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L'approche biographique en histoire des sciences et des techniques

Jeudi 27 novembre 2008 - 09:00 - Vendredi 28 novembre 2008 - 18:00
Nancy - France
Argumentaire: 

 

Depuis plusieurs années, des recherches pluridisciplinaires sont menées à l’Université de Nancy sur la genèse et le développement du pôle scientifique nancéien. Ces recherches ont apporté différents éclairages sur l’évolution de la faculté des sciences et des écoles d’ingénieurs nancéiennes du Second Empire aux années 1960, période marquée par une forte expansion industrielle. En 2008-2011, dans le cadre de la Maison des Sciences de l’Homme Lorraine, ces chercheurs travailleront sur un nouveau programme de recherche intitulé : « Histoire des Institutions Scientifiques et Educatives : contextes socio-historiques et comparaisons internationales ». Prenant appui sur les méthodes de la socio-histoire – qui croisent les perspectives de la sociologie, de l’histoire et de l’épistémologie – il vise à de contribuer à une meilleure compréhension de l’histoire des systèmes locaux d’enseignement supérieur et de recherche en tenant compte à la fois du contexte global dans lequel elles s’inscrivent et des acteurs qui y participent. Au-delà des travaux individuels, le travail collectif passera par la rédaction de biographies d’acteurs des différentes institutions étudiées ainsi que par l’élaboration d’un dictionnaire prosopographique des enseignants de la Faculté des sciences de Nancy pour la période 1854-1945. Dans cette perspective, il a donc été prévu de consacrer un colloque à l’approche biographique en histoire des sciences et des techniques.

En histoire, l’approche biographique connaît un renouveau depuis plusieurs années. Elle est au centre d’un vaste ensemble de réflexions méthodologiques autour des questions de l’interdisciplinarité, des jeux d’échelles, de la socio et de la micro-histoire, etc.

L’approche biographique est centrale, non seulement pour penser les trajectoires individuelles au sein de processus collectifs, mais aussi pour exemplifier ceux-ci, non pas au sens d’un pourquoi (dans une sorte de fiction de la causalité), mais au sens d’un comment (comment certains individus peuvent-ils être traversés par le collectif tout en l’incarnant personnellement ?).

Approche biographique et histoire des sciences font-elles bon ménage ? En particulier, la biographie peut-elle contribuer à un projet de recherche portant sur l’histoire des institutions scientifiques et des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche ? Une certaine manière de concevoir l’histoire des sciences et des techniques a pu avoir pour effet de marginaliser l’approche biographique en mettant entre parenthèses l’homme de science en tant qu’acteur individuel. De plus, les biographies de savants opèrent très souvent une séparation problématique entre vie scientifique et vie personnelle, comme si ces deux dimensions pouvaient aisément être séparées ; en ce sens, elles ne résolvent qu’imparfaitement le problème de l’inscription de la pratique de la science dans la vie sociale et elles ne produisent que peu d’effets de connaissance sur la dimension sociale de la science elle-même.

L’organisation de ce colloque s’appuie sur l’hypothèse que ces limitations peuvent être dépassées et que l’approche biographique est porteuse de potentialités heuristiques. A travers une réflexion méthodologique s’appuyant sur des expériences variées du genre, nous aimerions déterminer dans quelle mesure, et suivant quelles modalités, cette approche offre la possibilité de rétablir la place réelle du savant dans l’enchevêtrement des logiques sociales, économiques, politiques, religieuses et scientifiques de son activité. Nous aimerions également savoir dans quelle mesure elle est susceptible d’offrir un cadre et / ou une perspective cohérente pour étudier l’évolution des savoirs et des institutions scientifiques. Nous souhaiterions enfin avoir des éclairages sur la manière dont approche prosopographique et approche biographique peuvent se compléter, la première permettant d’identifier dans une population donnée un certain nombre d’acteurs dont la biographie pourrait avoir une valeur ‘exemplaire’.

Ce colloque sera suivi en novembre 2009 d’un second portant spécifiquement sur les prosopographies.

Programme: 

 

Jeudi 27 novembre

 

Accueil et Séminaire

9H00

Accueil, café, viennoiseries, etc.

