'évaluation comparative des théories scientifiques constitue une tâche centrale pour les scientifiques en activité. Au cours du 20ème siècle, elle est devenue un problème d'importance croissante pour les philosophes des sciences. Les enjeux sont, d'un point de vue épistémologique, cruciaux. Ils articulent trois questions liées :
- Celle du progrès scientifique : peut-on dire – certains le nient – que la connaissance progresse, et si oui en quel sens exactement ?
- Celle du réalisme scientifique : peut-on considérer que les théories scientifiques nous indiquent toujours plus et mieux ce qu'est la réalité indépendante qu'elles étudient ?
- Et celle du relativisme : reconnaître que toute connaissance est inévitablement tributaire de certaines conditions – attributs psycho-physiologiques du sujet de la connaissance, schèmes conceptuels, caractéristiques d'un groupe social, facteurs historiques potentiellement variables… – oblige-t-il à dénier toute valeur aux théories humaines et en particulier aux sciences ? Implique-t-il que nous n'ayons en toute rigueur aucun moyen de montrer que les sciences sont de meilleures connaissances que les mythes ou que certaines théories scientifiques sont supérieures à d'autres ?
L'importance croissante, et le caractère polémique, du problème de l'évaluation comparative des théories scientifiques dans la philosophie des sciences contemporaine, se sont développés sous l'impulsion d'au moins deux circonstances.
Tout d'abord, le 20ème siècle a vu l'avènement de théories scientifiques nouvelles présentant des caractéristiques inattendues qui sont apparues en rupture ontologique et méthodologique avec les théories antérieures. Ce fut notamment le cas en physique, avec la relativité et surtout la physique quantique. En a résulté un enrichissement considérable de la gamme des configurations théoriques et inter-théoriques offertes à la réflexion de tous ceux qui s'intéressent à la science.
Corrélativement, la philosophie des sciences – comme les autres domaines de la pensée contemporaine, mais avec la particularité d'être quant à elle spécifiquement infléchie par les faits de l'histoire des sciences récente – a vu se développer des thèses hautement relativistes. La prétention réaliste, et même l'affirmation moins forte d'un progrès de la connaissance scientifique, ont semblé remises en cause par la variation des contenus théoriques successivement retenus dans l'histoire des sciences (ruptures descriptives, incommensurabilité des contenus). Et la rationalité des choix scientifiques est apparue menacée, voire récusée, par la variation des normes de scientificité (ruptures méthodologiques, incommensurabilité des normes de la recherche).
Différentes stratégies non fondationnalistes ont été développées pour tenter de s'opposer au spectre des thèses sceptiques correspondantes : approches naturalistes, formes révisées de transcendantalisme, nouvel expérimentalisme… Nombre d'entre elles se sont employées à élaborer des variétés subtiles de réalisme. L'ampleur des ruptures manifestées dans l'histoire des sciences est elle-même devenue objet de discussion. Certains auteurs ont argué dans cette veine que la fascination pour les changements, certes réels, de certains épisodes particuliers, avait indûment occulté les stabilités pourtant remarquables de l'histoire de la physique considérée sur la longue durée. Ils ont alors cherché à s'appuyer sur la caractérisation de ces stabilités pour comprendre le progrès scientifique.
Les polémiques autour de ces questions restent vives aujourd'hui. Le défi majeur est de parvenir à dépasser l'alternative, qui est manifestement une impasse : soit 'fondement absolu des sciences', soit 'relativisme extrême'.
Le colloque vise (a) une analyse fine des types de difficultés susceptibles de survenir dans la comparaison des théories scientifiques ; et (b) une discussion des conséquences de ces difficultés pour les questions du progrès scientifique, de la rationalité scientifique, et du réalisme.
Il se focalisera essentiellement sur le cas de la physique, avec le souci d'articuler études d'histoire de la physique et analyses philosophiques conceptuelles.
