Les Journées scientifiques des Archives Henri-Poincaré (JSAP) se tiendront les mercredi 27 et jeudi 28 janvier 2021 à distance, via BigBlueButton dont le lien de connexion est le suivant : https://bbb.unistra.fr/b/pie-qtx-qwj-xnr.
Le principe de cette manifestation annuelle est de rassembler l'ensemble des membres du laboratoire autour de leurs travaux. Pour les doctorants, ce rendez-vous est une opportunité d'exposer leurs travaux et de bénéficier d'un retour sur leurs avançées. Pour les chercheurs, les ITA ingénieurs, techniciens et administratifs du laboratoire, c'est l'occasion de présenter leurs travaux, un projet ou une publication récente (livre ou article) à leur pairs.
Plus généralement, les Journées permettent à chacun de prendre connaissance des derniers travaux réalisés par les membres du laboratoire. Cet évenement est essentiel pour la cohérence des recherches effectuées au sein des Archives Poincaré : il constitue un lieu d'échange privilégié pour ses représentants.
- Catherine Allamel-Raffin
- Alexis Anne-Braun
- Jean-Baptiste Bontemps
- Valeriya Chasova
- Paul Clavier
- Pierre Couchet
- Céline Fellag Ariouet
- Ahmed Jeddi
- Nicolas Lasolle
- Gaëlle Le Dref
- Maxime Madouas
- Baptiste Mélès
- Amirouche Moktefi
- Hugo Rimeur
- Benjamin Simmenauer
- Frédéric Soulu
- Pierre Willaime
- Anna Zielinska
Mercredi 27 janvier
09h00-09h20 : Accueil et introduction
Président de session : Philippe Nabonnand
09h20-10h00 : Amirouche Moktefi : Sur l’(in)utilité des premières machines logiques
10h00-10h40 : Ahmed Jeddi : Ibn – al-Bannâ al -Marrakushi
10h40-11h00 : Pause (20min)
Président de session : Cyrille Imbert
11h00-11h40 : Baptiste Mélès : Comment classer les programmes informatiques ?
11h40-12h20 : Valeriya Chasova : Comment formaliser les symétries empiriques ?
12h20-14h00 : Pause repas
Présidente de session : Anna Zielinska
14h00-14h40 : Jean-Baptiste Bontemps : Philosophie, désaccords et scepticisme
14h40-15h20 : Alexis Anne-Braun : Vers une théorie projective de l’esprit
15h20-15h40 : Pause (20min)
Président de session : Alexis Anne-Braun
15h40-16h20 : Benjamin Simmenauer : Une sémantique vestimentaire : pourquoi et comment ?
16h20-17h30 : Paul Clavier (répondante : Anna Zielinska) : présentation du livre Par Ici la Monnaie ! (2020)
Jeudi 28 janvier
09h00-09h20 : Accueil et introduction
Présidente de session : Marion Sabel
09h20-10h00 : Catherine Allamel-Raffin : Interdisciplinarité et pandémie : quel regard porter sur les cartes COVID ?
10h00-10h40 : Maxime Madouas : Les recherches participatives dans le domaine de l’environnement : une autre science ?
10h40-11h00 : Pause (20min)
Présidente de session : Catherine Allamel-Raffin
11h00-11h40 : Gaëlle Le Dref : Ethique et antibiotiques
11h40-12h20 : Hugo Rimeur : Dés-individualiser la notion de connaissance, à la croisée de l’épistémologie sociale et de l’épistémologie computationnelle
12h20-14h00 : Pause repas
Président de session : Matthias Dörries
14h00-14h40 : Céline Fellag Ariouet : Le Bureau international des poids et mesures de 1875 à 1975, un travail en cours
14h40-15h20 : Frédéric Soulu : Tracer le parcours diachronique d'un objet scientifique : les bases "instruments" du projet Bureau des longitudes
15h20-15h40 : Pause (20min)
Président de session : Olivier Bruneau
15h40-16h20 : Nicolas Lasolle : Exploiter un corpus historique grâce aux technologies du Web sémantique
16h20-18h00 : Table ronde sur les enjeux des humanités numériques animée par Pierre Willaime et Frédéric Soulu, suivie d’une présentation des services informatiques des Achives Henri-Poincaré par Pierre Couchet
Catherine Allamel-Raffin :
Interdisciplinarité et pandémie : quel regard porter sur les cartes COVID ?