9H30

Séminaire. Présentation du programme de recherche ‘Histoire des institutions scientifiques et éducatives’ et discussion sur ses enjeux.

10H45

Pause 

Ouverture du colloque

11H00

Appréhender l’évolution des formations scientifiques et techniques par les acteurs engagés et ceux qui ne le sont pas… quand le structurel se niche dans les biographies (Anne Bidois Delalande) | Résumé |

11H20

Penser la chimie par les hommes (et femmes), histoire de dépasser le cloisonnement chimie-science et chimie-technique (Virginie Fonteneau) | Résumé |

11H40

Des observatoires sans astronomes ? Des astronomes sans observatoires ? Concilier histoire des institutions et parcours biographiques (Jérome Lamy) | Résumé |

12H00

Discussion générale

12H30

Pause repas

 

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L’approche biographique : mise en perspective

14H00

Le travail biographique à l’épreuve : entre usages non contrôlés et usages épistémologiquement mieux fondés. Quelques réflexions sur l’intérêt et les limites de l’approche biographique appliquée au « monde savant » (Joseph Romano) | Résumé |

15H00

Un débat situé sur l’entretien biographique : de la rue des Jonquilles à l’IUT de Longwy, au début des années 90 (Jean-Luc Deshayes) | Résumé |

16H00

Pause

16H15

La question de l’agency et la construction du self en histoire sociale des sciences (David Aubin) | Résumé |

 

17H15

Réflexions sur l’écriture biographique en histoire des sciences et des techniques : le cas de l’agronomie lorraine au XIXe siècle (Fabien Knittel) Résumé |

18H15

Discussion générale + Pause + Buffet à partir de 19 H (en salle J09)

 

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Vendredi 28 novembre

Ecrire une biographie

9H00

Un « savant » du siècle des Lumières : Étienne Bézout (1730-1783), mathématicien, académicien et enseignant (Liliane Alfonsi) | Résumé |

10H00

Regards croisés sur un mathématicien en politique, Paul Painlevé 1863-1833 (Claudine Fontanon) | Résumé |

11H00

Pause

11H15

L’entreprise biographique à l’épreuve ; écueils, défis, atouts du cas Borel (Hélène Gispert) | Résumé |

12h15

Pause repas

La biographie comme instrument de recherche

14H15

Trajectoire individuelle et rapport au collectif : de quoi Urbain Le Verrier est-il le nom ? (Fabien Locher) | Résumé |

15H15

L’histoire biographique des mathématiques : affaire d’échelles ou de contextes ? (Catherine Goldstein) | Résumé |

16H15

Discussion générale

 
Résumés: 

 

Un « savant » du siècle des Lumières : Étienne Bézout (1730-1783), mathématicien, académicien et enseignant.
Liliane Alfonsi, GHDSO, Université Paris sud 11


La reconstitution de la vie et de l’œuvre mathématique et didactique d’Étienne Bézout (1730-1783), a exigé un travail qui s’est déroulé de façon non linéaire et qui peut se décomposer en plusieurs parties :

  • Un dépouillement d’archives paroissiales, fiscales et notariales, pour reconstituer sa vie
  • Un va et vient dans le temps pour comprendre ses travaux mathématiques et les situer : travaux antérieurs aux siens, travaux actuels sur ses résultats.
  • Un travail analogue par rapport à l’enseignement des mathématiques pour comprendre et situer ses cours.
  • La lecture attentive et scrupuleuse, sur vingt-cinq années, des Procès verbaux des séances de l’Académie royale des sciences et des archives s’y afférant, puisque Bézout fut académicien de 1758 à sa mort.
  • Un dépouillement systématique, sur vingt-cinq années aussi, des archives de la Marine, de l’Artillerie et du Génie.

La vie de Bézout, mathématicien, académicien et enseignant au siècle des Lumières, s’inscrit donc au sein de la vie de l’Académie royale des sciences, qu’elle permet en même temps d’éclairer, de même qu’elle offre des éléments de compréhension déterminants sur l’histoire de l’enseignement dans les écoles militaires de l’Ancien régime, ainsi que sur l’histoire de la géométrie algébrique. Par ailleurs nous verrons comment le milieu de Bézout et la vie sociale qui en a découlée, ont influencé ses choix de recherches mathématiques.