Exemple de problèmes partiels fondamentaux constitutifs de la thématique :
1. Quels types de possible « commune mesure » entre théories rivales ? (types de commensurabilité/incommensurabilité)
Pour limiter les confusions et malentendus qui grèvent trop souvent les discussions touchant à l'incommensurabilité, une typologie des espèces de relations et de similarités/différences susceptibles d'exister entre théories physiques rivales est souhaitable. S'agissant des cas paradigmatiques de théories rivales incommensurables, est-on autorisé à conclure que ces théories, ou des fragments de ces théories, sont 'traduisibles', au sens le plus large du terme, les unes dans les autres ? Peut-on exhiber certains invariants, ou au moins instaurer certaines mises en correspondance, entre les énoncés de chacune d'elles ? Si oui, de quelle nature est la 'traduction' mise en jeu ? Equivalence en signification ? Identité desréférences ? Similitude de certains problèmes et certaines normes de solution ? Approximation formelle (mathématique), ou approximation conceptuelle en un sens à spécifier ? Ancrage dans certains 'mêmes phénomènes', lien à certaines mêmes procédures de mesures ou à certaines mêmes actions exercées sur des choses matérielles ?
2. Caractériser le problème en termes de variation des significations et des références ? (Incommensurabilité/commensurabilité sémantique ou 'des contenus théoriques')
De nombreux auteurs ont caractérisé l'incommensurabilité/commensurabilité des contenus à partir des variations/invariances de la signification et de la référence d'items linguistiques théoriques et observationnels corrélés mobilisés par l'une et par l'autre des deux théories à comparer. Dans une tel cadre, surviennent des questions du type suivant. Quel type de théorie linguistique est la plus adéquate pour saisir les transformations mises en jeu (descriptivisme contextuel/théories causales de la référence ; holisme local/global…) ? Qu'en est-il de la nature et du degré de dépendance de la référence par rapport à la signification ? Comment prendre en compte l'indétermination des jugements de mêmeté/différence des significations et des références ?
Quelles sont les conséquences pour le problème de la continuité ontologique entre paradigmes ? Quelles implications pour la théorie traditionnelle de la réduction et l'idée associée d'un progrès cumulatif par approximations successives ? Peut-on admettre des incommensurabilités conceptuelles sur fond de réductions formelles ? Peut-on conclure qu'en dépit de l'incommensurabilité des énoncés théoriques, subsiste une commensurabilité des langages observationnels ?
3. Variations/stabilités des normes de la recherche scientifique ? (Incommensurabilité/commensurabilité méthodologique, ou des normes)
L'affirmation que les normes de la recherche scientifique varie est apparue menacer gravement la rationalité des choix théoriques. En effet, si les buts de la science, et corrélativement les moyens supposés permettre d'atteindre ces buts (ce qui fait figure de preuve), varient fondamentalement dans le temps et l'espace, le relativisme semble inéluctable : comme il faut des normes pour justifier les normes, nous sommes dans l'impossibilité de trouver un fondement méthodologique ultime qui garantisse le bien-fondé de nos jugements comparatifs.
Diverses stratégies ont été développées pour contrer ce type d'argument sceptique, la plus répandue correspondant à la posture naturaliste. Une vue d'ensemble critique de ces stratégies serait aujourd'hui souhaitable. Les questions qui surviennent dans un tel contexte mettent en jeu les dimensions à la fois descriptives et normatives des changements méthodologiques. Par ex., quels changements ou quels invariants méthodologiques manifeste effectivement l'histoire de la physique ? Quelle relation existe-t-il entre les changements qui surviennent au niveau théorique et les changements qui surviennent au niveau des normes de la recherche ? Y a-t-il des meta-principes qui gouvernent ou devraient gouverner la variation des normes scientifiques (modèles régissant l'évolution des normes) ? Quelles sont les conséquences, pour la rationalité scientifique et le progrès, de la variation des normes méthodologiques constatée dans l'histoire de la physique ?
4. Comparer le pouvoir prédictif des théories scientifiques en compétition ?
Un certain nombre d'auteurs, estimant qu'est aujourd'hui fragilisée, voire intenable, la thèse d'un progrès scientifique identifié à une succession de descriptions toujours plus fidèles du monde physique, ou désireux d'affirmer le progrès scientifique tout en rejetant le réalisme, s'emploient à montrer que le non réalisme n'implique pas le relativisme, dans la mesure où peut être au moins soutenu un progrès en un sens plus faible : au sens où l'homme dispose effectivement d'outils prédictifs de plus en plus puissants.