Cette présentation s’appuiera sur la rédaction d’un article que nous avons soumis à la Revue Statistique et Société. Il résulte de la collaboration entre un cartographe, des épidémiologistes et moi-même. Nous sommes partis du constat suivant : depuis l’apparition du Covid-19, cartes, graphiques, courbes fleurissent dans la presse écrite et sur nos écrans afin de tenter de proposer une vision dynamique de la maladie aux lecteurs et téléspectateurs avides d’information sur ce virus qui bouscule les vies de l’ensemble de l’humanité. Dans un premier temps : Il s’agira donc d’examiner la qualité de ces cartes, d’un point de vue du cartographe et d’une philosophe des sciences Plus précisément, nous nous sommes posés les questions suivantes : 1/ répondent-elles aux règles de la sémiologie graphique en cours dans le domaine de la cartographie ? 2/ Nous permettent-elles d’accéder à une information la plus objective possible ? Dans un second temps, nous examinerons les cartes produites à Strasbourg et qui ont été créés pour répondre à la piètre qualité des cartes que l’on trouve pour les média. C’est donc à un exercice de réflexivité que nous nous livrerons dans cette seconde partie
Pour finir, nous affirmons que même si d’autres niveaux de réalisation et de lecture des cartes Covid-19 peuvent-être sinon acceptés au moins compris dans leur finalité, c’est aux scientifiques qu’incombe la tâche d’être les sentinelles de la rigueur de la démarche analytique et du respect de la réalité des faits grâce à l’application d’une rigueur méthodologique sans faille mais aussi d’un retour autocritique sur leurs propres pratiques. A partir de ce retour réflexif sur nos propres pratiques, nous pouvons alors confirmer que perspectives génétique et téléologique conditionnent considérablement l’objectivité du résultat cartographique produit. Tout gain dans la formalisation apporte un gain d’objectivité, au même titre que celui obtenu par les choix effectués en fonction du public visé. Mais malgré tout le soin que l’on ne pourra jamais apporter à la réalisation des cartes, l’objectivité absolue reste inatteignable comme pour toute image scientifique. Pour autant, une analyse des modalités objectivantes permet d’identifier la pertinence d’une carte plutôt que d’une autre et facilite l’identification des points qui permettra de gagner en termes d’objectivité.
Alexis Anne-Braun :
Vers une théorie projective de l’esprit
L’essai paru en 2018 aux Presses Universitaires de Paris-Sorbonne intitulé « Le monde en projets » est le résultat de mon travail de doctorat sur la théorie des symboles de Nelson Goodman. J’y montre quel rôle joue le concept de projectibilité dans les textes de l’auteur américain consacrés à l’énigme de l’induction, à la dépiction et au fonctionnement de la référence. Dans ma communication, je partirai de ce concept d’abord technique de « projectibilité » pour présenter une théorie plus générale du langage. J’examinerai en particulier la pertinence d’un rapprochement que je fais entre cette théorie du langage et la notion d’imagination projective, telle que mobilisée dans un tout autre contexte (une exégèse de la philosophie de Wittgenstein) par Stanley Cavell dans Les voix de la raison. Il s’agit en fait du premier jalon d’une enquête sur le fonctionnement projectif de l’esprit humain à laquelle je travaille actuellement.
