La lettre d'information des Archives Poincaré (mars 2020)

Vie du laboratoire

Nous avons appris avec une immense peine le décès de Louis Vax, le 9 février, à l'âge de 95 ans. Louis Vax avait fait sa carrière à l'Université Nancy 2, où il était entré en 1969. Spécialiste de logique, qu'il a enseignée à des générations d'étudiants, il avait été l'un des premiers introducteurs du courant analytique en France, notamment avec son ouvrage L'empirisme logique. De Bertrand Russell à Nelson Goodman (P.U.F. 1970). Il avait également consacré de nombreuses recherches et ouvrages à l'art et à la littérature fantastique : il n'hésitait pas à l'occasion à transformer un cours sur la Logique de Hegel en un exposé savant sur les sorcières ou les vampires. Son immense érudition, tant littéraire que philosophique, son humour, son peu de goût pour les cérémonies et les hommages comme pour les modes philosophiques, concouraient à faire de lui un personnage atypique et attachant, qui a marqué durablement ses étudiants comme ses collègues. Il fut l'un des premiers parrains des Archives Henri-Poincaré.

A l'occasion de l'éméritat de Michel Bastit (ci-contre), un volume de mélanges lui sera remis le 18 mars, dans les locaux de l'Institut de Philosophie Comparée (Paris). Toutes nos félicitations !

Maël Pégny, postdoctorant à Nancy sur le projet LUE OLKI, est invité à l'Université de Zürich du 20 février au 4 avril, par Michele Loi, dans le but de réaliser un projet FNS/ANR. Nous leur souhaitons un travail fructueux.

Séminaires et groupes de travail

• Séminaire de recherche sur les sciences et les technologies : mardi 3 mars à 17h, Sarah Calba (Archives Poincaré), "Les faits de la fiction", Strasbourg, 7 rue de l'Université, salle 116
• Séminaire d'épistémologie sociale et formelle : mercredi 4 mars à 13h, Liam Kofi Bright (London School of Economics), "Scientific Conclusions Need Not Be Accurate, Justified, or Believed by their Authors”, Paris, Maison de la Recherche (rue Serpente)
• Séminaire Codes Sources : mercredi 4 mars à 14h, Michèle Soria (LIP6), "Combinatoire Analytique : énumération, statistiques et génération aléatoire", LIP6, salle 24-25/405, Campus Jussieu, Paris
• Grandes conférences des Archives Henri-Poincaré : mercredi 4 mars à 18h, Mohammed Ali Benmaklouf (Département de philosophie, Université Paris-Créteil), "La force des raisons : de la logique à la médecine" , Nancy, Campus Lettres et Sciences Humaines, bât. G, salle G04 (pour assister à distance, merci de contacter Laurent Rollet)
• Séminaire FFIUM : lundi 9 mars à 10h30, Henning Heller (Université de Vienne, ERC project "The Roots of Mathematical Structuralism"), "Solving the Sextic - A Case Study of Informal Formalization", Nancy, MSH Lorraine, salle 326
• Séminaire "Clinique de la délibération – Délibérations dans la clinique" : mardi 10 mars à 16h, Hôpital civil de Strasbourg, bâtiment d'anatomie
• Séminaire "Cognition & Langage" : mercredi 11 mars à 14h, Pôle Herbert Simon, amphi 201, Nancy
• Grandes conférences des Archives Henri-Poincaré : mercredi 11 mars à 17h, Valérie Dufour (CNRS, Institut plurisciplinaire Hubert Curien, Université de Strasbourg), "Les primates non-humains et les corvidés peuvent-ils tenir compte du temps et du risque et des autres, lorsqu'ils s'engagent dans une interaction réciproque ?", Strasbourg, Maison Interuniversitaire des Sciences de l'Homme Alsace
• Séminaire Codes Sources : jeudi 12 mars à 14h, Roberto Di Cosmo (INRIA, PPS, Université Paris-Diderot), "Towards software as a first class citizen in the scholarly world", IRILL, salle 15-16/101, UPMC, Paris
• Séminaire "Humanités numériques et archives" : mardi 24 mars à 14h, Régis Robineau (EPHE PSL / Biblissima), "Mieux diffuser et valoriser ses images sur le Web grâce aux standards IIIF", Nancy, MSH Lorraine, salle 326

Manifestations 

Vient de paraître

Vincent Granata et Roger Pouivet (dir.), Épistémologie de l'esthétique. Perspectives et débats, Presses Universitaires de Rennes, coll. Hors-série, 2020. [présentation sur le site de l'éditeur]