Dans cette perspective, le problème devient celui de la nature et de la force des arguments dont disposent les scientifiques pour trancher les évaluations de supériorité prédictive. Ce problème est bien sûr lié à celui des normes scientifiques. Si personne ne conteste aujourd'hui que l'on n'a pas affaire à des arguments aussi contraignants qu'est supposée l'être une preuve mathématique, car il s'agit d'effectuer un bilan à partir de prémisses éventuellement divergentes et en accordant un poids éventuellement différent aux divers arguments disponibles, reste à avancer dans la polémique entre ceux qui estiment que les débats scientifiques sont néanmoins rationnels en un sens spécifiable suffisamment digne, et ceux qui réduisent ces débats à des rapports de force et des techniques apparentées à celles de la propagande.
5. Dissoudre les problèmes traditionnels de la comparaison théorique, en se focalisant sur le niveau expérimental ?
Ceux que l'on nomme parfois les « nouveaux expérimentalistes » ont soutenu que de nombreux problèmes philosophiques, tels que l'incommensurabilité sémantique et ses conséquences indésirables supposées pour le progrès et le réalisme, naissent de l'occultation, par les philosophes des sciences, du niveau des opérations pratiques caractéristiques des sciences expérimentales, et s'évanouissent si l'on se déplace, du plan des théories, des langages et des idées, à celui des choses matérielles et des manipulations concrètes.
En rapport avec le thème du présent colloque, les travaux des nouveaux expérimentalistes soulèvent des questions du type suivant. Quelle est la fonction exacte, et l'importance, des théories de haut niveau, et de la compétition entre elles, dans la recherche scientifique ? Quelles nouvelles formes de réalisme peut-on développer (réalisme « des entités », réalisme « pragmatique » …) quand la dimension matérielle et les actions sont mises au premier plan au détriment des représentations théoriques ? Est-ce que l'incommensurabilité dite « littérale » parfois mobilisée par ces conceptions, cad l'idée de théories rapportées à des classes disjointes d'instruments et de résultats de mesure (théories en ce sens littéralementsans communes mesures), dissout complètement l'incommensurabilité et dispense de s'affronter aux difficultés épistémologiques qui lui sont traditionnellement associées ?
6. Reconsidérer le problème de la sous-détermination des théories par l'expérience (problème dit « de Duhem-Quine »)
La sous-détermination des théories par l'expérience, en dirigeant l'attention vers les aspects conventionnels et contingents de la science, est devenue dans la philosophie contemporaine un argument majeur contre les prétentions de la science à être une description vraie ou fournir l'unique description adéquate possible.
en principe, mais diverses stratégies ont été développées pour en limiter les conséquences en pratique. Il a en particulier été proposé récemment, d'une part une extension de la thèse (élargissant les types de facteurs à ajuster mutuellement dans chaque état de la recherche, et intégrant notamment les aspects matériels des pratiques expérimentales), et d'autre part l'idée que la tâche philosophique intéressante était, non pas essentiellement de se focaliser sur une indétermination de principe presque toujours impalpable en pratique, mais bien plutôt d'expliquer l'impression de forte détermination qui est ordinairement celle des praticiens des sciences.
Conférenciers invités (Cliquez ici pour accéder aux résumés)
- Aristides Baltas (Department of Applied Mathematical and Physical Sciences, National Technical University. Athens, Greece)
- Anouk Barberousse (CNRS, Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques. Paris, France)
- Alexander Bird (University of Bristol, Department of Philosophy. Bristol, GB)
- Martin Carrier (University of Bielefeld, Department of Philosophy, Institute for Science and Technology Studies, Center for Interdisciplinary Studies. Bielefeld, Germany)
- Bernard D'Espagnat (Ancien Professeur honoraire de physique à l'Université d'Orsay, Membre de l'Institut. Paris, France)
- Rom Harré (Emeritus Fellow of Linacre College, Oxford, GB; Georgetown University and American University in Washington DC)
- Stephan Hartmann (Department of Philosophy, Logic and Scientific Method, London School of Economics and Political Science. London, GB)
- Thomas Nickles (University of Nevada, Department of Philosophy. Reno, USA)
- Robert Nola (University of Auckland, Department of Philosophy. Auckland, New Zealand)
- Andrew Pickering (University of Illinois, Department of Sociology, Urbana Champaign, Illinois, USA)
- Léna Soler (IUFM de Lorraine, Archives Henri Poincaré, IHPST. Nancy, France)
- Friedrich Steinle (University of Stuttgart / Max Planck Institute for the History of Science, Berlin. Berlin, Germany)