Jean-Baptiste Bontemps :
Philosophie, désaccords et scepticisme
Dans sa préface à la première édition des Principia Ethica, G.E. Moore ([1903] 1993, 33) suggère que les désaccords qui jalonnent l’histoire de la philosophie morale pourront être résolus en procédant à une analyse plus fine des questions et distinctions qui lui sont propres. Ainsi, la publication des Principia aurait dû, si nous suivons Moore, donner naissance à un consensus en philosophie morale. Or, plus d’un siècle après la publication des Principia, toutes les positions métaéthiques – dont le réalisme de Moore – restent défendues par des auteurs qui sont tous reconnus comme des « experts » de ce domaine. Puisque ce constat pourrait sans difficulté être étendu à tous les champs de la philosophie, il me semble utile, voire nécessaire, de réfléchir aux conséquences et à l’importance du désaccord dans notre discipline. Si de nombreux philosophes au cours de l’histoire ont considéré, espéré, pensé ou souhaité résoudre certains de ces désaccords en répondant de manière argumentée à une question donnée, il ne me semble pas malhonnête de considérer que toutes ces tentatives ont échoué. Ce constat historique porte avec lui une interrogation à propos de l’attitude que nous devrions avoir aujourd’hui lorsque nous faisons face à des désaccords concernant des questions qui, pour la majorité d’entre elles, étaient déjà présentes dans les œuvres de Platon et Aristote. Ce problème n’est évidemment pas nouveau et trouve une possible « solution » au sein de la tradition sceptique, le désaccord étant le premier des cinq modes d’Agrippa. Nous pourrions alors nous demander si l’existence de désaccords profonds sur une question philosophique particulière ne doit pas nous forcer à suspendre notre jugement à propos de celle-ci. Si cela ne semble pas absurde, cette idée pourrait avoir une conséquence radicale : nous devrions alors faire de même pour toutes les questions philosophiques et ainsi adopter un scepticisme philosophique à propos de la philosophie – thèse qui semble évidemment fausse du fait de son caractère autoréférentiel. Dans cet exposé, je souhaite évaluer la force de ce scepticisme et, plus globalement, m’interroger sur ma pratique – et la pratique – de la philosophie.
Bibliographie :
MOORE, George Edward [1903] (1993). Principia Ethica. Sous la dir. de Thomas Baldwin. 2e éd. Cambridge : Cambridge University Press.
Valeriya Chasova :
Comment formaliser les symétries empiriques ?
Les symétries empiriques sont certains phénomènes manifestant de l'invariance sous transformations. Par exemple, la symétrie empirique du bateau de Galilée consiste en l'invariance des expériences à l'intérieur d'un bateau sous une transformation rectiligne uniforme de sa vitesse par rapport à la côte. Les autres exemples reconnus des symétries empiriques sont l'ascenseur d'Einstein, la cage de Faraday et le diviseur de faisceau de 't Hooft. Si l'on trouve une définition non-triviale qui couvre ces quatre exemples à la fois, on aura caractérisé une symétrie empirique générique qui peut être mise en correspondance avec une symétrie théorique en physique. Ainsi la question longuement débattue en philosophie de la physique quels sont les pendants empiriques des symétries théoriques sera éclairée. Mais formuler la définition recherchée n'est pas si simple. Dans ma présentation je décrirai les quatre exemples, je critiquerai les formalisations existantes de la notion de symétrie empirique, et je discuterai des difficultés et des pistes pour subsumer ces exemples sous une définition satisfaisante.
Paul Clavier & Anna Zielinska :
Présentation par Paul Clavier de son livre Par ici la monnaie !
Suivie d’une réponse d’Anna Zielinska
Livre : Paul Clavier, Par ici la monnaie ! Petite métaphysique du fric. Editions du Cerf, 2020.
Quatrième de couverture : « Hier, la monnaie et le crédit facilitaient l'échange. Aujourd'hui, ils divisent et écrasent. Le coupable désigné est vite trouvé : ce serait la finance internationale. Ce qui nous évite de nous interroger sur le tréfonds de nos mentalités. Un essai corrosif pour, enfin, régler nos comptes avec l'argent.
La monnaie ? Inventée, croyait-on, pour faciliter l'échange des biens et des services, elle est devenue signe de division et facteur d'inégalité.
Le crédit ? Instauré pour faire circuler la monnaie et libérer l'initiative, il a fini par écraser États et particuliers sous le poids de la dette.
Le coupable tout trouvé, c'est " la finance " : marchés dérégulés, actionnaires sans cœur, fonds d'investissement indifférents au sort de la planète. Mais à quoi bon dénoncer la cupidité des uns et la rapacité des autres, si on n'en dévoile pas les ressorts ? La source de notre asservissement est peut-être cachée dans le tréfonds de nos mentalités. Et si le vilain petit financier, c'était chacune et chacun d'entre nous ?
