Le débat épistémologique en Europe autour de 1900 : conventionnalisme et pragmatisme

En 1995 a été constitué, à Strasbourg, sous le nom d’Académie Helmholtz, avec le soutien du Professeur Pierre Karli (membre de l’Académie des Sciences, ancien Président de l’Université Louis Pasteur), un groupe de travail international constitué de chercheurs en philosophie, histoire de la physique, histoire de la psychophysiologie et de la psychologie, qui a bénéficié alors de l’accueil du laboratoire dirigé par le Professeur Claude Debru (Ecole Normale Supérieure), à cette époque enseignant à l’Université Louis Pasteur. Ce groupe s’est assigné pour but de réfléchir aux fondements philosophiques des sciences empiriques dans les domaines mentionnés ci-dessus. Après cinq années consacrées à divers auteurs de langue allemande (Helmholtz, Mach, Fechner, etc.), l’Académie Helmholtz a entamé en 2001 un travail de longue haleine sur le pragmatisme et le conventionnalisme, dans une perspective comparative entre auteurs (Peirce, James, Dewey, Putnam, Poincaré, Vaihinger, Heisenberg, Vailati, etc.) et traditions philosophiques nationales diverses (Etats-Unis, France, Allemagne, Italie). Par ailleurs, ce projet de recherche a été intégré dans le Programme International de Coopération Scientifique (PICS n° 2426) « Systèmes de connaissances et pratiques scientifiques en Allemagne, France et Italie, à partir de 1850. Histoire, Philosophie, traditions de recherche », co-organisé par les Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Nancy Université), le Centre d’Epistémologie et d’Ergologie comparative (UMR 6059 CNRS / Université d’Aix-Marseille I) et la Chaire de Michael Heidelberger à l’Université de Tübingen. Le colloque sur « Le débat épistémologique en Europe autour de 1900 » a pour but de présenter les résultats de ce travail de recherche, et de l’axe correspondant du PICS, en élargissant le groupe de travail habituel à des chercheurs invités, reconnus pour leur compétence en la matière. Il doit permettre une synthèse de nos travaux et une confrontation de ceux-ci avec des approches différentes. Il s’agit ici d’enrichir la compréhension de traditions épistémologiques diverses (française, allemande, italienne, américaine) à travers un dialogue sur leur développement historique commun, de questionner et de spécifier les origines contemporaines des interprétations rétrospectives, et d’évaluer le cas échéant leur pertinence dans les développements philosophiques contemporains. Notre objectif n’est pas uniquement historique, bien que l’histoire en soit l’étape préliminaire. Il faut retrouver dans l’enchevêtrement des thèmes importants (ontologie, langage, méthodes) les formes de la solidarité profonde de la pensée scientifique et de la pensée philosophique, même si celle-ci est le fait des savants. Ces réflexions nous conduisent aux questions suivantes : peut-on vraiment parler de traditions nationales en épistémologie et dans les pratiques de la science ou doit-on plutôt parler de formations d’écoles de pensée nécessitant une nouvelle cartographie d’influence et de diffusion ? Comment étudier d’une manière comparative la réception de certaines idées ou théories provenant de l’intérieur ou de l’extérieur des cercles nationaux analysés ? Dans quelle mesure l’organisation des disciplines influence-t-elle les questionnements philosophiques et historiques et comment ceux-ci déterminent-ils l’évolution des frontières disciplinaires ? En outre, comment les pratiques scientifiques sont-elles elles-mêmes influencées par un contexte particulier et comment les nouvelles conceptions sont-elles ensuite intégrées dans les écoles de pensées ? Les cas du conventionnalisme et du pragmatisme, sur lesquels nous proposons ici de focaliser la discussion, sont en quelque sorte paradigmatiques, dans la mesure où ils ont formulés et/ou défendus dans des versions parfois très différentes, par des philosophes qui étaient en même temps préoccupés de questions scientifiques, ou de scientifiques s’intéressant aux fondements et à la méthode de leur discipline.