Vincent Granata soutiendra le vendredi 8 janvier, 14h, à Nancy (site Libération) sa thèse intitulée : L'expressivité du blues : une exploration philosophique. Le jury sera composé de :
- Alessandro Arbo, Professeur à l'Université de Strasbourg (co-directeur)
- Emmanuel Parent, Maître de conférences à l'Université Rennes 2 (examinateur)
- Roger Pouivet, Professeur à l'Université de Lorraine (directeur)
- Catherine Rudent, Professeur à l'Université Sorbonne Nouvelle (rapporteur)
- Carole Talon-Hugon, Professeur à l'Université Paris-Est Créteil (rapporteur).
La soutenance aura lieu en présentiel, mais sans public, et sera retransmise en ligne sur : https://videos.univ-lorraine.fr/video.php?id=10148.
Résumé :
Si le blues est d’abord un genre musical, il est davantage que cela. Le blues renvoie à un état affectif proche de ce que nous appelons couramment la mélancolie : éprouver une tristesse vague, avoir les idées noires, être résigné par rapport à l’existence, tels sont les sentiments qui le caractérisent typiquement. Cette équivocité se retrouve dans la façon dont nous appréhendons les productions musicales en question. Car dès qu’il s’agit de blues, musique et émotions sont présentées comme les deux faces d’une même pièce : rarement perçu comme simple forme sonore, le blues est surtout appréhendé comme expression émotionnelle, mettant au centre les souffrances et les peines de l’individu.
Néanmoins, cette manière de concevoir la musique est pour le moins stéréotypée. Elle est liée à une certaine vision du monde des arts, centrée sur l’émotion, selon laquelle l’art relève moins de principes rationnels que de la sensibilité, c’est-à-dire de phénomènes subjectifs, intimes, privés. Selon cette vision, l’activité du musicien ne consiste pas seulement à produire une forme sonore mais aussi (et surtout) à mettre ses émotions en musique, ou à musicaliser les émotions. Mais si une telle conception de l’expérience musicale a l’apparence de l’évidence, elle n’en a bien que l’apparence. Car que signifie « exprimer des émotions » : est-ce vraiment les « mettre en musique » ?
Il ne s’agit nullement ici de dire que le blues n’a que faire des émotions : l’enjeu est de rendre justice à la place qu’y occupe l’expressivité, en évitant les écueils inhérents à une conception trop stéréotypée des rapports entre musique et émotion. En effet, si le blues porte bien sur les sentiments humains, son expressivité n’émerge ni ne se réduit à de simples vécus émotionnels. Aussi, tout l’objet de ce travail est de faire la part belle aux mécanismes rationnels qui sous-tendent l’expressivité du blues et aux bénéfices intellectuels que cette musique peut apporter. D’une part, il s’agit de montrer que l’expression musicale des émotions a davantage à voir avec un auditeur qui attribue des propriétés esthétiques aux œuvres qu’avec un artiste qui s’exprime à travers elles. Ces attributions dépendent moins d’émotions que de visées, de croyances, de connaissances, de compétences classificatoires et de processus de catégorisation réfléchis. D’autre part, il s’agit de montrer que l’expression musicale caractérise une certaine façon d’être de la musique, comme outil de compréhension du monde, comme langage permettant d’éclairer certains aspects de la réalité, comme forme de pensée pouvant nous apporter des vérités sur l’existence – en somme, comme vecteur de connaissance.