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L'actualité d'Alfred Sohn-Rethel (1899-1990)

Jeudi 13 décembre 2018 - 09:00 - Samedi 15 décembre 2018 - 17:00
Nancy, Campus Lettres et Sciences Humaines
Argumentaire: 

L’œuvre majeure d’Alfred Sohn-Rethel (1899-1990), Geistige und körperliche Arbeit, est parue dans son ultime version en 1989. Toute sa vie, Sohn-Rethel n’a cessé de remettre sur le métier une thèse centrale : l’origine des concepts abstraits de l’entendement ne se trouve pas dans un a priori métaphysique, mais procède de l’être social, plus précisément de l’acte de l’échange, concrétisé dans l’usage de la monnaie frappée. Cette thèse, anti-kantienne et marxiste dans son projet, a suscité des réactions de toutes sortes, variables selon les époques et les phases de son élaboration : rejet (Max Horkheimer) ou enthousiasme (Walter Benjamin), soutien (à éclipses) de Theodor W. Adorno, intérêt passionné (des étudiants de l’Université de Brême des années 1970). Un certain nombre de travaux, toujours marqués par cette tension, ont tenté depuis d’explorer et d’approfondir les intuitions de l’auteur. Dernier signe en date de l’intérêt discret mais persistant en Allemagne : la publication des œuvres complètes, dont deux tomes sont d’ores et déjà parus. En France, cette œuvre est restée plutôt confidentielle ; quelques publications récentes – et leur réception – semblent cependant indiquer un regain d’intérêt pour une théorie dont la fécondité mérite donc d’être réexaminée.

Les angles sous lesquels l’œuvre de Sohn-Rethel peut être relue sont multiples, et les pistes indiquées ne se veulent pas exclusives d'autres approches.

Les controverses autour de l’authenticité du marxisme revendiqué par l’auteur ont surgi d’emblée : Sohn-Rethel dévoie-t-il la théorie marxiste en centrant son analyse sur l’échange alors que son intérêt résiderait précisément dans le rôle qu’elle accorde au travail ? Cette question a trouvé des prolongements très actuels et très politiques, ce dont témoigne en France le débat entre Anselm Jappe et Bernard Friot. Et qu’en est-il de la fonction de synthèse sociale de la monnaie en ces temps de dématérialisation de l’argent (Aldo J. Haesler ou Eske Bockelmann) ?

Cependant, l’ambition explicite de Sohn-Rethel ne fut pas de « corriger » Marx, mais de le compléter, en tenant compte d’une dimension essentielle négligée, selon lui, par ce dernier, à savoir la science moderne. La dimension épistémologique de l’œuvre de Sohn-Rethel est directement liée à la question de la séparation du travail intellectuel et du travail manuel. Dans La monnaie, l’argent comptant de l’apriori, Sohn-Rethel cherche à préciser la manière dont se constitue, puis se creuse, l’écart entre intellect et pratiques manuelles en même temps que se séparent production et socialisation, tout au long de l’évolution du capitalisme, en se focalisant sur quelques moments clés (autour de Galilée ou de Dürer entre autres). Ce travail historique doit-il être poursuivi, approfondi ou révisé ?

Si Sohn-Rethel lui-même en reconnaît le caractère d’ébauche, il en tire une conclusion dont la portée ne saurait être sous-estimée : « Il faut en tout cas retenir que la tendance à l'automatisme inhérente à toute installation de production capitaliste n’a pas sa racine dans sa technologie mais qu'elle provient du rapport de production capitaliste. » Ainsi, sa pensée ouvre-t-elle également à un questionnement sur le lien entre l’utopie numérique et le développement du capitalisme. L’analyse historique et matérialiste de Sohn-Rethel qui interroge l’autonomie de l’intellect, et partant l’autonomie – l’automatisme – de la raison scientifique et technique, la situe dans son contexte économique et social et pose également la question de sa capacité à tenir ses promesses, à savoir l’ambition d’avoir une « portée directement pratique et politique ».