Face à un krach boursier ou une pandémie, l'État est capable de s'endetter massivement. Ce qui repose la question de fond : qui, en définitive, doit quoi à qui ?
Enjambant les débats ésotériques, cette Petite métaphysique du fric interroge ce qu'est la monnaie dans nos têtes, ce qu'elle devient entre nos mains, et défie notre tendance à désigner les coupables sans nous remettre en cause. »
Céline Fellag Ariouet :
Le Bureau international des poids et mesures de 1875 à 1975, un travail en cours
Le Bureau international des poids et mesures est fondé en 1875 par un traité, la Convention du Mètre : il s’agit ainsi de l’une des plus anciennes organisations internationales avec pour première mission essentielle la fabrication de nouveaux prototypes internationaux afin de permettre la diffusion du système métrique au niveau mondial.
Le Bureau international des poids et mesures conserve depuis sa création un fonds d’archives d’environ 300 mètres linéaires constituant un corpus important resté jusque-là en dehors du champ de la recherche pour les historiens. Ce fonds d’archive n’est pas structuré, il n’a jamais fait l’objet d’un inventaire ou d’un recolement.
Dès sa fondation, ce Bureau international est au cœur d’enjeux scientifiques, diplomatiques nationaux et internationaux importants. De nombreuses figures scientifiques et politiques que l’on retrouve dans d’autres institutions participent à l’histoire de cette organisation. Dans les premières années qui suivent sa création, son rôle et ses fonctions connaissent aussi une forte évolution.
Établi en France, le Bureau international des poids et mesures participe activement à la vie scientifique de son État hôte. L’étude de cette institution qui s’ancre rapidement dans le tissu institutionnel français permet aussi de mettre en perspective l’étude de nombreuses autres institutions et académies scientifiques et techniques comme le Bureau des longitudes, l’Académie des sciences ou l’Observatoire de Paris.
Dans cette communication, je présenterai ce corpus, l’intérêt et les enjeux d’un travail de thèse sur le Bureau international des poids et mesures : quels partis pris pour cette recherche ; quelle méthodologie et comment trouver la bonne distanciation quand son objet de recherche est aussi le lieu où l’on travaille.
Ahmed Jeddi :
Ibn – al-Bannâ al -Marrakushi
Ibn-al-Bannâ était un mathématicien marocain (1256-1321), il était connu aussi sous le nom Abul’Abbas ibn Muhammed ibn Uthman al-Azdi. Il a vécu une grande partie de sa vie à Marrakech, ville connue sous le nom de Ville Rouge, située près du Haut Atlas au Maroc, non loin de la porte du désert. Le nombre de ses travaux est immense (H. P. Renaud en répertorié 82). En particulier, il a écrit une introduction aux Eléments d’Euclide, des textes sur l’algèbre, et divers autres notamment en Astronomie.
Le but de l’intervention est de donner un aperçu de ce sur la vie de ce grand mathématicien, st sur sa contribution en mathématiques, particulièrement en algèbre, calcul combinatoire, et des méthodes d’approximations. Des manuscrits qui lui sont attribués sont conservés au Maghreb, en particulier un manuscrit d’une lecture sur l’algèbre-arithmétique toujours exposé à la bibliothèque de Zaouia Naciria de Tamgroute, un petit village près de Zagoura à l’Est du Maroc. Son nom est aussi associé au calcul combinatoire (Triangle de Pascal) et calcul d’approximation de la racine carrée d’un nombre. D’ailleurs, le son style d’écriture laisse penser que son travail consistait en général à rassembler des idées et des résultats de mathématiques de son temps dont il a reçu l’instruction. Mais il a aussi apporté sa propre contribution à la progression des mathématiques en introduisant de nouveaux concepts et méthodes.
Nicolas Lasolle :
Exploiter un corpus historique grâce aux technologies du Web sémantique
L’étude de la vie et l’œuvre d’Henri Poincaré (1854-1912) a entraîné la constitution d’un corpus composé de documents de natures diverses (e.g. articles scientifiques, ouvrages, rapports, lettres).