Le terme « esthétique » désigne une discipline philosophique. Une épisté-mologie de l’esthétique est une enquête méthodologique sur cette disci-pline. Le terme « esthétique » qualifie aussi les notions d’expérience, de propriétés, de pensée. L’épistémologie de l’esthétique porte alors sur les opérations sensibles et cognitives caractérisant les expériences ou les modes de pensée esthétiques. La première partie, méta-esthétique, examine différentes façons de faire de l’esthétique (Pierre-Henry Frangne, Jacques Morizot, Roger Pouivet). La deuxième partie de l’ouvrage s’interroge sur les relations concep-tuelles qui sous-tendent notre perception des œuvres d’art (Alessandro Arbo, Guillaume Schuppert, Carole Talon-Hugon). La troisième partie porte sur la valeur cognitive des arts (Derek Matravers, Julia Beauquel, Catherine Elgin). La dernière partie explore certaines applications des questions épistémologiques en esthétique (Sandrine Darsel sur l’art conceptuel, Hervé Gaff sur l’architecture, Alexandre Declos sur les jeux vidéo, Vincent Granata sur le blues). On a pu parler d’un « tournant épistémologique en esthétique ». Ce livre le prend délibérément.

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Georges-Louis Leclerc de Buffon, Oeuvres complètes XIV. Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinat du Roi. Tome XIV (1766). Texte établi, introduit et annoté par Stéphane Schmitt avec la collaboration de Cédric Crémière, Paris : Honoré Champion, 2020. [présentation sur le site de l'éditeur]

En 1766, paraît le quatorzième tome de l’Histoire naturelle, générale et particulière, le onzième et avant-dernier de la série consacrée aux quadrupèdes. Buffon et Daubenton y traitent des singes de l’Ancien Monde, dont ils proposent une nouvelle classification et dont ils décrivent plusieurs espèces inédites ou encore mal connues, comme le « douc » ou le « talapoin ». L’ensemble est, comme toujours, richement illustré.

Mais ce volume contient aussi deux chapitres généraux qui comptent parmi les plus importants de l’Histoire naturelle : la « Nomenclature des singes » et « De la dégénération des animaux ». Buffon y approfondit plusieurs des thèmes capitaux qu’il développe depuis 1749, notamment la question de la différence entre l’homme et l’animal, la définition de l’espèce, l’ordre du vivant et l’aptitude de l’esprit humain à le connaître. Sans renier ses premières idées, il tend à reconnaître aux êtres vivants une plus grande capacité à se transformer au fil des générations et ouvre la voie à une vision historique de la nature.

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Mónica Blanco et Olivier Bruneau (eds.), Les mathématiques dans les écoles militaires (XVIIIe-XIXe siècles), Philosophia Scientiae, vol. 24 cahier 1, 2020. [sommaire et introduction sur le site d'OpenEdition]

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• Isabelle Draelants, avec la collab. d’E. Frunzeanu, "Creation, Generation, Force, Motion, Habit: Medieval Theoretical Definitions of Nature", in Fl. Bretelle-Establet – M. Gaille – M. Katouzian-Safâdi, eds., Making Sense of Health, Disease, and the Environment in Cross-Cultural History: The Arabic-Islamic World, China, Europe, and North America, (Boston Studies in the Philosophy of Science, 333), Springer : 2019, 27-60.
• Isabelle Draelants, "Depingo ut ostendam, depictum ita est expositio: Diagrams a03s an Indispensable Complement to the Cosmological Teaching of the Liber Nemroth de astronomia", in Inscribing Knowledge in the Medieval Book: The Power of Paratexts. Edited by R. Brown-Grant, P. Carmassi, G. Drossbach, A. D. Hedeman, V. Turner, and I. Ventura. Kalamazoo, MI/ Berlin: Medieval Institute Publications/De Gruyter, Janvier 2020 (Studies in Medieval and Early Modern Culture, 66), 57-92.
• Amirouche Moktefi, "The social shaping of modern logic", In: Dov Gabbay et al. (eds.), Natural Arguments: A Tribute to John Woods, London: College Publications, 2019, 503-520.
• Armelle Line Peltier, "Science as a system: Connections between Carl Gustav Jung's holistic thoughts about science and his Red Book experience", McMillan Christian, Main Roderick and Henderson David (Ed) Holism. Possibilities and Problems, London, Routledge, 2020.
• Joseph Vidal-Rosset, "Définir le savoir après Gettier", dans le volume collectif La science - sous la direction de Silvia Manonellas, Atlande, Clefs-concours - Philosophie - La science, 2020, 83-97. ⟨hal-02472788⟩