C’est donc à travers un homme, Bézout, et sans sous-estimer ses caractéristiques personnelles, que nous éclairerons des pans de la vie de certaines institutions, de même qu’en revanche, c’est à travers les caractéristiques sociales et évènementielles de son siècle que nous comprendrons mieux sa pratique scientifique et, à travers elle, peut-être, celle de beaucoup d’autres « savants » du XVIIIe siècle.

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La question de l’agency et la construction du self en histoire sociale des sciences
David Aubin, Histoire des sciences mathématiques, Institut de mathématiques de Jussieu


Dans cette communication, j’examine la manière dont deux notions essentielles dans l’écriture biographique interviennent dans l’histoire sociale des sciences, essentiellement anglo-saxonne. L’agency (qu’on pourrait traduire par la capacité qu’a l’individu d’exercer une action de façon indépendante du contexte) et le self (le soi, ou mieux la conception de soi) sont en effet des concepts-clés dans la conception qu’on peut avoir du rôle de l’individu en histoire en général et en histoire des sciences en particulier.

En plus de présenter un bilan historiographique, je reprendrai certains éléments de la biographie de l’astrophysicien Jules Janssen afin d’éclairer l’importance de ces concepts dans l’appréhension du rôle de l’individu dans l’histoire sociale des sciences.

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Appréhender l’évolution des formations scientifiques et techniques par les acteurs engagés et ceux qui ne le sont pas… quand le structurel se niche dans les biographies 
Anne Bidois-Delalande, Groupe de Recherche Innovations et Sociétés (GRIS), Département de sociologie, Université de Rouen


L’analyse socio-historique des formations scientifiques et techniques supérieures à Rouen aux XIXe et début du XXe siècles souligne le rôle déterminant de certains acteurs, dans les projets et initiatives engagées. Ces derniers, savants reconnus, érudits locaux ou industriels éclairés, relèvent de réseaux et de collectifs différents, voire dans de configurations multiples suivant l’acception d’Elias.


Dans ce centre industriel, l’étude de leur trajectoire biographique apporte un double éclairage :

1. Leurs trajectoires ou carrières sont significatives pour saisir les enjeux propres aux formations techniques et scientifiques de leur époque. Le déroulement de la carrière professionnelle de ces acteurs, souligne, par exemple, les soutiens locaux et nationaux sur lesquels ils peuvent s’appuyer.


2. En outre, leurs discours et leurs pratiques permettent de saisir les représentations de ces différents acteurs en matière de liens entre formations initiales et carrières industrielles et commerciales, science et industrie, savoir théorique et applications.

L’étude de ces biographies met donc aussi au jour les enjeux particuliers qui traversent les établissements créés, enjeux politiques, disciplinaires mais aussi religieux. De ce point de vue, passer par la biographie, la carrière ou la trajectoire de ces acteurs c’est saisir l’ensemble des configurations dans lesquelles ils sont individuellement engagés sans faire fi du poids des structures et de leur évolution.

La communication vise à souligner l’intérêt d’une entrée par les acteurs pour saisir la complexité des enjeux qui traversent l’évolution des formations scientifiques et techniques à Rouen aux XIXe et début du XXe siècles. Elle interroge l’apport de l’approche biographique à l’analyse des institutions. D’un point de vue méthodologique, la réflexion porte essentiellement sur le repérage des acteurs considérés, sur les dimensions structurelle et/ou individuelle de leurs profils et sur les difficultés pour accéder au sens vécu, au sociosymbolique (D. Bertaux).

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Un débat situé sur l'entretien biographique : de la rue des Jonquilles à l'IUT de Longwy, au début des années 1990

Jean-Luc Deshayes, Université Nancy 2, 2L2S GREE

La communication réunit trois contributions à la réflexion sur l’entretien biographique situées dans un même espace social et temporel (le bassin sidérurgique de Longwy après les fermetures d’usines, au début des années 90).

Dans une recherche sur l’IUT Génie électrique de Longwy dans la période 1969-1989, j’ai réalisé, début 90, un entretien biographique avec Dominique, enfant de sidérurgiste, étudiant devenu enseignant de physique appliquée. Reliée à la construction d’indicateurs socialement et temporellement situés de fréquentation locale de l’IUT selon les fractions de classe des parents sidérurgistes, l’histoire de Dominique aide à lire cette institution dans un rôle de hiérarchisation des univers de socialisation.