Récemment, des technologies du Web sémantique ont été mises en œuvre pour structurer, éditer et exploiter les données de ce corpus. Ces travaux soulèvent des problématiques qui interviennent à différents niveaux. Tout d’abord, un intérêt est porté aux choix relatifs à la création d’un modèle de représentation des connaissances. Comment représenter le plus fidèlement possible les données du corpus ? Comment inclure des connaissances temporelles dans le modèle ? Comment lier ces connaissances à celles provenant d’autres corpus. Des travaux s’intéressent également à la problématique de l’édition (i.e. la saisie des données dans le système). Quelles méthodes peuvent assister l’édition manuelle de ces données ? Comment les intégrer à des outils informatiques ?
Enfin, une part importante de ce travail concerne la mise en place d’un mécanisme de recherche approchée pour explorer ce corpus. En effet, une limite des systèmes actuels est qu’ils se cantonnent aux recherches exactes.
Cette communication a pour objectif de présenter les différents axes de recherche constituant ce travail de thèse. Les méthodes et outils proposés peuvent être appliqués pour des corpus autres que celui lié à Henri Poincaré.
Gaëlle Le Dref :
Ethique et antibiotiques
L’antibiorésistance est un problème majeur de santé publique. D’ores et déjà à l’origine de plus de cinq mille décès tous les ans rien qu’en France, l’antibiorésistance pourrait à terme menacer la médecine moderne « pasteurienne » : de nombreuses infections redeviendraient synonymes de mort, la chirurgie deviendrait hautement risquée, de même que le traitement du cancer, les greffes d’organe ou la médecine de réanimation. En l’absence d’innovation thérapeutique, il importe donc de préserver notre « capital antibiotique » en faisant un usage plus rationnel de antibiotiques, en particulier en médecine générale. Mais, prescrire ou ne pas prescrire n’est pas qu’une simple affaire de rationalité scientifique. Dans le contexte socio-économique et culturel qui est le nôtre, l’arbitrage qui préside à la décision de prescrire ou non repose sur de multiples considérations que le médecin doit prendre en compte et hiérarchiser au mieux. En d’autres termes, il doit se livrer à un véritable exercice éthique le confrontant notamment aux hiatus pouvant exister entre la pratique médicale et les impératifs de santé publique. En nous fondant sur des enquêtes de terrain, nous aimerions exposer ici les difficultés auxquelles le médecin s’affronte et les arbitrages qu’il nous semble devoir effectuer. Nous nous intéresserons aux facteurs qui contraignent sa décision et nous sont apparus comme générateurs de souffrances à la fois professionnelles et éthiques.
Maxime Madouas :
Les recherches participatives dans le domaine de l’environnement : une autre science ?
Il existe une grande diversité d’approches de participation en sciences de la nature – allant de la collecte de données sur le terrain par des citoyens (crowdsourcing) en suivant des protocoles conçus par les scientifiques (Charvolin, 2020), à des dispositifs de recherche où des acteurs internes et externes au monde académique co-construisent un projet de recherche en vue d’aboutir à une action précise (Sebillotte, 2007). La Recherche-Action Participative (RAP) REPERE – dans laquelle collaborent, entre autres, des viticulteurs (Westhalten, Dambach-La-Ville, Muttenz et Tullinger Berg) et des scientifiques de l’INRAe de Colmar – se situe dans cette dernière approche. Dans un contexte de transition écologique, la RAP REPERE s’est construite sur des savoirs d’expériences des viticulteurs et des savoirs scientifiques dans un objectif de changement de pratiques (Moneyron et al, 2017, Soustre-Gacougnolle et al, 2018). Mon sujet de thèse porte sur la part d’objectivité et de subjectivité au cœur de cette démarche en mobilisant des références en philosophie contemporaine des sciences (Allamel-Raffin, 2019 ; Ruphy 2013). L’objectivité sur laquelle je me focalise pour mon étude correspond à l’objectivité dans la pratique quotidienne des sciences, aussi appelée « objectivité méthodologique » (Hanna, 2004).
Baptiste Mélès :
Comment classer les programmes informatiques ?
