La lettre d'information des Archives Poincaré (mai 2024)

Manifestations

• Histoires de la philosophie des sciences / Philosophies de l’histoire des sciences, 13-14 mai, Nancy [en savoir plus]
• Wittgenstein et le mensonge, 16-17 mai 2024, Nancy [en savoir plus]
• 4th Nancy–Irvine FiLLM workshop: Formalization in Logic, Language, and Mathematics, 17-18 mai, UC Irvine [en savoir plus]
• Journée commune ATILF/Archives Poincaré, 4 juin, Nancy
• Qualifier la transphobie, 13-14 septembre, Nancy [en savoir plus]
• Journées scientifiques des Archives Henri-Poincaré, 30 septembre - 1^er octobre, Saint-Jean-de-Bassel

Signalons également le colloque "Parfit, Reasons and Persons, 40 ans après", organisé par notre collègue Yann Schmitt avec Christophe Salvat (CNRS, Aix-Marseille) au Centre Gilles-Gaston Granger, les 3 et 4 juin prochains. Ce colloque vise à proposer des lectures critiques des éléments essentiels du classique de Parfit dont la traduction vient de paraitre aux éditions Agone.

Vous pouvez comme toujours retrouver les vidéos de nos manifestations passées ici : https://videos.ahp-numerique.fr/c/colloques

Hors les murs

• 2 mai, Sophie Arborio : "Faire science autrement pour un développement humain et social en santé - Récit et analyse d’une expérimentation", 3e congrès RIFRESS (Réseau International Francophone pour la Responsabilité Sociale en Santé), Strasbourg
• 2 mai, Alexandre Hocquet et Frédéric Wieber : avec Phillip H. Roth et Alin Olteanu (KHK Aachen), "Juggling Molecules", workshop "Writing the history of computer visualizations" de l'ANR DESIGNSHS, EHESS, Paris
• 15 mai, Clémence Lebossé : "Aux sources du thermalisme lorrain : loisirs sportifs et réseaux d’acteurs de la médecine thermale dans la presse spécialisée (fin XIXe-début XXe siècle)", Les nouvelles sources de la santé, colloque de l'Association Canadienne-Française pour l’Avancement des Sciences, Montréal
• 15 mai, Martine Paindorge : "Utilisation d’outils des humanités numériques pour exploiter de nouvelles sources d’étude du thermalisme", Les nouvelles sources de la santé, colloque de l'Association Canadienne-Française pour l’Avancement des Sciences, Montréal
• 17 mai, Daniel Usma Gomez : "Thomas Aquinas's Metaphysics of Geometry: a Medieval Insight on Mathematical Activity", 4th Nancy–Irvine FiLLM workshop: Formalization in Logic, Language, and Mathematics, UC Irvine
• 17 mai, Baptiste Mélès : "Is Programming Different in Classic Chinese?", 4th Nancy–Irvine FiLLM workshop: Formalization in Logic, Language, and Mathematics, UC Irvine
• 17 mai, Alexandre Hocquet : "Reproducibility, Photoshop, Pubpeer, and Collective Disciplining", workshop Epistemology of Arithmetic: New Philosophy for New Times, RWTH Aachen University
• 18 mai, Olivier Bruneau : "Pedal Curves from 1650 to the Early 20th Century: A Heritage Mathematical Object", 4th Nancy–Irvine FiLLM workshop: Formalization in Logic, Language, and Mathematics, UC Irvine
• 18 mai, Andy Arana : "Mathematical Hygiene", 4th Nancy–Irvine FiLLM workshop: Formalization in Logic, Language, and Mathematics, UC Irvine
• 24 mai, Claire Crignon : "Using Gassendi’s concept of a corporeal soul: Thomas Willis’s clinic of the mind", colloque "Gassendi et l'Angleterre", Montpellier, Université Paul-Valéry
• 27 mai, Yamina Bettahar : "Former des ingénieurs pétroliers pour l'indépendance : mobilités internationales des étudiants algériens (1950-1970)", workshop "La mobilité internationale des ingénieurs. Histoire et patrimoine", Département des sciences historiques, Université degli studi di Padova
• 28 mai, Yamina Bettahar : "Albert Camus et la météorologie : une source d'inspiration pour l'écriture de ses premiers romans", Département des sciences de la formation, Université degli studi di Roma 3
• 28 mai, Gerhard Heinzmann : "Poincaré’s 'disguised definitions': are they implicit or explicit?", 1st Workshop of the ANR AXDEF Project, Marseille, Centre Gilles-Gaston Granger
• 29 mai, Yannis Addi & Olivier Bruneau : "Intégrer et modéliser des connaissances : Python comme outil du web sémantique", 6e symposium MaDICS (Masses de Données, Informations et Connaissances en Sciences), IUT de Blois
• 31 mai, Baptiste Mélès : "Informatique et méthodes scientifiques", séminaire des doctorants de la Société informatique de France, Nancy
• 3 juin, Céline Fellag : "The BIPM and the CIE: 100 years of cooperation - An overview of the main developments in the definition of the photometric units", workshop organisé par le BIPM et la Commission internationale de l’éclairage, "CCPR/CIE Expert Workshop, 100 Years of V(λ) and Future of Photometry", Sèvres, Bureau International des Poids et Mesures
• 3-4 juin, Anna Zielinska : "L’éthique: sans identité personnelle et sans principes" ("Ethics: without personal identity and without principles"), colloque "Parfit, Reasons and Persons, 40 ans après" (Parfit, Reasons and Persons, 40 years later), Aix-en-Provence, Centre Gilles-Gaston Granger
• 13-15 juin, Amirouche Moktefi : avec Kirstin Rumma, "On scaffolding and mathematical representations", Baltic Conference on the History and Philosophy of Science, University of Tartu