La même période et le même lieu font l’objet d’un débat méthodologique entre Pierre Bourdieu qui expose, en 1993, son approche de l’entretien biographique dans « La misère du monde » à partir d’une rencontre avec des familles d’ouvriers sidérurgistes de la rue des Jonquilles et Gérard Noiriel (auteur de Immigrés et prolétaires, Longwy 1880-1980) qui dans son ouvrage « Penser avec, penser contre » analyse rétrospectivement cet entretien pour exprimer sa dette et sa distance à Pierre Bourdieu.

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Regards croisés sur un mathématicien en politique, Paul Painlevé (1863-1833)
Claudine Fontanon, EHESS, Centre Alexandre Koyré


Construire la biographie de Paul Painlevé c’est saisir l’enchevêtrement des différents parcours et des multiples identités du sujet : le mathématicien, le mécanicien, le militant, le leader politique, le parlementaire, l’homme d’État, le citoyen engagé dans la vie associative. Un travail qui, au regard de l’importance des fonds d’archives accessibles, ne peut se concevoir dans un délai raisonnable à l’échelle d’un seul chercheur.

Or, avec le renouveau historiographique de l’histoire des sciences et des techniques, de l’histoire politique, diplomatique et culturelle de la Troisième République, ont émergé différents travaux centrés sur Paul Painlevé. Ce fut l’occasion de solliciter huit auteurs dans l’idée de croiser les regards et les problématiques propres à chacune spécialité de l’histoire sur un même objet de recherche. L’ambition étant de resituer le personnage dans la complexité des évolutions de son époque, depuis l’Affaire Dreyfus où le mathématicien s’engage en 1898 jusqu’à la mobilisation scientifique de 1915-1918, du singulier voyage en Chine en 1920 jusqu’à la victoire du Cartel des gauches en 1924, enfin de la Société des Nations dans les années Vingt au ministère de l’Air en 1932. La question posée en préalable aux historiens associés au projet était : en quoi le fait d’être mathématicien a-t-il pu rejaillir sur le mode de pensée et la pratique de l’homme politique et du citoyen engagé? Inversement dans quelle mesure l’expérience du politique et de l’engagement public a-t-elle pu infléchir le parcours du scientifique ?


On se demandera si la méthodologie des regards croisés, déployée dans l’ouvrage collectif intitulé « Paul Painlevé. Un savant en politique », a été porteuse de savoirs sur la dimension politique (ou sociale) de la science et dans quelle mesure elle a permis de penser « comment [le sujet] a pu être traversé par le collectif tout en l’incarnant ? ».

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Penser la chimie par les hommes (et femmes), histoire de dépasser le cloisonnement chimie-science et chimie-technique
Virginie Fonteneau, GHDSO, Université Paris sud 11


L’écriture de l’histoire de la chimie – au moins en France - est double, on écrit l’histoire d’une chimie qui relèverait de l’histoire des sciences et d’une autre chimie qui relèverait de l’histoire des techniques. Si tous les historiens reconnaissent des origines multiples – oserais-je écrire complexes – de la chimie, dès lors que l’on a choisi son champ « technique » ou « science », deux méthodologies se mettent en œuvre pour construire deux types de récits qui parfois s’autorisent de petites incursions de l’autre côté du miroir mais sans jamais remettre profondément en cause cette dualité.

Ces récits convoquent, mettent en scène des acteurs de la chimie, acteurs majeurs de l’un et totalement absents de l’autre, acteurs de l’un et de l’autre mais parfois si partitionnés entre les deux que le lecteur curieux peut se poser la question d’un homonyme. Réduits à la chimie science ou à la chimie technique, disjoints, les chimistes acteurs semblent disputés par deux systèmes fermés où le critère de sélection repose sur l’actant dans un questionnement basé sur la causalité.

Passer du « pourquoi » au « en quoi » ou au « comment » nous éloigne de cette seule notion d’acteur pour revenir aux chimistes, hommes (et femmes). Comment travailler sur ces hommes (et femmes) qui font, travaillent dans, sont formés dans, influent sur, sont marqués par, etc., des institutions d’enseignement supérieur scientifiques et techniques ? Comment travailler sur ces hommes (et femmes) qui lisent, élaborent, pensent, pratiquent, etc., la chimie ?