- Paul Teller (San Francisco, USA)
- Hervé Zwirn (CNRS, CMLA de l'ENS Cachan, membre associé de l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techiques. Paris, France)
Commentateurs invités
- Michel Bitbol (Directeur de Recherches au CNRS, membre du CREA, membre associé de l'IHPST. Paris, France)
- Stephen Clarke (Charles Sturt University. Canberra, Australia)
- Ronald Giere (University of Minnesota. Minneapolis, USA)
- Paul Hoyningen-Huene (Professor at the University of Hanover, Director of the Center for Philosophy and Ethics of Science. Hanover, Germany)
- Edward Jurkowitz (University of Illinois. Chicago, USA)
- Igor Ly (Doctorant à l'Université Nancy 2 sous la direction de Gerhard Heinzmann, Membre des Archives Henri Poincaré. Paris, France)
- Soazig Le Bihan (Doctorante à l'Université Nancy 2 sous la direction de Gerhard Heinzmann [en cotutelle avec Martin Carrier de l'Université de Bielefeld], Membre des Archives Henri Poincaré. Nancy, France)
- Roger Pouivet (Professeur à l'Université Nancy 2, Directeur du Département de Philosophie, Membre des Archives Henri Poincaré. Nancy, France)
- Laurent Rollet (Maître de conférences à l'INPL/Université Nancy 1, Membre des Archives Henri Poincaré. Nancy, France)
- Jean-Michel Salanskis (Professeur à l'Université Paris X Nanterre, Directeur du Département de Philosophie. Paris, France)
- Howard Sankey (Associate Professor at the University of Melbourne. Melbourne, Australia)
- Emiliano Trizio (Doctorant à l'Université Paris X Nanterre sous la direction de Didier Frank [en cotutelle avec l'Université de Venise Ca' Foscari et le Professeur Mario Ruggenini]. Paris, France)
- Scott Walter (Maître de conférences à l'Université Nancy 2, Membre des Archives Henri Poincaré. Nancy, France)
- Marcel Weber (Privatdozent at the University of Hanover, Member of the Center for Philosophy and Ethics of Science. Hanover, Germany)
Aristides Baltas (Athens)
Commentator / Commentateur : Jean-Michel Salanskis (Paris)
Title / Titre : What can Wittgenstein contribute to the understanding of scientific theory change?
Abstract / Résumé : Wittgenstein's views at both ends of his thought (the early of the Tractatus and the late of his On Certainty) can offer some important light of what is really at issue at the semantic level of radical theory change. It will be argued that, at least in some telling cases in the history of physics, the phenomenon of meaning incommensurability is indeed present (and perhaps unavoidable if the change is radical enough), but this does not lead to relativism or total communication breakdown while the notion of progress, if properly clarified, can be 'saved'.
Anouk Barberousse (Paris)
Commentator / Commentateur : Igor Ly (Paris)
Title / Titre : D'une variante à l'autre. Le changement intra-théorique
Abstract / Résumé : Lorsque l'on cherche à caractériser une théorie scientifique, en particulier celles du passé, on se heurte à l'obstacle suivant : quelle version en choisir ? Une théorie scientifique est en effet un objet éminemment diachronique et évolutif, même si elle conserve une certaine unité qui fait qu'elle peut légitimement garder le même nom au cours des décennies, voire des siècles. La communication tentera de répondre à la question suivante : comment appréhender les changements intra-théoriques ? On les a parfois considérés comme des approfondissements successifs, ou comme des élargissements à des domaines plus vastes ; mais ces descriptions valent également pour certains cas de changement inter-théorique. Quelle est dès lors la différence entre changement intra-théorique et changement inter-théorique ?
Alexander Bird (Bristol)
Commentator / Commentateur : Paul Hoyningen-Huene (Hanover)
Title / Titre : A Naturalistic Understanding of Incommensurability and World-Change
Abstract / Résumé : In this paper I propose a way of understanding Kuhn's earlier discussion of incommensurability and world-change that emphasizes and draws upon Kuhn's extensive use of psychological evidence. Kuhn argued that the way we literally see the world (our perceptual experience of the world) can be altered by a shift in paradigms. He believed that this idea could be extended to a more general or metaphorical way in which the way we 'see' the world changes when a paradigm changes. This thought is an important part of Kuhn's earlier understanding incommensurability and world-change. But the idea was never articulated in detail in a way that satisfied critics and Kuhn moved away from a psychological conception of incommensurability to a linguistic, philosophical conception; he also dropped talk of world-change. I aim to show that the earlier approach was on the right lines and that a satisfactory, detailed psychological (and so naturalistic) account of incommensurability and world-change can indeed be found.
