Icone social AHP

Vers une biographie de Poincaré

Mercredi 4 janvier 2012 - 09:00 - Vendredi 6 janvier 2012 - 18:00
Nancy - MSH Lorraine
Argumentaire: 

 

On a souvent reproché aux biographies de savants l’étroitesse de leur vision, leur penchant marqué pour l’hagiographie, leur tendance à figer un parcours de vie par des découpages chronologiques arbitraires. On a aussi critiqué leur propension à éliminer les contenus scientifiques pour se cantonner à l’écriture de récits de vie dont les codes relèvent plus du genre littéraire que d’une démarche d’objectivation de la connaissance. Les difficultés

sont réelles. Comment rendre compte de la vie d’un savant ? Quels sont les épisodes marquants d’une vie ? Comment articuler les différentes identités professionnelles d’un savant qui peut tout à la fois être enseignant, chercheur, académicien, administrateur de la recherche, homme politique avec son identité familiale et privée ?

Les biographies de savants opèrent très souvent une séparation problématique entre vie scientifique et vie personnelle, comme si ces deux dimensions pouvaient aisément être séparées ; en ce sens, elles ne résolvent qu’imparfaitement le problème de l’inscription de la pratique de la science dans la vie sociale et elles ne produisent que peu d’effets de connaissance sur la dimension sociale de la science elle-même.

Combien y-a-t-il de Poincaré ? Le nom de Poincaré est associé à des découvertes ou à des travaux de première importance : on lui doit ainsi la découverte des fonctions fuchsiennes en mathématiques et une contribution essentielle à la résolution du problème des trois corps en mécanique céleste (pour laquelle il obtint le Grand Prix du roi de Suède en 1889). Ses recherches théoriques sur la mécanique nouvelle après 1900 préparèrent la découverte de la théorie de la relativité restreinte par Einstein en 1905.

Par ailleurs, son identité professionnelle est complexe : polytechnicien, ingénieur des mines, il s’orienta après avoir soutenu sa thèse en 1879 vers une carrière universitaire. Chargé du cours de calcul différentiel et intégral à la Faculté des sciences de Caen durant deux ans, il fut ensuite nommé maître de conférences d’analyse à la Faculté des sciences de Paris en 1881. Il occupa ensuite diverses chaires au cours de sa carrière (mécanique physique et expérimentale, physique mathématique et calcul des probabilités, astronomie mathématique et mécanique céleste), sans pour autant abandonner ses responsabilités dans le Corps des mines. Académicien des sciences à 33 ans, il fut également membre de l’Académie française (1908) et de plusieurs dizaines d’académies et de sociétés savantes étrangères. On peut rappeler aussi son implication dans l’organisation des premiers congrès internationaux des mathématiciens, dans la promotion du projet du Répertoire bibliographique des sciences mathématiques ou son action essentielle au sein des entreprises géodésiques nationales et internationales.

Mathématicien, physicien, astronome, administrateur de la recherche, Poincaré fut également très actif dans le domaine de la philosophie en tant que collaborateur régulier de la Revue de métaphysique et de morale. Ses ouvrages de philosophie scientifique contribuèrent à assurer sa renommée tant en France qu’à l’étranger. On lui connaît peu d’engagements sociaux ou politiques mais il joua cependant un rôle non négligeable dans l’Affaire Dreyfus à travers plusieurs expertises mathématiques.

Il serait vain de poursuivre un tel inventaire. Henri Poincaré constitue un défi écrasant pour tout biographe : son œuvre couvre un tel nombre de champs qu’elle peut difficilement être appréhendée par un chercheur isolé et ses apports théoriques fondamentaux justifient qu’on lui ait attribué le qualificatif fort peu explicatif de « génie ».

Comment écrire une biographie de Poincaré qui parvienne à faire la part de l’individuel et du collectif et qui rende compte à la fois de l’histoire individuelle et de l’histoire des savoirs ? Comment appréhender un tel parcours sans l’atomiser en différents éléments (le mathématicien, le philosophe, l’homme, etc.) ? En quoi sa trajectoire de vie détermina-t-elle sa trajectoire professionnelle et scientifique ? Quels sont les morceaux de vie qui méritent d’être traités dans le cadre d’une biographie qui refuserait l’anecdotique, l’hagiographique ou le découpage conventionnel vie personnelle/vie scientifique? De quelle manière cette biographie peut-elle apporter une contribution utile à l’histoire conceptuelle et à l’histoire des idées ? Doit-elle d’ailleurs vraiment se fixer un tel objectif ? Comment échapper aux légendes noires ou dorées qui ont ponctué la postérité de Poincaré et qu’il a pu lui-même alimenter partiellement de son vivant ? En bref, comment écrire une vie (ou des vies) d’Henri Poincaré ? Pour qui ? Pour quoi faire ? 

 

Manifestation co-organisée par :

  • Le Laboratoire d’Histoire des Sciences et de Philosophie–Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS /UMR CNRS 7117 / Universités Nancy 2, Henri Poincaré-Nancy 1 et INPL)
  • La Maison des Sciences de l’Homme Lorraine (USR CNRS 3261, Université de Lorraine)