Le défi est bien de construire une méthodologie ni exclusivement prosopographique, ni exclusivement biographique où il s’agit de distinguer et non de disjoindre, et d’associer sans identifier ou réduire, pour penser la chimie comme une histoire de ce qui est tissé ensemble (cf Edgar Morin, La complexité).

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L’entreprise biographique à l’épreuve ; écueils, défis, atouts du cas Borel
Hélène Gispert, GHDSO, Université Paris sud 11


Né avec la Troisième République, en 1871, et mort en 1956, Emile Borel fut tout à la fois mathématicien, intellectuel, homme politique. Et voici un premier écueil et un premier défi, tant à la lumière des historiographies existantes, le Borel de l’histoire des mathématiques, y compris l’histoire plus institutionnelle des mathématiques, est étranger au Borel de l’histoire politique.

Pour ce qui est de l’histoire des intellectuels, de l’histoire politique ou culturelle de la France, en particulier de l’entre-deux-guerres, Borel n’y a pas la présence de Langevin ou de Perrin, ses camarades normaliens. Il n’a pas été élevé au rang de symbole, de héros scientifique, d’archétype de l’intellectuel scientifique engagé, que ce soit pour son œuvre ou pour son action. La raison en est-elle dans sa discipline, il n’est pas physicien ; ou dans ses types d’engagements qui, sur le registre du politique, se déclinent tout à la fois suivant des valeurs universelles attachées à l’action pour la recherche, pour la science, pour la paix et la coopération intellectuelle, ou suivant des valeurs plus partisanes liées à des partis politiques de la nébuleuse radicale, ou des valeurs particulières liées à l’entretien des chaussées, l’électrification des communes ou l’aménagement d’un abattoir dans un canton du Rouergue.

Dans le domaine de l’histoire des mathématiques, l’œuvre de Borel a été le plus souvent présentée en deux grandes époques, l’avant-guerre - où on lui reconnaît une influence capitale dans le domaine de la théorie des fonctions - et les années vingt et trente où, marqué par la guerre, il aurait changé de domaine de recherche pour des mathématiques appliquées et, investi dans l’action politique, aurait désinvesti d’une certaine façon la recherche mathématique de premier rang. Cette périodisation, calquée sur l’histoire politique, peut être mise en cause par l’œuvre elle-même de Borel comme par ses déclarations. Mais la guerre a pourtant eu un rôle certain.

Autant de difficultés, de défis quant on s’attaque à la biographie de Borel dont la multiplicité des engagements dans les domaines de la vie mathématique, scientifique, politique et intellectuelle est aussi un des atouts de l’entreprise.

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L’histoire biographique des mathématiques : affaire d’échelles ou de contextes ?
Catherine Goldstein, Histoire des sciences mathématiques, Institut de mathématiques de Jussieu


Si la biographie d’une femme ou d’un homme de science a un intérêt propre, il semble moins évident d’en comprendre l’usage du point de vue de l’histoire même des mathématiques, c’est-à-dire de l’histoire des textes scientifiques, des théorèmes et des notions, au-delà de l’érudition. En m’appuyant sur quelques (bribes de) cas autour de la première guerre mondiale, je m’intéresserais à ce que peut apporter ce type d’analyse, tant sur la question des échelles d’observation que sur le problème de la mise en contexte.

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Réflexions sur l’écriture biographique en histoire des sciences et des techniques : le cas de l’agronomie lorraine au XIXe siècle
Fabien Knittel, INRA-SAD


L’agronome lorrain Mathieu de Dombasle (1777-1843) a développé au début du XIXe siècle une agronomie innovante dont l’invention de l’enseignement agricole n’est qu’un des aspects les plus importants. Or, pour comprendre ses démarches et ses buts nous avons choisi de croiser deux approches méthodologiques, ce qui s’est avéré fécond : d’une part la biographie, d’autre part la pluridisciplinarité associant histoire, agronomie et épistémologie pour la construction de notre problématique.