Martin Carrier (Bielefeld)
Commentator / Commentateur : Michel Bitbol (Paris)
Title / Titre : The Aim and Structure of Methodological Theory
Abstract / Résumé: One of the challenges Kuhn's work poses to philosophy of science concerns the insight that theory-choice and, accordingly, theory-change is governed by a more complex and subtle procedure than anticipated. In particular, this procedure is claimed to inevitably and justifiedly leave room for individual preferences so that theory-choice fails to be determined unambiguously by criteria with epistemic bearing. This methodological uncertainty is now frequently labeled as Kuhn-underdetermination. Unlike Duhem-Quine underdetermination, it does not require empirical equivalence but rather refers to a situation in which alternative theories have their strengths and faults in different areas and in different respects so that no clear overall picture emerges.
Overarching methodological theories can be construed as attempts to overcome the limits set by Kuhn underdetermination. In this perspective, theories like Lakatosianism and Bayesianism provide rules for epistemic judgments that are intended to make a clear evaluation of the credentials of rivaling scientific theories possible. Among other things, Lakatosianism features the prediction of novel facts, Bayesianiam places emphasis on the increase in the likelihood of the data through the adoption of a hypothesis. The two methodological theories are supposed to serve as guidelines for methodological judgment or at least to explain with hindsight why a particular theory was picked. However, on closer scrutiny the two methodological theories founder in this task of accounting for theory choice decisions. The criteria of excellence they specify are liable to uncertainties of the same sort as the more traditional virtues they are intended to replace. Lakatosianism suffers from an arbitrariness of delineating research programmes and their scopes. The methodological reconstruction is strongly underdetermined by the historical evidence. Bayesianism comes to grief because of the arbitrariness of imputing numerical values to all conditional probabilities needed in order to arrive at hypothesis probabilities.
An alternative picture is that methodological theories suggest general maxims and rules that guide the confirmation process rather than provide criteria for specific theory-choice decisions. Methodological theories serve to connect and unify such maxims and rules. Traditionally, lists of methodological virtues are drawn up ad hoc. One could easily add further criteria or delete others. By contrast, methodological theories provide a coherent approach to appreciating scientific theories and comparing their explanatory achievements. And they give a rationale for why these rules rather than others deserve to be preferred. For instance, Lakatosianism places theoretical progress and the growth of knowledge at center stage. This general commitment ramifies into emphasizing the guidance of theory development by heuristic directives and the prediction of formerly unknown phenomena. Analogously, Bayesianism is led by its commitment to Bayes' theorem to stressing virtues to the effect that a good hypothesis should be plausible in light of the background knowledge and show that the data could have been expected beforehand. Methodological theories serve to give a unified account of such rules.
Bernard D'Espagnat (Paris)
Commentator / Commentateur : Marcel Weber (Hanover)
Title / Titre : Conflicting theories or mere interpretation problems? / Conflits de théories ou problème d'interprétation ?
Résumé : Le langage objectiviste est incompatible avec les données quantiques. Il l'est, même dans une épistémologie critique (" antiréaliste ") définissant la vérité à partir de la possibilité de connaissance, sauf à admettre que la prise de connaissance peut créer une propriété et le peut, même à distance. Ceci invite à interpréter la science comme une activité centrée moins sur la description des phénomènes que sur la prévision d'observations. Et, de ce fait, nombre de conflits entre théories scientifiques apparaissent comme n¹étant que des problèmes philosophiquement mal posés.
Abstract: In science statements are either descriptive or predictive of observation. Now it turns out that quantum physics is expressible in terms of the latter but not in terms of the former. Moreover this holds true, even within a "critical", or "antirealist", epistemology (linking truth with "what we can know"), unless we are prepared to admit that getting informed of a property may create it, and may do so even at a distance. If we don't grant that much, we have to interpret physical theories as being essentially predictive of observation. And many of the criticisms epistemologists directed to science may then be shown to just vanish.
Rom Harré (Oxford).
Commentator / Commentateur : Roger Pouivet (Nancy)
Title / Titre : Undetermination is a positivist myth
Abstract / Résumé : Returning to the source of this idea, Clavius preface to his astronomical work, and the writings of N. R. Campbell, we find that the set of possible theories compatible with empirical data is restricted by the natural kind contraints incorporated in the source or sources of the models (iconic) which a theory describes. The belief that theories are selected by reference to predictive/retrodictive success is a consequence of a logicist view of theory construction.