Comme il arrive souvent en matière de classifications, celles des programmes informatiques sont souvent inadéquates et bancales puisque effectuées sans méthode. Nous justifierons donc d'abord une méthode consistant à fonder logiquement une classification dans la définition du concept classé, l'appliquerons au concept de programme informatique et en obtiendrons ainsi une classification /a priori/. On constatera à cette occasion la pertinence non seulement de la classification aristotélicienne des causes, mais aussi de la thèse qui y est associée : celle de l'orthogonalité trop souvent oubliée des explications matérielles, formelles, causales et finales.
Amirouche Moktefi :
Sur l’(in)utilité des premières machines logiques
Aux débuts de la logique mathématique (seconde moitié du XIXe siècle), une multitude de systèmes logiques voient le jour, essentiellement pour résoudre le problème de l’élimination. Il s’agit de trouver la conclusion qui découle d’un nombre indéterminé de propositions avec un nombre indéterminé de termes. Pour cela, diverses notations, aussi bien symboliques que diagrammatiques, sont inventées et une compétition s’installe entre systèmes rivaux. Certains logiciens inventèrent aussi autour de 1880 des machines logiques rudimentaires pour résoudre ce même problème. Celles-ci intègrent donc la compétition mais ne survivent pas longtemps car jugées, essentiellement, inutiles. L’objet de ce travail est de retracer l’histoire courte mais intéressante de ces machines, leur interaction avec les autres méthodes logiques et leur abandon. Surtout, à travers ces machines, c’est l’utilité de la logique mathématique même qui est en débat.
Hugo Rimeur :
Dés-individualiser la notion de connaissance, à la croisée de l’épistémologie sociale et de l’épistémologie computationnelle
L’épistémologie s’est traditionnellement essentiellement développée dans un cadre individualiste : pour de nombreux auteurs classiques, la connaissance est avant tout le fait d’individus possédant des croyances vraies et un rapport spécifique à ces croyances (e.g. être justifié à les entretenir). Ces dernières décennies ont vu l’accumulation d’indices forts qu’un tel cadre individualiste n’est pas ou plus adéquat et doit être dépassé, du fait de i) la grandissante dimension sociale de la connaissance et ii) sa grandissante dimension computationnelle. D’une part s’est renforcée l’étude des mécanismes sociaux de production et de diffusion des connaissances, notamment par l’analyse du témoignage. D’autre part, une attention croissante est consacrée à la place qu’occupent, dans les processus épistémiques, des outils informatiques dont les capacités dépassent les facultés humaines individuelles et qui sont des sources externes incontournables de la connaissance.
Ma communication visera à présenter les orientations principales de ma thèse. Je reviendrai sur les limites rencontrées sur différents fronts par les approches individualistes et sur la possibilité (ou non) de croiser ou d’articuler ces critiques, ainsi que les solutions qui leur sont apportées, en une approche englobante.
Benjamin Simmenauer :
Une sémantique vestimentaire : pourquoi et comment ?
Même si les vêtements, à la différence des mots ou de certaines catégories d'images, n'ont pas pour fonction première d'être des signes, ils semblent des moyens efficaces de communiquer des informations : nous faisons de nombreuses inférences à partir de la façon dont quelqu'un est habillé. Mais ces effets de sens sont-ils purement improvisés et accidentels, ou existe-t-il des règles permettant de calculer et prédire le message envoyé par une tenue vestimentaire? Une théorie sémantique des vêtements doit permettre de dégager des règles de ce genre pour expliquer notamment la productivité du langage considéré, c'est-à-dire la capacité à comprendre le sens d'une expression jamais rencontrée auparavant. Jusqu'à présent les recherches en la matière ont conduit à des conclusions négatives, principalement fondées sur l'absence de compositionnalité, la signification d'une tenue ne semblant pas dépendre de l'application mécanique de règles de composition aux significations de ses parties. Nous essaierons de montrer que cet argument n'est pas nécessairement fatal au projet d'une sémantique des vêtements, dont nous présenterons les principales composantes et idées directrices.
Frédéric Soulu :
Tracer le parcours diachronique d'un objet scientifique : les bases "instruments" du projet Bureau des longitudes
Maurice Daumas, dès 1953, s’affranchissait de son maître Gaston Bachelard en posant que « pour autant que l’instrument ait été conçu sur des données théoriques, son invention n’a été véritablement achevée que lorsqu’un ouvrier eut réussi à lui donner sa forme matérielle ». Il faisait alors de l’instrument scientifique un objet d’étude historique.
