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Journées scientifiques des Archives Henri-Poincaré 2021 || 2

Lundi 6 décembre 2021 - 09:00 - Mardi 7 décembre 2021 - 17:00
Nancy
Argumentaire: 

 

Les journées scientifiques des Archives Henri-Poincaré (JSAP) se tiendront les lundi 06 et mardi 07 décembre 2021 à Nancy.

Le principe de cette manifestation annuelle est de rassembler l'ensemble des membres du laboratoire autour de leurs travaux. Pour les doctorants, ce rendez-vous est une opportunité d'exposer leurs travaux et de bénéficier d'un retour sur leurs avancées. Pour les chercheurs, les ITA ingénieurs, techniciens et administratifs du laboratoire, c'est l'occasion de présenter leurs travaux, un projet ou une publication récente (livre ou article) à leurs pairs.

Plus généralement, les Journées permettent à chacun de prendre connaissance des derniers travaux réalisés par les membres du laboratoire. Cet événement est essentiel pour la cohérence des recherches effectuées au sein des Archives Poincaré : il constitue un lieu d'échanges privilégié pour ses représentants.

Les enregistrements des interventions sont disponibles en ligne : https://videos.ahp-numerique.fr/w/p/bKfvaQ34ngaBqapZfZGct9

Participants: 

 

  • Julien Borgeon
  • Nina Colin
  • Matthias Dörries
  • Christophe Eckes
  • Stéphane Ange Gondo
  • Didier Lommelé
  • Philippe Nabonnand
  • Manuel Rebuschi
  • Marion Sabel
  • David Waszek
  • Françoise Willmann
  • Manuel Zambrano Borjabad
Programme: 

 

lundi 6 décembre 2021

9h00 : accueil et petit-déjeuner

Président de session : Olivier Bruneau
9h30-10h15 : Stéphane Ange Gondo
10h15-11h00 : Philippe Nabonnand
11h00-11h30 : pause
11h30-12h15 : Françoise Willmann

12h15-14h00 : pause repas

Conseil de laboratoire
14h00-16h00  : conseil de laboratoire

16h00-16h15 : pause

Président de session : Roger Pouivet
16h15-17h00 : Marion Sabel
17h00-17h45 : Manuel  Zambrano Borjabad

Mardi 7 décembre 2021

Présidente de session : Gaëlle Le Dref
9h15-10h : Nina Colin
10h-10h45 : Julien Borgeon

10h45-11h : pause

Président de session : Stéphane Schmitt
11h-11h45 : Christophe Eckes
11h45-12h30 : David Waszek

12h30-13h45 : pause repas

Présidentes de session : Yamina Bettahar
13h45-14h30 : Matthias Dörries
14h30-15h15 : Manuel Rebuschi
15h15-16h00 : Didier Lommelé

Résumés: 

 

Le statut des contrefactuelles dans le débat contingence vs inévitabilisme

Julien Borgeon

Cette communication prend racine dans le cadre de la question de la contingence ou de l’inévitabilité des résultats et des pratiques scientifiques. Question dont les deux pôles — contingentisme et inévitabilisme (abrégés C/I dans la suite) — apparaissent comme deux options possibles à la question de savoir si « une autre science est possible » : une autre physique quantique, ou une autre biologie, par exemple, aussi puissantes/efficaces que la physique quantique ou la biologie actuelles d’un point de vue explicatif et d’un point de vue prédictif, mais qui soient radicalement différentes d’un point de vue descriptif. Initiée par Ian Hacking (1999; 2000), qui a forgé les labels C/I, cette question a pour objectif de dessiner les contours du problème épistémologique posé par ce qui a valeur ou non de connaissance scientifique.

Plusieurs auteurs (voir Giere; Lévy-Leblond; Rouse; Soler; Van Bendegem dans Soler, Trizio, Pickering 2015) se sont également penchés sur la question des contrefactuelles élaborées dans le cadre de ce débat, en pointant toutefois le manque d’études menées sur le sujet (récent), et le potentiel porteur de leur utilisation, étant donné le caractère apparemment incontournable de l’usage des contrefactuelles quand il s’agit de répondre à une question portant sur des sciences — et par extension, une histoire des sciences — alternatives. Quoi que tous ne partagent pas l’avis que les contrefactuelles s’avèrent indispensables relativement à la question C/I (voir Collins; Gingras dans Soler, Trizio, Pickering 2015), il semble néanmoins intéressant de s’appesantir sur le rôle que peuvent remplir les contrefactuelles impliquées dans la question, le plus souvent en guise d’arguments pour soutenir l’une ou l’autre des deux thèses C/I.

