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Stéphanie DEBRAY

Titre de la thèse / PhD

La science et ses contrefaçons : rôles légitimes et illégitimes des valeurs, des preuves et des agents dans les pratiques et les décisions scientifiques

Résumé

  • Le problème de la démarcation entre science et non-science n'a à ce jour pas trouvé de solution générale pleinement satisfaisante. Les tentatives existantes n'ont notamment pas permis d'obtenir de critère(s) de démarcation offrant des conditions nécessaire(s) et suffisante(s) pour distinguer la science de la pseudoscience. La stratégie adoptée ici est de chercher à produire spécifiquement une définition fine de la pseudoscience, qui permette de la distinguer des formes inacceptables de science, et de la science au sens large. Deux traditions philosophiques sont réunies : une tradition classique qui se concentre sur la question de la démarcation, et une tradition plus récente qui examine le rôle et l'impact des valeurs dans les décisions scientifiques. Les forces et les limites des définitions de la pseudoscience de Hansson sont notamment analysées, et des perfectionnements successifs sont proposés. La définition la plus récente, par exemple, n'est pas entièrement adéquate dans la mesure où elle exclut des cas de pseudoscience et inclut certains cas qu'il convient de distinguer, en particulier des cas de fraude scientifique. Définir la pseudoscience requiert de surmonter trois obstacles : 1° trouver un moyen de définir la pseudoscience sans définition précise de la science - aujourd'hui manquante, et peut-être impossible à formuler (Laudan) ; 2° déterminer les conditions à remplir pour qu'une définition de la pseudoscience soit satisfaisante ; 3° choisir un definiendum primaire adéquat. En définitive, je soutiens que la notion de pseudoscientificité est directement liée à la façon dont les agents prennent des décisions et se comportent et seulement indirectement aux énoncés et aux disciplines. Je propose une nouvelle définition de la pseudoscience fondée sur cinq critères : (1) le critère de responsabilité, (2) le critère de la prétention scientifique, (3) le critère de la substitution des valeurs aux preuves, (4) le critère du comportement déviant, (5) le critère de résistance à la correction. Le premier critère vise à distinguer la pseudoscience des formes inacceptables de science. Sans le deuxième critère, la définition pourrait inclure la religion ou les croyances qui ne sont pas en conflit avec la science. Les trois autres critères visent à mieux comprendre le manque de fiabilité qui caractérise la pseudoscience et les formes inacceptables de science, en dépit de la diversité des domaines d'étude et de l'hétérogénéité de l'activité scientifique. Les deux derniers critères excluent les erreurs corrigées ou en voie de l'être, et les cas où les valeurs que détiennent les agents ne menacent pas l'objectivité de la recherche. La définition finale mobilise la distinction entre rôle direct et rôle indirect des valeurs dans les décisions scientifiques (Douglas). Cette distinction ne suffit probablement pas à résoudre la question plus générale des influences légitimes et illégitimes des valeurs en science. En revanche, considérer conjointement les rôles des valeurs, des preuves et des agents dans les pratiques et les décisions scientifiques, permet d'améliorer la définition de la pseudoscience, de mieux comprendre les formes inacceptables de science, et de distinguer différents types de pratiques déviantes. La nouvelle définition inclut les cas anormalement exclus dans la définition précédente et exclut les cas de fraude scientifique qui y étaient inclus. Dans son ensemble, la proposition permet de mieux comprendre comment la pseudoscience s'écarte de la science, tout en identifiant les raisons pour lesquelles certains cas sont obscurs, et les conditions dans lesquelles d'autres peuvent le rester. Plusieurs exemples sont mobilisés tout au long de l'étude, tels que le créationnisme, la divination, l'homéopathie. La science dite « nazie » et un traitement thérapeutique controversé sont également utilisés pour tester la proposition et exposer ses limites.