Du côté des projets

Nous sommes heureux d'annoncer que le projet "Grassmann et la dimension", porté par Nadir Maaroufi et Andrew Arana, va être soutenu dans le cadre de l'appel à projets coopération internationale entre l'Université de Lorraine et l'Université Internationale de Rabat. Ce soutien en fonctionnement permettra la tenue de séminaires, d'un workshop, et l'organisation de rencontres et de visites. On vous en dit davantage prochainement !

Grand public

Cinéma & philosophie : Wittgenstein, 1993, réal. Derek Jarman. Cette séance est organisée dans le cadre du colloque Wittgenstein et le mensonge, et de la journée mondiale contre les LGBT-phobies. La projection a lieu le vendredi 17 mai à 17h30 dans le bâtiment G du Campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy, salle G04. Elle sera suivie d’une discussion. [en savoir plus]

Le cycle Épistémologie & communication scientifique, que nous organisons pour la troisième année avec le pôle Sciences Avec et Pour la Société de l'Université de Lorraine reprend, avec une première séance le jeudi 16 mai, à 14h. Plus dans la prochaine lettre !

Roger Pouivet participera à une table ronde intitulée "Faire cohabiter le religieux ou forcer notre naturel ?", organisée dans le cadre du Festival "Les passeurs de livres", et en partenariat avec Le Monde. La discussion aura lieu le samedi 1^er juin à 17h, au Musée du désert, à Mialet (Gard).

Vient de paraître

Catherine Allamel-Raffin, Jean-Luc Gangloff & Yves Gingras (eds.), Experimentation in the Sciences. Comparative and Long-Term Historical Research on Experimental Practice, Springer, Archimedes series (72), 2024. [présentation sur le site de l'éditeur]

This book takes a novel approach by highlighting comparative and long-term historical perspectives on experimental practice. The juxtaposition of accounts of natural, social, and medical experimentation is very enlightening, especially because the authors put the emphasis on the different kinds of objects of experimentation (physical matter, chemical reagents, social groups, organizations, sick individuals, archeological remains) and demonstrate how much the kinds of objects matter for the practice of experimentation, its methods, tools, and methodologies. Taken together, the chapters raise several fascinating questions for further study: What do these different approaches have in common? Why do we call them “experimentation”? What are the intersections among the fields and their developments? The volume engages philosophical approaches that are not well known to Anglophone readers (Bachelard, Bergson, Bernard, Canguilhem, among others) and brings to attention a wealth of Francophone secondary literature on past and present scientific experimentation. The collection fills a yawning gap in science, science studies, and philosophy of science teaching, making it particularly valuable to philosophers and historians of science in all subfields.

* * *

Georges-Louis Leclerc de Buffon, Oeuvres complètes XVIII. Histoire naturelle des oiseaux, tome III (1775), texte établi, introduit et annoté par Stéphane Schmitt avec la collaboration de Cédric Crémière, Paris : Honoré Champion, 2024. [présentation sur le site de l'éditeur]

Le troisième volume de l’Histoire naturelle des oiseaux, paru en 1775, est le premier dans lequel Buffon reconnaît publiquement la contribution de Guéneau de Montbeillard. De fait, ce dernier est l’auteur d’une grande partie de ce tome, s’efforçant d’imiter autant qu’il le peut le style de son illustre collaborateur et de respecter ses positions scientifiques. Buffon ne s’en réserve pas moins quelques chapitres importants, comme ceux consacrés aux moineaux, qui lui offrent l’occasion de revenir sur la notion d’espèce et les questions de nomenclature.

Sans adopter formellement une classification ornithologique, Buffon et Guéneau se conforment à l’une des plus reconnues de leur temps, celle de Brisson. Ils traitent notamment dans ce volume des corvidés et d’oiseaux jugés proches, comme les rolliers et les oiseaux de paradis, ainsi que des étourneaux, des merles et des grives au sens large, des troupiales, des tangaras, des « gros-becs » et des moineaux. Plusieurs espèces exotiques sont inédites.