Saisir l’objet ou l’instrument comme source archivistique a permis par exemple à notre communauté de prendre conscience du poids des constructeurs d’instruments dans l’émergence des sciences modernes en Europe. De façon plus générale, mettre la matérialité de l’instrument scientifique au centre de l’enquête permet une forme de renouvellement historiographique.
Cependant, nos musées, laboratoires et universités demeurent peuplés de ces « objets-devinettes », selon les termes de François Sigaut, dont nous pouvons décrire les structures et imaginer le fonctionnement, mais qui restent muets sur leur fonction sans un témoignage. Les publications scientifiques ne révèlent que peu de choses du corps à corps du chercheur et de son instrument, ou de ses négociations avec fabricant et financeur.
Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, en raison des missions mêmes de cette institution et de sa composition, nous offrent un corpus rare pour l’étude de la culture matérielle d’une partie de l’activité scientifique française entre 1795 et 1932. Je présenterai dans cette communication un essai de modélisation de parcours d’instruments réalisé dans le cadre du projet ANR « Le Bureau des longitudes : de la Révolution française à la IIIe République (1795-1932) ».
Pierre Willaime et Frédéric Soulu (présentation/animation) :
Table ronde sur les enjeux des humanités numériques
Les outils et pratiques numériques prennent une place toujours plus importante dans les projets de recherche en SHS. Ils ne peuvent plus véritablement être considérés comme des activités accessoires, sans lien fort avec les questionnements scientifiques. Ce constat fait, le numérique en SHS peut et doit poser question. Pour certains, il représente une nouvelle forme d’opacité, conditionnant partiellement le travail du chercheur à des outils sur lesquels il n’a que peu d’influence. Mais l’enjeu d’une réalisation numérique permet également de poser des limites là où la recherche préférait les zones grises et les frontières poreuses et mobiles, condition pour échanger avec d’autres projets et pour aborder de nouveaux corpus. Ainsi, ces approches et outils conduisent à préciser les concepts mobilisés. Les possibilités techniques amènent à remanier les questionnements initiaux.
La nature des échanges lors du projet pousse à repenser sous de nouveaux auspices le travail en équipe et l’interdisciplinarité.
Après une brève tentative de contextualisation historique du mouvement, nous interrogeront ensemble l’influence de ces pratiques numériques sur les problématiques scientifiques et sur les métiers de chercheur et d’ingénieur.
Pierre Couchet :
Des sites en lignes aux AHP
Les AHP se montrent depuis le début des années 2000 impliquées dans plusieurs projets de numérisation et de mise en ligne de documents sur le web. Des gestionnaires de contenus open source sont publiés au milieu des années 2000 et les AHP se saisissent de plusieurs de ces logiciels parmi lesquels Drupal, Wordpress et Omeka Classic. Des interfaces personnalisées apportent un confort dans le visionnage des fichiers, images de sources souvent uniques pour l'histoire des sciences et des techniques, pour la philosophie. Les savoir-faire en matière de digitalisation, de création de tableaux de données et de réalisation de sites web se sont progressivement étoffées aux AHP. La sortie d'Omeka S en 2016 marque la possibilité d'étendre aux personnes, organismes et autres types d'items les possibilités de collecte et de description.
Les sujets aux AHP s'avèrent aussi divers que Poincaré et son œuvre, l'histoire de l'Université de Nancy, l'enseignement de l'histoire de l'art au début du 20ème siècle, l'histoire d'une académie scientifique parisienne centenaire, l'histoire d'une communauté de mathématiciens, l'histoire d'une industrie de la confection maintenant disparue, et bien d'autres encore. La création d'un site web facilite la fédération de communautés de recherche de taille importante, interdisciplinaires, actives et visibles sur le long terme. Les documents rassemblés dans ces projets interrogent des passés parfois lointains dont certaines traces restent vivaces au présent.
Mots-clés : Site Web, AHP, Histoire des sciences, Philosophie, Archives
Manifestation organisée par Marion Sabel et Julien Borgeon