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  • The demarcation problem between science and non-science still lacks a general satisfactory solution. In particular, demarcation criteria providing necessary and sufficient conditions for distinguishing science from pseudoscience have not been found. The strategy adopted here is to define the notion of pseudoscience directly to distinguish it clearlyfrom the notions of unacceptable forms of science and science in the broad sense. Two philosophical traditions are brought together: a classical tradition that focuses on the demarcation problem and a more recent tradition that examines the role and impact of values in scientific decisions. The strengths and limitations of Hansson's definitions of pseudoscience are specifically discussed, and successive improvements are proposed. Its most recent definition, for example, is not entirely adequate insofar as it excludes representative cases of pseudoscience and includes some cases that should be distinguished, such as cases of scientific fraud. Defining pseudoscience requires overcoming three obstacles: 1° finding a way to define pseudoscience without a precise definition of science - which is currently lacking and is probably impossible to formulate (Laudan); 2° determining the conditions to be met for a definition of pseudoscience to be satisfactory; 3° choosing a suitable primary definiendum. Ultimately, I argue that pseudoscience is directly related to how agents make decisions and behave and only indirectly to statements and disciplines. I propose a new definition of pseudoscience based on five criteria: (1) the criterion of responsibility, (2) the criterion of scientific pretense, (3) the criterion of the substitution of values for evidence, (4) the criterion of deviant behavior, (5) the criterion of resistance to correction. The first criterion seeks to distinguish pseudoscience from unacceptable forms of science. Without the second criterion, the definition could include religion or other beliefs when they do not conflict with science. The other three criteria are meant to specify the unreliability that characterizes pseudoscience and unacceptable forms of science despite the diversity of fields of study and heterogeneity of scientific activity. The last two criteria also exclude errors that have been or are in the process of being revised and cases where the values used by the agents in the scientific process do not threaten the objectivity of the research. The final definition relies on the distinction between a direct and indirect role for values in scientific decisions (Douglas). This distinction is probably not sufficient to resolve the more general issue of the legitimate and illegitimate influences of values in science. However, by considering the roles of values, evidence, and agents in scientific practices and decisions simultaneously, it is possible to improve the definition of pseudoscience, understand unacceptable forms of science better, and distinguish between different types of deviant practices. The new definition includes cases of pseudoscience incorrectly excluded in the previous definition and excludes cases of scientific fraud that were included. The proposal helps to understand how pseudoscience deviates from science while identifying the factors that make some cases unclear and the conditions under which others can remain so. Several examples are used throughout the study, such as creationism, divination, and homeopathy. So-called Nazi science and a controversial therapeutic treatment are also used to test the proposition and expose its limitations.

Domaines de recherche

  • philosophie générale des sciences
  • valeurs en science
  • problème(s) de démarcation

Publications

  • Debray, S. (2023). La définition de la pseudoscience chez Sven Ove Hansson : Enjeux, limites, perspectives.Lato Sensu : Revue de la Société de philosophie des sciences,10(1), 13-23. https://doi.org/10.20416/lsrsps.v10i1.2 
  • Debray, S. (2022). Le problème de la démarcation : une (nouvelle) définition de la pseudoscience, in Revue des Questions Scientifiques, tome 193, 2022, n°3-4, p. 301-352. https://www.rqs.be/app/views/revue.php?id=557&publication=4484
  • Debray, S. (2022). Questions médicales controversées, déclarations de consensus et participation du public : le cas des conférences de consensus du National Institute of Health. Dialogue 61(1), 55–81. https://doi.org/10.1017/S0012217322000257
  • Debray, S. (2020), « Pseudoscience (GP) », dans M. Kristanek (dir.), l’Encyclopédie philosophique. http://encyclo-philo.fr/pseudoscience-gp/