S’il semble évident que de telles contrefactuelles sont invoquées en guise d’arguments, encore faut-il vérifier en quoi elles sont susceptibles de fonctionner de la sorte, et en quel sens on peut les qualifier de pertinentes vis-à-vis d’autres types d’arguments invoqués dans le débat. De même, l’élaboration d’une méthodologie s’avère pressante si l’on veut pouvoir discriminer entre les bonnes et les mauvaises contrefactuelles (voir à ce propos Bunzl 2004), à la façon dont on peut discriminer entre de bons et de mauvais arguments, et ainsi permettre le progrès du débat. Le but de cette communication, qui s’appuie sur un chapitre de ma thèse, est de mener l’étude d’un exemple de contrefactuelle impliquée dans la question, ainsi qu’une analyse approfondie de sa structure argumentative et du type de thèse contingentiste qu’elle supporte. Je m’efforcerai de cerner les éléments conceptuels et normatifs impliqués dans l’élaboration de ce genre de contrefactuelles (forme grammaticale et logique de la fiction, contraintes de plausibilité, etc.).

Références

Bunzl, Martin. 2004. « Counterfactual History: A User’s Guide ». The American Historical Review 109 (3): 845–58.

Hacking, Ian. 1999. The Social Construction of What? Harvard University Press.

———. 2000. « How Inevitable Are the Results of Successful Science? » Philosophy of Science 67: 58–71.

Soler, Léna, Emiliano Trizio, et Andrew Pickering, éd. 2015. Science as it Could Have Been: Discussing the Contingency/Inevitability Problem. Pittsburgh: Pittsburgh University Press.

Le projet de recherche participative RECA, première année : de la rencontre du comité participatif à l’appropriation de la démarche

Nina Colin

Le projet RECA (Réduction d’Émissions Carbone pour l’Autoconsommation d'énergies renouvelables) s’inscrit dans la mise en action des accords de Paris pour le climat, sur le territoire à ambition Zéro Carbone de La Rochelle. En fédérant experts de l’énergie, usagers et collectivités, le volet participatif de ce projet vise à intégrer tous les acteurs intervenant concrètement sur l’aménagement d’un quartier par l’intermédiaire d’un comité citoyen. L’objectif commun est ici de construire une méthodologie robuste permettant d’évaluer l’impact carbone de l’autoconsommation à l’échelle de ce quartier et ainsi évaluer son potentiel de réplicabilité au niveau de la communauté d’agglomération de La Rochelle.

Revenons sur la première année d’existence de ce projet de recherche participative. De la rencontre à la conception d’ateliers de co-construction entre experts et citoyens, nous évoquerons les questionnements qui émergent lors de la formation d’un comité participatif : quel est l’objectif de la démarche participative ? Par où commencer ? Quels outils et démarches utiliser ? Quels sont les déterminants de la participation citoyenne ? Nous questionnerons également les rôles et la posture des « knowledge brokers », à l’interface entre citoyens et experts, quelle est la place de ces facilitateurs dans la construction de la démarche participative ?

 

The Art of Listening: Seismology and Music

Matthias Dörries

From the 1920s, in seismology, the avant-garde technology of the transducer allowed for new ways of recording and listening to waves outside the audible range. Transducers translated sound, waves, and vibrations, modified ways of listening, and thus reconstituted and reorganized the world. They set seismology on the path from an empirical observational science into a modern geoscience. In music, the transducer allowed for the conception of electrical musical instruments, such as electric violins and cellos. Via translation, the transducer unified vibrations of all kinds into a single, new, and immense field of further exploration. This unification readjusted the border between signal and noise, music and sound, since recorded or produced tones were never pure but mixed within a cacophony of other vibrations. Working on these problems meant switching continuously between various modes of listening: diagnostic, exploratory, synthetic, or analytic. My paper will focus on the Caltech seismologist Hugo Benioff, who devised and incorporated transducers in both seismological and musical instruments.