A partir de là nous développons cette approche et l’appliquons à d’autres cas comme, par exemple, celui du nancéien Louis Nicolas Grandeau (1834-1911), agronome majeur de la seconde moitié du XIXe siècle.

L’objet de nos réflexions est de montrer l’intérêt du genre biographique pour la compréhension des processus innovants participants à la structuration par phase d’une discipline scientifique en construction comme l’agronomie au XIXe siècle, pour laquelle l’exemple lorrain apporte un éclairage neuf permettant, en plus, des interrogations croisées avec l’agronomie actuelle dans le cadre d’une épistémologie historique renouvelée de cette discipline.

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Des observatoires sans astronomes ? Des astronomes sans observatoires ? Concilier histoire des institutions et parcours biographiques
Jérôme Lamy, LISST – UMR 5193 –Université Toulouse II / LATT – UMR 5272 – Observatoire Midi-Pyrénées


L’histoire des observatoires et des institutions s’est récemment enrichie d’une multitude d’études monographiques concernant le Bureau des Longitudes ainsi que les établissements astronomiques de Toulouse, de Bordeaux, de Paris, de Besançon et de Marseille. Ces recherches ont un commun de s’être confrontées à une question centrale pour la socio-histoire des sciences : comment concilier l’analyse des trajectoires individuelles et l’histoire d’institutions au fort pouvoir idiosyncrasique ?

Dans cette communication, nous nous appuierons sur les recherches menées récemment sur l’histoire des observatoires dans le cadre du projet ANR Nadirane pour pointer les écueils du biographique (i.e. l’individu comme clé d’explication, téléologie des parcours, illusion de l’exhaustivité), et les limites de l’histoire des institutions (i.e. structures absorbant les individus, réification des organigrammes). Nous proposerons en conclusion quelques pistes pour envisager une possible conciliation de deux démarches a priori antinomiques.

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Trajectoire individuelle et rapport au collectif : de quoi Urbain Le Verrier est-il le nom ?
Fabien Locher, Ecole des hautes études en sciences sociales


La figure de l’individu peut être comprise comme le produit de multiples processus d’interaction, s’exprimant au sein des différents collectifs au sein desquels il est amené à évoluer. Dans cette intervention, nous chercherons à voir en quoi les espaces sociaux que sont l’Observatoire de Paris, la faculté des sciences, les salons, la chambre des députés et le Sénat des années 1830-1870 dessinent les contours d’un phénomène historique singulier et changeant, nommé Urbain Le Verrier.

Il s’agira ainsi nous interroger sur la démarche biographique, et sur ce qu’elle peut saisir de l’unité mais aussi de l’éclatement des dimensions constitutives de l’individu, des légendes noires et dorées qu’il peut susciter, des auto-représentations qui guident ses actions et le font tenir ensemble.

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Le travail biographique à l’épreuve : entre usages non contrôlés et usages épistémologiquement mieux fondés. Quelques réflexions sur l’intérêt et les limites de l’approche biographique appliquée au « monde savant »
Joseph Romano, ELOHISE, Université Nancy 2


La réflexion qu’on souhaite soumettre au débat collectif se propose d’examiner quelques uns des problèmes soulevés par l’approche biographique et les critiques qui en ont été faites ; on voudrait toutefois contribuer à mettre en lumière l’intérêt du travail biographique et sa portée heuristique, a fortiori quand ce travail vise le « monde savant ».


Soucieux d’éviter le repli théorique déconnecté de la pratique de recherche, on partira d’un usage biographique semi-clandestin, en partie non contrôlé, tel qu’il se révèle dans une recherche antérieure que nous avons conduite (à propos de James Burnham). On engagera une tentative de bilan réflexif quant aux questions anciennes et actuelles mises en débat tant chez les sociologues que chez les historiens ; on tentera de mettre en évidence tant les points de recoupement que les divergences susceptibles de caractériser les approches promues par les deux disciplines.

On se proposera – sur cette base, très probablement partielle – de dégager quelques pistes et orientations de recherche afin d’alimenter la réflexion collective, en particulier en se demandant ce qui est susceptible de spécifier le travail biographique quand il se donne précisément pour objet des scientifiques ou des savants.

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Avec le soutien de la Région Lorraine, du Conseil scientifique et de l’UFR Connaissance de l’homme de l’Université Nancy 2.