Stephan Hartmann (London).
Commentator / Commentateur : Edward Jurkowitz (Chicago)
Title / Titre : Modeling High-Temperature Superconductors: Correspondence at Bay?
Abstract / Résumé : There are many ways in which scientific theories relate to their predecessors. By examining cases from science, historical and recent, I show that various elements from a predecessor theory may be taken over (such as the vocabulary, operative descriptions, laws, models and mathematical structures) and integrated into a new theoretical scheme. Scientists seem to use a predecessor theory (and maybe other theories as well) like a 'toolbox' that can be employed to construct a new theory. But how much of the predecessor theory is taken over? And in exactly what relation does it stand to its successor? One type of answer to these questions is given by the various correspondence principles offered in the literature. Most ambitiously, Heinz Post's General Correspondence Principle states a formal condition for the relation between anypredecessor theory and its successor. Post also claims that correspondence considerations are heuristically important. I will examine this claim by looking at a case study from contemporary physics. So far, there is no consensus in the relevant scientific community as to what a theory of high-temperature superconductivity should look like; two opposite strategies are followed. The conservative strategy is to retain as much of the structure of the well confirmed theory of ordinary superconductors ("BCS theory") as possible. The revolutionary strategy contends that a radical break with the predecessor theory is unavoidable. In this case, it does not even make sense to call the BCS theory a predecessor theory. The debate between the advocates of both camps has been carried out in major physics journals and, perhaps surprisingly, philosophical argumentation has not been a stranger to it. While reconstructing this debate I will show that the motives that led physicists to follow a certain methodological strategy were subtle and sensitive to the details of the scientific problem in question. Universal methodological principles, such as the General Correspondence Principle, may turn out to be useful only if they are carefully adapted to particular scientific situations.
Thomas Nickles (Reno)
Commentator / Commentateur : Emiliano Trizio (Paris)
Title / Titre : Disruptive Scientific Change
Abstract / Résumé : For Thomas Kuhn, incommensurability arises within a field when a new paradigm, after a revolutionary struggle, succeeds in vanquishing the old one. It also arises on a smaller scale (or threatens to arise) whenever an unexpected discovery is made within normal science, for such a development raises a recognition problem of whether it is even a contribution to that field. Although Kuhn does allow paradigm change within subspecialties containing only a few dozen practitioners, his conception of fields is pre-World War II. He does not take fully into account the emergence of new specialties and cross-disciplinary combinations. That may be one reason why he misses another, possibly more radical form of incommensurability or rupture, namely, those cases that stem from apparently extraneous and irrelevant or inappropriate developments that eventually disrupt and displace an established field and its practices. This sort of case is suggested by recent work (by Clayton Christensen) on disruptive technologies in the business world as well as by some of Kuhn s own early historical work.
Most treatments of incommensurability are either theory-centered (focusing on the logic, meaning, and reference of theories) or else methodological (focusing on incompatible goals and differing value commitments), with an epistemic emphasis. By contrast, my focus will be pragmatic and heuristic, i.e., practice-centered and future-oriented. The disruptive model is worth considering as a kind of discontinuity that presents severe recognition or intelligibility problems for specialists, whether or not it is usefully classified as a kind of incommensurability. After presenting the model, I shall briefly consider some historical cases for discussion from the disruptive point of view.
Robert Nola (Auckland)
Commentator / Commentateur : Stephen Clarke (Canberra)
Title / Titre : The Optimistic Meta-Induction and Ontological Continuity: The Case of the Electron
Abstract / Résumé : The pessimistic meta-induction attempts to make a case for the lack of ontological continuity with theory change. In contrast, the optimistic meta-induction makes a case for the high frequency of ontological continuity with successive theory changes. However both arguments must presuppose some account of how the theoretical terms of scientific theories relate to reality before issues of ontological (dis)continuity can be settled. The task of this paper is to set out an account of reference fixing that enables referential, and thus ontological, continuity with theory change. The account employs a version of Russell's theory of descriptions, but modified to allow for reference to kinds rather than individuals. It is also modified to allow for reference to items that do not fully satisfy the descriptions employed, and to allow for multiple reference or referential ambiguity. It is also argued that Russell's theory of descriptions, so understood, is a special case of Ramsey's theory of how to define theoretical terms, with Ramsey's theory understood in the way developed by David Lewis. With this background, a case for ontological continuity can be made that can be widely applied in a number of historical cases.