* * *

• Stephanie Debray, "On the edges of science", Metascience, 2024. https://doi.org/10.1007/s11016-024-00976-8 
• Fraçois Jaquet, "Indirect Defenses of Speciesism Make No Sense", Pacific Philosophical Quarterly, 2024. https://doi.org/10.1111/papq.12459

Zoom sur … Le pire des maux. Éthique et ontologie du spécisme, de François Jaquet (Éditions Eliott, 2024)

L’attention des experts du spécisme s’est jusqu’ici concentrée sur une question éthique : le spécisme est-il moralement justifié ou faut-il au contraire le condamner ? Avant d’aborder cette question, il convient toutefois de poser deux questions ontologiques. D’une part, on se demandera ce qu’est le spécisme, car il est difficile d’évaluer une pratique sans savoir en quoi elle consiste. D’autre part, on se demandera si le spécisme existe, car peu importe qu’une pratique inexistante soit injuste. Le pire des maux se divise alors naturellement en deux parties, consacrées respectivement à l’ontologie du spécisme et à son éthique.

Une bonne définition du spécisme correspondra à une bonne définition du racisme. C’est à cette condition que le concept pourra remplir sa fonction première, à savoir nous permettre d’importer en éthique animale des leçons tirées de l’éthique du racisme. D’après la conception du racisme que je défends au chapitre premier, celui-ci consiste en un traitement inégal causé par la race réelle ou perçue. Le spécisme est donc, par analogie, un traitement inégal causé par l’espèce réelle ou perçue.

Cette définition nous dit quelque chose de l’existence du spécisme. Celui-ci existe à deux conditions : que nous traitions les êtres humains mieux que les autres animaux ; et que ce traitement préférentiel résulte, en partie au moins, de l’espèce à laquelle ils appartiennent ou sont assignés. Je soutiens que ces conditions sont remplies, aux Chapitres 2 et 3.

Puisque l’éthique du spécisme doit s’inspirer de l’éthique du racisme, toute critique du spécisme présente la structure suivante : le racisme est immoral parce qu’il possède un certain attribut ; or le spécisme possède lui aussi cet attribut ; donc le spécisme est lui aussi immoral.

Quelle est alors la caractéristique du racisme qui le rend immoral ? Au chapitre 4, je rejette plusieurs hypothèses, avant d’argumenter que le racisme est immoral parce qu’il viole le principe d’égal traitement qui requiert de nous que nous traitions également les individus en l’absence d’une différence moralement pertinente. En clair, l’erreur dont les racistes se rendent coupables est de traiter, par exemple, les Blancs mieux que les Noirs alors qu’il n’existe entre eux aucune différence qui soit à même de justifier cette inégalité de traitement.

Il découle de ces considérations que le spécisme sera immoral s’il viole lui aussi le principe d’égal traitement. Mais est-ce le cas ? C’est ce que j’entreprends d’établir au Chapitre 5 : la seule différence qui distingue les humains des autres animaux est l’espèce ; or l’espèce n’est pas moralement pertinente ; donc il n’existe pas de différence moralement pertinente entre les humains et les animaux. À l’instar des racistes, les spécistes violent le principe d’égal traitement.

Face à cet argument, d’aucuns rétorqueront que nous surpassons les bêtes sur bien des plans. Ne sommes-nous pas rationnels, conscients de nous-mêmes, dotés d’un sens moral ? L’ennui est que ce constat n’est vrai que de la plupart d’entre nous. Il y a des exceptions. Les nouveau-nés et certains handicapés mentaux ne sont pas plus rationnels, conscients d’eux-mêmes ou dotés d’un sens moral qu’une vache ou un cochon adultes. Si ces caractéristiques importaient moralement, elles justifieraient de négliger non seulement les animaux mais aussi les humains auxquels elles font défaut.

Confrontés à l’argument antispéciste, d’autres demeurent simplement incrédules. De leur point de vue, il est à tel point évident que les humains importent davantage que les animaux que toute défense de la thèse inverse est d’emblée suspecte. Cette objection de sens commun fait l’objet du sixième et dernier chapitre. Pour la neutraliser, je jette le doute sur l’intuition qui la motive. Plutôt que de prendre appui sur cette intuition, nous devrions nous en méfier, car elle est façonnée par deux influences qui sont sans lien avec sa vérité. D’une part, la dissonance cognitive à laquelle nous expose le paradoxe qui consiste à aimer les animaux tout en consommant leur chair. D’autre part, la psychologie tribaliste qui nous dispose à discriminer les membres d’exogroupes. L’une et l’autre influences tendent à générer de fausses intuitions. Il se pourrait tout à fait que ce soit le cas en l’occurrence.

Prochaine lettre en juin 2024 -- Vous pouvez également vous inscrire à notre liste de diffusion

© 2024 - Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine / Université de Strasbourg)