Zoom ... sur le projet "Vices ou vertus de la médecine. L'effet placebo, entre controverse scientifique et éthique", de Marion Sabel

Mon projet de thèse a pour but l’étude de la controverse diffractée générée par l’usage du placebo dans la pratique médicale et la recherche clinique. En effet, le placebo occupe une place centrale dans les essais cliniques car il permet d’évaluer, par comparaison, l’efficacité d’une molécule active. D’autre part, en plus de cet usage méthodologique, son administration dans le cadre de la pratique médicale peut représenter pour le médecin un formidable levier thérapeutique. Toutefois, ces usages sont à l’origine de tensions d’ordre scientifique et éthique ce qui génère un flou au sein de la communauté scientifique et médicale.

A l’origine de ces tensions se situe tout d’abord un flou définitoire. Impossible à caractériser de façon consensuelle et logique, la notion de placebo est aujourd’hui source d’un tel embarras au sein de la communauté scientifique que certains chercheurs suggèrent la suppression de toutes références au terme car trop ambiguës. Ces confusions génèrent des tensions scientifiques de type explicatives et méthodologiques. D’une part, les chercheurs ne sont pas d’accord sur la nature des mécanismes à l’œuvre dans l’effet placebo ce qui cause de nombreux débats autour de l’explication de ce phénomène. D’autre part, l’usage du placebo dans le but d’évaluer l’efficacité d’une molécule active confronte la recherche clinique à une question épineuse : peut-on vraiment soustraire l’effet placebo de l’effet thérapeutique global afin de mettre en évidence l’effet pharmacologique spécifique et ainsi garantir que l’effet thérapeutique obtenu n’est pas simplement lié à un effet placebo ?

Ensuite, l’usage du placebo implique des tensions d’ordre éthique. Dans la recherche clinique tout d’abord, les participants ne doivent pas savoir s’ils se trouvent dans le groupe placebo ou le groupe qui aura une molécule active dans un souci de rigueur méthodologique. Cet usage pose problème car il peut exposer ces participants à une perte de chance, à une prise de risque inutile, voire à une aggravation de leur état de santé, ce qui est contraire aux normes éthiques de la recherche clinique. Par ailleurs, dans la pratique médicale, l’usage du placebo dans le but d’induire un changement positif chez le patient comme une réduction de la douleur ou de l’anxiété, par exemple, est sujet à controverse puisqu’il implique le mensonge de la part du médecin qui l’administre, ce qui contrevient au code de déontologie médicale. Cependant, il semblerait que, dans certains cas, il soit plus éthique de prescrire un placebo plutôt qu’un médicament actif, par exemple, pour des raisons de toxicité. En effet, l’usage du placebo dans la pratique médicale représente une possibilité significative de bénéfice, en n’imposant qu’un minimum de risques médicaux aux patients. Ainsi, bien que l’usage du placebo soit encore restreint en raison des problèmes scientifiques et éthiques qui l’accompagnent, de nombreux travaux l’envisagent comme une solution thérapeutique très prometteuse. Les études menées par Fabrizio Benedetti de 2002 à aujourd’hui ont par exemple démontré que l’injection de placebo chez des parkinsoniens agirait de la même façon qu’un médicament anti-parkinsonien (la L-dopa) en activant la libération de dopamine endogène dans le cerveau des patients.

Ce projet a donc pour objectif d’apporter un éclairage global sur le placebo et sur les controverses générées par son usage. Il comporte deux axes directeurs : dans le cadre d’une première phase, il s’agira d’approfondir l’état des lieux au travers d’une méta-analyse et d’une cartographie détaillée des controverses générées par l’utilisation du placebo dans la pratique médicale et la recherche clinique. Une seconde phase sera quant à elle consacrée à l’étude des tensions générées par l’usage du placebo dans la pratique médicale, notamment par la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès de médecins généralistes. Plus largement, ce projet devrait permettre de développer un regard critique et réflexif sur la médecine que nous vivons actuellement, dans ses pratiques, mais également dans sa manière de penser la maladie et la santé. En effet, le phénomène placebo vient nous rappeler l’existence du lien étroit entre corps et esprit dans les questions de maladie et de guérison alors que la médecine actuelle tend à s’affranchir de cet embarras.

Voir la page de Marion Sabel

Prochaine lettre en avril 2020 -- Vous pouvez également vous inscrire à notre liste de diffusion

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