The case study examined here is that of the electron. It begins with an outline of the first experimental identification of cathode rays by Plücker and Hittorf by means of properties wholly extrinsic to cathode rays, using a Russellian reference-fixer. The stage is then set for obtaining new knowledge about the kind so identified, for introducing names for the kind (e.g., Goldstein's 'Kathodenstrahlen') and for proposing rival theories of the kind such as the aether and particle theories. The rival theories may provide rival concepts of cathode rays, but they are still concepts of the same "something" picked out, in a theory independent manner by the Russellian description.
For our purposes the next salient stage in the history of cathode rays concerns how, through the work of many experimentalists up to J. J. Thomson, the "somethings" parochially identified only in cathode tubes were then claimed to be constituents of all matter. It is argued that the new reference fixer that picks out these universal constituents still refers to the same kind of "something" identified in cathode tubes. However the term 'corpuscle' that Thomson introduced to refer to them depends on a theory-laden reference fixer that in fact picks out nothing. Thomson resisted using the term 'electron' to refer to these "somethings" well into the 1900s. The term 'electron' was introduced to refer to a "vortex atom" in an aether field. But eventually it was used to refer to the ubiquitous "somethings" that Thomson identified, but without the implication that it was an aetherial item or the same as Thomson's own corpuscle. Finally, the paper makes a link to the work of others that makes a case for subsequent continuity in our talk of electrons in the Lagrangian equation for electrons. Once again the theory of reference fixing developed above shows how this is possible without providing support for the pessimistic meta-induction.
Andrew Pickering (Urbana Champaign, Illinois)
Title / Titre : 'Machinic and 'performative' incommensurabilities
Léna Soler (Nancy)
Commentator / Commentateur : Howard Sankey (Melbourne)
Title / Titre : A new kind of incommensurability between scientific theories? / Une nouvelle espèce d'incommensurabilité entre théories scientifiques ?
Abstract: The paper will focus on the idea, introduced in the last decades, of "literal incommensurability" (I. Hacking) or "machinic incommensurability" (A. Pickering). Reconsidering the relations between theories and experimental actions in the light of the works of the 'new experimentalists', I will distinguish and discuss two modalities of 'literal incommensurability', and will argue that literal incommensurability, although naming a potentially interesting problem, does not dissolve the traditional problem of incommensurability.
Résumé : L'intervention examinera l'idée, introduite dans les dernières décades, d'incommensurabilité " littérale " (I. Hacking) ou " machinique " (A. Pickering). Elle interrogera, à la lumière des travaux des 'nouveaux expérimentalistes', les rapports entre théories et actions expérimentales. Elle distinguera et discutera deux modalités d'incommensurabilité littérale, et elle arguera que l'incommensurabilité littérale, tout en désignant un problème épistémologique potentiellement intéressant, ne dissout toutefois pas le problème traditionnel de l'incommensurabilité.
Friedrich Steinle (Stuttgart)
Commentator / Commentateur : Scott Walter (Nancy)
Title / Titre : Forming Incommensurable Frameworks: the Case of Electrodynamics
Abstract / Résumé : Competing scientific theories may differ from each other in a wide range of aspects, such as differences in focus, or different, but translatable assumptions about microscopic entities, or even fundamentally different conceptual frameworks. In my talk, I shall focus on situations in which constellations of the latter type (often called "incommensurabilities") may come about. The case of 19th ct. electrodynamics is illustrative, in which two theoretical systems - action-at-a-distance theory and field theory - coexisted for several decades. Though they dealt largely with similar empirical effects, the two systems differed drastically in their mathematical toolbox and, most important, in the basic concepts by which they were formulated. Moreover, it is striking to see that at the origin of the dichotomy, the two main actors - Ampère and Faraday - started out from the same electromagnetic experiments in the 1820s, and introduced, in the context of intense experimental work, new but essentially different concepts. The incommensurability was created step by step. To understand this peculiar development, one has to ask questions about the specific uses of these concepts, about the reasons for their introduction, and about the actors' epistemic goals in their experimental activities. Going far beyond the specific historical case, these questions open new perspectives on the relation between experiment, concept formation, and the origin of incompatibilities.