L’objectif de ce colloque est de faire un état des lieux de l’intérêt suscité par cette œuvre, en France et en Allemagne, autant que de tenter une relecture de ses thèses et prolongements, trente ans après la publication de la dernière version de Geistige und körperliche Arbeit, sans négliger les textes proprement économiques de l’auteur que sa propre insistance sur son volet épistémologique a laissés dans l’ombre.

Programme: 

 

Jeudi 13 décembre 2018 – Salle A104

9h 00 : Accueil des intervenants

9h 30 : Ouverture du colloque : Laurence Denooz, directrice de l’UFR ALL

Présidence de séance : Bernard Ancori

10h 00 : Alexandre Métraux (Nancy) : L'invitation au voyage ou Alfred Sohn-Rethel prosateur.

10h 45 : Aldo Haesler (Caen) : Alfred Sohn-Rethel et l’histoire d’une thèse.

11h 30 : Charles Alunni (Paris) : Alfred Sohn-Rethel en Italie. Question de contexte.

12h 15 : Françoise Willmann (Nancy) : La Monnaie : traduction et réception.

Présidence de séance : Robert Ziegelmann

14h 30 : Vincent Chanson (Paris) et Camilla Brenni (Strasbourg) : Entre critique kantienne et critique marxiste. Hegel ou l’angle mort de Sohn-Rethel.

15h 15 : Carl Freytag (Berlin) : Sohn-Rethel und die Vorsokratiker.

16h 30 : Frank Engster (Berlin) et Andreas Schroeder (Berlin) : Sohn-Rethels große Idee und ihr Problem.

17h 15 : Daniel Burnfin (Chicago) : Sozialisierte Metaphysik : Realabstraktion & der politisch-ökonomische Ursprung der Res.

 

Vendredi 14 décembre 2018 – Salle G04

Présidence de séance : Alexandre Métraux

9h 30 : Salima Naït Ahmed (Amiens) : La méthode de « l’identification dialectique » de Sohn-Rethel et la genèse du patriarcat dans la Dialektik der Aufklärung.

10 h 15 : Agnès Grivaux (Paris) : Retour sur le dialogue entre Adorno et Sohn-Rethel. Le problème de la réification psychique.

11h 30 : Fabrice Colomb (Paris) : Penser le corps-marchandise et les technosciences avec Sohn-Rethel : La contribution des biobanques à la synthèse sociale capitaliste.

12h 15 : Robert Ziegelmann (Berlin) : Die Verstandeskategorien zwischen logischer Notwendigkeit und historischer Kontingenz.

Présidence de séance : Agnès Grivaux

14h 30 : Bernard Ancori (Strasbourg) : Monnaie frappée et pensée abstraite dans la Grèce du VIIème siècle avant notre ère : causalité ou corrélation ?

15h 15 : Elie Ayache (Paris) : De l'abstraction réelle de la monnaie au concret absolu du marché financier.

16h 30 : Davide Gallo Lassere (Nanterre) : Argent et circulation dans le marxisme hétérodoxe : Sohn-Rethel et les opéraïstes.

17h 15 : Rainer Gruber (Munich) : Sohn-Rethel und die Häutungen der modernen Physik.

 

Samedi 15 décembre – Salle A 104

Présidence de séance : Salima Naït-Ahmed

9h30 : Benjamin Schlodder (Berlin) : »Wie der Apfel im Mund eines anderen schmeckt« Zur Aktualität der materialistischen Erkenntniskritik Sohn-Rethels angesichts der gegenwärtigen « Krise des Bewußtseins ».

10h 15 : Oliver Schlaudt (Heidelberg) : Sohn-Rethel : de l’économie à la gestion

11h 00 : Débat conclusif. Introduction : Yann Gomez (Bordeaux)

 

Manifestation organisée par le CEGIL (Centre d’Etudes Germaniques Interculturelles de Lorraine, EA 3944), avec le soutien des Archives Henri Poincaré, de l'Université de Lorraine, de l'UFR Arts-Lettres-Langues, et de l'Université Franco-Allemande.

Comité d’organisation

  • Oliver Schlaudt (Université de Heidelberg)
  • Françoise Willmann (Université de Lorraine)

Comité scientifique

  • Christophe Bouriau (Université de Lorraine)
  • Alain Muzelle (Université de Lorraine)
  • Aldo Haesler (Université de Caen)