 

L’après Deuxième Guerre mondiale des bourbakis (1944/1945-1968) : entre mémoire et histoire

Christophe Eckes

Si les premières années d’existence du groupe Nicolas Bourbaki sont bien connues depuis les travaux fondateurs de Liliane Beaulieu datant de la fin des années 1980, l’après Deuxième Guerre mondiale demeure encore largement tributaire des représentations mémorielles produites par certains membres du groupe, comme en témoigne le récit généralement admis de manière non critique selon lequel Bourbaki aurait occupé une position hégémonique dans le champ des mathématiques à partir des années 1950. Nous dresserons dans un premier temps un état des lieux des archives susceptibles de mettre à l’épreuve un tel récit. Nous fournirons dans un deuxième temps quelques réflexions historiographiques contribuant à interroger ce récit et à en comprendre les ressorts. Nous reviendrons en particulier sur quelques changements notables affectant la structuration de Bourbaki à l’issue du second conflit mondial, tout en soulignant le caractère très localisé d’une telle restructuration dans le champ des mathématiques. Pour ce faire, nous envisagerons Bourbaki à la fois comme un collectif de mathématiciens et comme un auteur collectif – celui des Éléments de mathématique. Nous discuterons pour finir les travaux récents de l’historien des sciences Pierre Verschueren visant à contester l’hégémonie prêtée à Bourbaki dans le champ des mathématiques entre les années 1944 à 1968. L’analyse de réseau qu’il a fournie à partir d’une étude des doctorats ès sciences mathématiques délivrés par l’université de Paris entre 1944 et 1968 fait notamment apparaître une diversité de « centres d’intérêts » et de « perspectives » venant contredire une telle hégémonie.

 

L’approche spatiale de Poincaré au crible de l’approche cognitive de l’espace de Berthoz

Ange Gondo

Dans Des fondements de la géométrie (1898), Poincaré, refusant l’axiomatique comme fondement de la géométrie, présentait une approche psycho-physiologique de l’espace selon laquelle les sensations visuelles, musculaires, tactiles et vestibulaires qui accompagnent nos mouvements (ou déplacements) constituent les fondements psychologiques de la géométrie. Il montrait comment ces sensations se compensent pour permettent à l’individu d’acquérir la géométrie et l’espace. En raison de l’hégémonie des théories logico-formalistes développées par les logiciens (Hilbert, Russell) au début du XXe siècle, cette conception psychologique de la géométrie a été aussitôt reléguée au second plan.

Depuis quelques décennies pourtant, Alain Berthoz nous propose une approche physiologique de l’espace, qui quoi se situant dans une perspective nouvelle, présente de fortes affinités avec celle de Poincaré. L’idée principalement neuve introduite par Berthoz à travers son livre Le sens du mouvement est que l’espace ne précède pas le corps mais qu’il est corrélat de la motricité de l’ensemble des parties du corps. Ainsi pour Berthoz, ce sont les flux de sensations qui accompagnent les mouvements du corps qui constituent les fondements cognitifs de l’espace et de la géométrie, dans la mesure où le cerveau traite l’espace et la géométrie à partir des informations spécifiques issues du corps.

Dans cette perspective, notre intervention consistera à rapprocher les conceptions spatiales de Poincaré et Berthoz, afin de mettre en évidence leurs similitudes et leurs différences. Si Berthoz s’accordent avec Poincaré pour dire que les sensations corporels, visuels, musculaires, proprioceptifs et vestibulaires constituent les fondements cognitifs de la géométrie, il diffère, en revanche, de ce dernier quant à la nature l’espace.

 

Outil de hiérarchisation des analogies. Application à la métaphore de la mémoire informatique

Didier Lommelé

Une représentation courante de la mémoire psychologique est construite sur son pendant informatique. Ce rapprochement est graphiquement efficace ; son usage, notamment dans les revues de vulgarisation, est fréquent. Nous interrogeons néanmoins la pertinence scientifique de son utilisation par certaines branches des sciences cognitives et voulons montrer que la relation épistémologique faible, établie directement entre ces deux types de mémoire, jouit d’une légitimité de contexte, celui d’une intégration au sein d’un réseau plus large de relations plus fortes. Notre étude nécessite donc, avant même de préciser la structure et les éléments de ce réseau, que nous nous dotions d’un outil permettant d’établir une hiérarchie épistémologique des relations qui le tissent. Concrètement, un outil permettant de comparer la portée scientifique d’une analogie, d’un modèle ou d’une métaphore. C'est cet outil, en cours d'élaboration, que nous présentons lors de cette intervention.