Paul Teller (San Francisco)
Commentator / Commentateur : Ronald Giere (Minneapolis)
Title / Titre : Of Course Idealizations are Incommensurable!
Abstract / Résumé : The conference call cites a number of problems circling around the idea of Kuhnian incommensurability: Scientific rationality, realism, relativism, underdetermination, stability of reference, variable methodological norms. All these problems are real, but I suggest, their apparent intractability is an artifact of thinking of science as being in the business of finding comprehensive, exact truths. Instead, think of science, along with Cartwright and Giere, as being in the business of systematic development of idealized models, always limited in scope and never completely accurate. Bear clearly in mind that what model is appropriate depends sensitively on interests and other contextual features, and that evaluation always needs to be relativized to the limits of human capacities. Now reconsider the issue of incommensurability and its associated problems, thinking in terms of the simple example of alternative idealized accounts of water in terms of continuum hydrodynamics and particle statistical mechanics. Treatment of theory pairs such as classical and quantum mechanics will, in many respects, be analogous. Also keep in mind that the humanly accessible information in, for example, quantum field theory is extraordinarily limited, in particular affording us no humanly accessible information about the fluid or dispersive properties of water. Neither model of water tells us what water “really is” not exactly! But both tell us real things about water. Evaluation is relative to our predictive, explanatory and other interests, both practical and intellectual. If the best that is humanly possible are alternative idealizations, we expect the phenomena to be usefully approached though a variety of theoretizations and underdetermination suddenly looks not only natural, but an asset. Intertheoretic comparisons of reference is certainly a problem, but, if viewed in terms of comparison of idealizations, a naturally intelligible one. Relativization of choice of idealization to interests dictates that norms of evaluation with be analogously variable. Of course idealizations are incommensurable! There is much interesting work to be done in understanding how dealizations are to be compared, probably work that must be done on a local, case by case basis; but the issues now look intelligible and useful.
Hervé Zwirn (Paris)
Commentator / Commentateur : Soazig Le Bihan (Nancy)
Title / Titre : Monde classique versus monde quantique : les implications pour le réalisme
Abstract / Résumé : Les difficultés à concilier la description du monde que donne la mécanique quantique avec son apparence classique, à laquelle nous sommes accoutumés, semblent être une indication de ce que le réalisme au sens naïf du terme n'est plus une position philosophiquement tenable. Quelles sont les conséquences qu'il faut tirer d'un tel constat et permettent-elles d'aboutir à des conclusions solidement fondées ?
Colloque international co-organisé par :
Avec le soutien de
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
Communauté Urbaine du Grand Nancy
Conseil Général de Meurthe-et-Moselle
Conseil Régional de Lorraine
Département de Philosophie de l'Université Nancy 2
Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL)
Ministère des Affaires Etrangères
Ministère de la Recherche
UFR Connaissance de l'Homme de l'Université Nancy 2
Université Henri Poincaré (Nancy 1)
Conseil Scientifique de l'Université Nancy 2
Comité scientifique
- Gerhard Heinzmann (Professeur à l'Université Nancy 2, Directeur des Archives Henri Poincaré. Nancy, France)
- Paul Hoyningen-Huene (Professor at the University of Hanover, Director of the Center for Philosophy and Ethics of Science. Hanover, Germany)
- Howard Sankey (Associate Professor at the University of Melbourne. Melbourne, Australia)
- Léna Soler (Maître de conférences à l'IUFM de Lorraine, Membre des Archives Henri Poincaré, Membre associé de l'IHPST. Nancy, France)
- Marcel Weber (Privatdozent at the University of Hanover, Member of the Center for Philosophy and Ethics of Science. Hanover, Germany)
- Hervé Zwirn (Directeur de recherches associé au CNRS, au CMLA de l'ENS Cachan, et à l'IHPST. Paris, France)
Comité d'organisation
- Thomas Benatouil (Nancy)
- Etienne Bolmont (Nancy)
- Pierre-Edouard Bour (Nancy)
- Gerhard Heinzmann (Nancy)
- Soazig Le Bihan (Paris)
- Igor Ly (Paris)
- Roger Pouivet (Nancy)
- Manuel Rebuschi (Nancy)
- Laurent Rollet (Nancy)
- Fabien Schang (Nancy)
- Léna Soler (Nancy)
- Scott Walter (Nancy)
- Marcel Weber (Hannovre)