamment, des officiers des "armes savantes" ou des "artistes". Ainsi, les procès-verbaux du Bureau des longitudes (http://bdl.ahp-numerique.fr) témoignent sur la longue durée de formes diverses d’investissement dans la conception, la fabrication, le test ou la diffusion d’une grande variété d’objets.
Ce colloque vise à explorer les pratiques instrumentales du Bureau des longitudes. Il s’agira de comprendre les difficultés de conception d’un instrument scientifique et d’en identifier les constructeurs en leur associant des lieux, des usages et des pratiques. On étudiera également les améliorations et les adaptations de ces objets en prenant en compte, par exemple, les réseaux de diffusion en France et à l’étranger ou encore les enjeux de concurrence et de rivalité.
Cette rencontre sera structurée autour d’un atelier présentant une nouvelle base de données, conçue dans le cadre du projet ANR BDL 1795-1932, et visant à recenser l’ensemble des instruments cités dans les procès-verbaux du Bureau des longitudes. A partir d’études de cas sur des instruments emblématiques de l’histoire de cette institution, les conférences viendront alimenter des réflexions historiographiques et méthodologiques sur la culture instrumentale du Bureau des longitudes.
L’entrée est gratuite (dans la limite des places disponibles) et l’inscription obligatoire (merci de nous envoyer un message avant le 28 mars 2020).
L'ensemble des contributions de ce colloque sont disponibles en vidéo sur : https://histbdl.hypotheses.org/892
Paolo Brenni (Consiglio Nazionale delle Ricerche, président de la Scientific Instruments Society)
Artistes et fabricants : l’industrie de précision en France, de la fin du 18e siècle à l’Entre-Deux- Guerres
Frédéric Soulu, Julien Muller & Pierre Willaime (Archives Henri Poincaré, Université de Lorraine)
Présentation de la base ‘Instruments scientifiques du Bureau des longitudes’, atelier
Wilko Graf von Hardenberg (Max Planck Institut for the History of Science, Berlin)
Charles Lallemand’s medimarimeter
Colette Le Lay (Centre François Viète, Université de Nantes), Martina Schiavon & Frédéric Soulu (Archives Henri Poincaré, Université de Lorraine)
L’astrolabe à prisme dans les procès-verbaux du Bureau des longitudes (1901-1932)
Paolo Brenni
Artistes et fabricants : l'industrie de précision en France de la fin du 18e siècle à l'Entre-Deux- Guerres
À partir de la fin du 18e siècle, l’industrie française des instruments scientifiques se développe de façon remarquable grâce à une nouvelle génération de constructeurs actifs essentiellement à Paris, lieu qui leur permet de profiter d’une série de circonstances favorables parmi lesquelles la création d'écoles et d'institutions scientifiques telles que le Bureau des longitudes. En 1851, à la grande exposition internationale de Londres, les instruments français sont admirés par les visiteurs et les jurées, et les constructeurs anglais se rendent compte d’avoir perdu une hégémonie incontestée jusqu’au début du 19e siècle. Les instruments de physique, d’astronomie, de géodésie construit à Paris sont exportés dans toute l’Europe et les deux Amériques. Observatoires, laboratoires, cabinet de physiques sont en grande parte équipés par des appareils signés par les meilleurs constructeurs parisiens. Mais à partir de la fin du 19e siècle, ces derniers devront subir la concurrence d’une industrie de précision allemande, de plus en plus puissante et agressive.
Le Bureau des longitudes, fondé en 1795, est une des institutions qui a favorisé et stimulé la production d’instruments de précision en France ; de plus, en choisissant pour ses besoins d’excellents « artistes », il a pu profiter des meilleurs instruments disponibles sur le marché. Ma présentation va retracer l’histoire de l’industrie parisienne des instruments pendant plus d’un siècle avec une attention particulière au rôle joué dans ce domaine par le Bureau des longitudes et ses membres « artistes ».
Wilko Graf von Hardenberg
Charles Lallemand’s medimaremeter
Charles Lallemand (1857-1938) was a French geodesist, a member of the Bureau des Longitudes, and the executive secretary of the French ordnance survey. It was in this latter capacity that he worked on developing and perfectioning various technical instruments that proved essential for geodetical work. In this paper, I will focus on the médimarémetre, a mean sea level measuring instrument intended to simplify the determination of the vertical datum. Lallemand's main aim in developing it was to create a tool that would make it less costly to measure sea levels at various locations along France's coasts. Self-registering tide gauges, like the one he had installed in Marseille in 1884, were expensive and complex, making it inconvenient to set up multiple ones in different ports. The médimarémetre, first described publicly in 1887, is much simpler and cheaper, allowing for a rapid multiplication of the points of measurement in France and abroad. Building on sources from the Bureau des longitudes and beyond, I will tell the history of the creation and worldwide receptionof this instrument, the scientific and technological debates it spurred, and its impact on the definition of a stable reference point for altimetry.
Colette Le Lay, Martina Schiavon et Frédéric Soulu
L’astrolabe à prisme dans les procès-verbaux du Bureau des longitudes (1901-1932)
Dans cet exposé, nous analyserons le cheminement d’émergence d’un instrument : l’astrolabe à prisme. Nous exploiterons pour ce faire les procès-verbaux hebdomadaires du Bureau des longitudes entre 1901 et 1932, soit environ 5000 feuillets. Employé au début du 19e siècle lors des voyages et explorations pour déterminer la latitude d’un lieu et sa longitude à partir du temps local, l’astrolabe à prisme s’impose progressivement dans l’entre-deux-guerres dans l’installation des postes de réception de télégraphie sans fils. Son histoire est ainsi bien documentée dans les procès-verbaux du Bureau des longitudes car l’astrolabe à prisme fut progressivement étudié et réadapté par plusieurs communautés, en contribuant à son tour à définir tout un ensemble de pratiques et de savoir-faire spécifiques. Quelques exemplaires de ces objets, conservés dans diverses institutions, témoignent aujourd’hui de ces évolutions.
Nous montrerons d’une part la manière dont les procès-verbaux du Bureau des longitudes permettent d’étudier le cheminement d’émergence de l’astrolabe à prisme en y identifiant les constructeurs, les lieux, les communautés et les pratiques, les améliorations successives dans la longue durée, le réseau de diffusion en France et à l’étranger ou encore les enjeux de concurrence et de rivalité intimement liés à l’usage de cet instrument. D’autre part, et plus généralement, nous verrons que les procès-verbaux du Bureau des longitudes témoignent, sur la longue durée, de diverses formes d’investissement de la communauté scientifique française dans la conception, la fabrication, le test ou la diffusion d’une grande variété d’objets. De ce fait, ces archives patrimoniales ouvrent de nombreuses pistes de réflexion et de collaboration autour de l’objet technique entre historiens, professionnels de musées et enseignants entre autres.
Manifestation organisée par Martina Schiavon & Laurent Rollet dans le cadre de l’ ANR « Le Bureau des longitudes (1795 - 1932). De la Révolution française à la Troisième République »