Des robots, des doudous et du sacré

Manuel Rebuschi

Que se passe-t-il lorque nous interagissons avec des robots dits sociaux ? Il semble que nous soyons enclins à y projeter de l'intelligence, des intentions voire des émotions, dans une attitude similaire à celle d'un enfant vis-à-vis de son doudou. À partir de travaux d'anthropologues sur l'animisme et les fétiches, on s'écartera d'une interprétation initiale qui transpose directement l'attitude animiste aux interactions humain-robot. L'exposé mobilisera le cadre théorique de Walton sur la fiction et le faire-semblant et celui de Wollheim sur la perception des représentations picturales, pour analyser ces interactions en termes de voir-double et d'agir-double.

 

Le placebo, entre vérité médicale et mensonge thérapeutique

Marion Sabel

L’usage de placebos embarrasse les médecins généralistes. Tout d’abord parce qu’il résulte d’une superposition entre science et pseudoscience. En effet, comment expliquer qu’une substance inerte puisse avoir un effet observable ? Ensuite, parce que sa prescription implique le mensonge. Généralement administré pour des troubles bénins, comme traitement de terrain ou pour rassurer le patient, le placebo ne contient pas ou très peu de substances actives. Il ne présente donc pas de risques chimiques pour le patient. Pour obtenir un effet placebo satisfaisant, le patient doit cependant être convaincu de l’efficacité et de la pertinence du traitement donné ce qui implique le mensonge de la part du médecin qui en fait prescription. Souvent considérée comme immorale, cette rétention d’information fait de la prescription de placebos un sujet sensible qui questionne la communauté médicale.

Qu’est-ce que mentir exactement ? Est-ce mentir que de cacher la vérité en ne disant rien ? Existe-t-il des circonstances dans lesquelles le mensonge peut-être moralement supérieur à une vérité ? Si oui, dans quels cas le mensonge est-il tolérable ? Si non, peut-on encore parler de vérité lorsque les conséquences sont mauvaises ?

Cette communication sera l’occasion de traiter de ces questions en nous appuyant sur des textes choisis et sur des témoignages réalisés auprès de praticiens exerçant la médecine générale.

 

« Calcul » comme méthode ou comme règles ? Boole et Frege sur les buts d'un calcul logique

David Waszek (sur la base d'un travail avec Dirk Schlimm)

Cet article vise à mettre l'accent sur un aspect négligé de l'œuvre de Boole, qui le distingue profondément de l'approche mieux connue de Frege et, nous semble-t-il, éclaire les concepts de « calcul logique » et de « mécanisation » ainsi que leur histoire. Boole a une idée claire de ce qu'est un problème logique ; son but est d'offrir une « méthode directive » systématique pour la résolution de tels problèmes, et, à ses yeux, tout l'intérêt d'un calcul logique est de rendre cela possible. Pour Frege, en revanche, une telle méthode de résolution n'est ni possible ni souhaitable ; son idéographie est avant tout un outil visuel pour vérifier nos inférences (et non, comme pour Boole, pour trouver quelles inférences faire et comment les enchaîner afin de parvenir à la solution d'un problème donné), et n'est un « calcul » que dans le sens restreint que toutes les transitions possibles entre énoncés sont spécifiées exhaustivement et sans ambiguïté. La perspective de Frege a largement dominé les réflexions philosophiques sur ce qu'est un symbolisme logique. Or, étant donné l'intérêt actuel pour le rôle des notations en mathématiques et en logique, il nous semble important de prêter attention à l'idée Booléenne d'un lien intrinsèque entre les idées de « calcul » et de « méthode directive » : ce qui fait la valeur d'un calcul symbolique n'est pas (ou pas seulement) la totalité des résultats que l'on peut en dériver en principe, mais les méthodes pratiques de résolution de problème auxquelles ce calcul se prête.

Pour lecture en ligne, en accès libre :

https://link.springer.com/epdf/10.1007/s11229-021-03318-x?sharing_token=r1x9T2JxRuUnuO-QmHdgx_e4RwlQNchNByi7wbcMAY7Qpk1W7KzXP4XnYprUil5iM_iqyROZUCpHx-QuSEt_jQsvAlQG25P9_ox6KX0b2AtMW5CXWkCa6nzQaHU4w_WiKEfb-V4aOf_CUm0SMiP6ef7iwiOL8b6z4tQ9yy_hss4%3D

Pour téléchargement (exige un abonnement institutionnel) :

https://doi.org/10.1007/s11229-021-03318-x

 

Pour une critique des rapports entre sciences, techniques et société par l’intermédiaire de l’œuvre littéraire

Françoise Willmann

A travers la confrontation de deux romans, un « roman scientifique » de Kurd Lasswitz, Auf zwei Planeten (1897) et le roman de science-fiction d’Alain Damasio, Les Furtifs (2019), j’interrogerai deux positions antagoniques – du moins jusqu’à un certain point – face aux progrès et aux promesses des sciences et des techniques, les outils mis en œuvre, les objectifs poursuivis.

L’alien est une figure commune aux deux textes : d’un idéal de maîtrise incarné par les martiens, on passe à la vulnérabilité de l’homme contrôlé ; ce sont les furtifs, une espèce insaisissable, qui portent chez Damasio l’espoir d’une survie des valeurs humanistes, essentielles à l’optimisme de Lasswitz. Au cœur de cette confrontation, je soulignerai la place de la carte, « dispositif technique » à la fois symptôme et symbole du progrès, puis révélateur de ses dangers, autour d’un enjeu central du kantien Lasswitz, la liberté, valeur suprême des martiens dont il ne subsiste plus que des traces dans le monde de Damasio.

 

La question du temps et de l’âme dans l’aristotélisme

Manuel Zambrano Borjabad

Certains passages de la Physique d’Aristote traitent de la relation de l’âme avec quelques concepts physiques qui y sont analysés, comme dans le cas du concept d’infini ou du concept de temps. Cela n’est pas passé inaperçu auprès de certains de ses plus illustres adeptes, créant ainsi un intéressant débat sur le statut ontologique de ces réalités. Pour Aristote, « le monde ouvert dans l’expérience immédiate de la nature n’est pas, dans son ensemble, tel qu’il est réellement, sans la participation active de l’âme avec sa particulière fonction manifestative », explique Vigo (2006, p. 274). L’intervention active de l’âme offre ainsi une sphère de manifestation dans laquelle « certaines potentialités des objets naturels peuvent atteindre la pleine forme d’effectivité qui leur correspond en tant que telles » (ibid.) L’étude du temps chez Aristote est l’un des meilleurs exemples du développement d’une telle analyse de la nature physique. Dans les derniers passages qui lui sont consacrés, Aristote étudie la relation entre l’âme et le temps, ainsi que ses conséquences ontologiques. Dans son commentaire, Thomas d’Aquin développe la question en ces termes : « la totalité du mouvement se prend d’après la considération de l’âme qui compare la disposition antérieure du mobile à sa disposition postérieure. De même, donc, le temps non plus n’a pas d’être en dehors de l’âme, sauf en rapport à son indivisible. Or la totalité du temps se prend par l’ordonnance que met l’âme en dénombrant l’avant et l’après dans le mouvement, comme on l’a dit plus haut. C’est pourquoi c’est expressément que le Philosophe dit que le temps, sans qu’existe l’âme, est d’une certaine manière de l’être, c’est-à-dire imparfaitement. Comme s’il disait que c’est imparfaitement que, sans l’âme, il peut y avoir du mouvement ». (In Physic., lib. 4 l. 23 n. 5). Averroès, pour sa part, étudie également la question avec une tournure quasi phénoménologique (« Sentire igitur nos esse in esse transmutabili est illud ex quo sequitur nos sentire tempus primo »), qu’il nuancera au cours de son commentaire. Cette présentation offrira un aperçu des principales positions dans ce débat, ainsi qu’une analyse de celles-ci sur la base des principes établis dans le texte aristotélicien lui-même.

 

Manifestation organisée par Hala Khassiba, Nicolas Lasolle et Maxime Madouas