Communications

  • Debray, S. (President Chair) Table ronde pour les jeunes chercheurs.euses à EPSA23, 9th biennial meeting of the European Philosophy of Science Association Belgrade (Serbia), 20-23 September 2023.
  • Lucile Desmoulins, Stéphanie Debray, Élodie Trinh, Sylvain Vétois, Tiphaine Zetlaoui, Zineb Serghini, Martin Baloge, Jérôme Hutain, (2023). « La fabrique d’un jeu sérieux en ligne sur la régulation, la déontologie et l’éthique de l’influence », GER GENIC, pré-conférence du congrès de la SFSIC, 16h30 - 19h00, en ligne.
  • Desmoulins, L., Debray, S. (2022). Au risque de l’adynaton : la revendication par les think tanks de formes de scientificité en renfort de la légitimité de leur raison d’être, 89e Congrès de l'ACFAS, Québec.
  • Debray, S., Desmoulins, L. (2022). L’instrumentalisation des discours scientifiques au service de l’industrie pharmaceutique : le cas de la Dapoxétine, Colloque international « L'expert·e en santé dans les médias, entre légitimité et controverses », 18 mai, IUT Nancy-Charlemagne, Université de Lorraine.
  • François Allard-Huver, Stéphanie Debray, Renaud Evrard (2021). Les critiques non scientifiques des sciences – une crise de l’expertise scientifique. Table ronde dans le cadre de la Journée d’étude Les enjeux de la désinformation – regards croisés des sciences humaines et sociales et des sciences formelles, 10 septembre, Nancy, France.
  • Debray, S. (2021). Définitions de la pseudoscience et des formes inacceptables de science : dépassement des incohérences actuelles, Congrès 2021 de la Société de Philosophie des Sciences (SPS), 8-10 Septembre, Mons, Belgique.
  • Debray, S. (2021). Le rôle des discours non académiques au sein des consensus scientifiques : la participation du public offre des avantages épistémiques non négligeables, Journée d’Études Patients-experts, patients-partenaires : Quels dispositifs de participation en santé ? Sorbonne Université, Paris, France.
  • Debray, S. (2020). Le problème de la démarcation et la subjectivité en Sciences, Université de Lorraine, Nancy, France. (annulé en raison de la Covid-19)
  • Debray, S. (2019). Pseudosciences and Commercially Driven Research: similarities and differences, at AHP-PReST, Université de Lorraine, Strasbourg, France.
  • Debray, S. (2019). Values in Science & The Demarcation Problem: Propositions for a systematic treatment of non-science, at EPSA, Université de Genève, Suisse. (présentation sur poster)
  • Debray, S. (2019). Le rôle et la place des discours minoritaires au sein des consensus scientifiques : légitimes ou non ? à COLHUM, Recherche en santé, formation des soignants : agir dans les révolutions en cours, Université Paris-Diderot. (présentation sur poster)
  • Debray, S. (2019). The Demarcation Problem: the "scientific" predicate, a socio-political status or an epistemic assessment?", The 9th Annual Values in Medicine, Science, and Technology Conference, at The Center for Values in Medicine, Science, and Technology, University of Texas (Dallas).
  • Debray, S. (2018). Le problème de la démarcation : Sciences, Pseudo-sciences, Parasciences, at AHP- PReST, Université de Lorraine, Nancy, France.
  • Debray, S. (2018). Philosophie des Pseudosciences : La réponse de Sven Ove Hansson à la disparition du problème de la démarcation, at VIIe Congrès de la Société de Philosophie des Sciences (SPS), Nantes, France.
  • Debray, S. (2018). Academic Consensus, Interface Consensus, and Decision-making procedures: When should we consider citizen discourse in scientific deliberation? at Workshop: Democratisation of science: epistemological issues and new perspectives (DEMOCRASCI), University of Lyon, France.
  • Debray, S. (2018). Sciences, Pseudo-sciences, Parasciences : une catégorisation multiple des activités scientifiques ? at SLTC Grand Est, MISHA, Université de Strasbourg, France.

Responsabilités diverses

Responsabilités diverses: 
  • Comités de gouvernance
    - Représentante des doctorants à l'Association européenne de philosophie des sciences (EPSA) avec Bobby Vos, Université de Cambridge (2022-2024) – Programme de mentorat EPSA – avec Maria Jimenez Buedo et Caterina Marchionni.
    - Membre du Conseil de laboratoire AHP-PReST (2018-2024)
    - Membre du Comité scientifique de l'Université de Lorraine en tant que titulaire (2022-2023)
    - Membre du Comité scientifique de l'Université de Lorraine en tant que suppléante (2021-2022)
    - Membre du Sénat académique de l'Université de Lorraine (2021-2023)
    - Membre de la Commission Handicap de l'Université de Lorraine (2021-2023)
    - Membre du pôle scientifique CLCS (Connaissance, Langage, Communication, Sociétés) en tant que représentante des doctorants (2018-2021)
  • Revues
    - Relectrice pour Lato Sensu (depuis 2022)
    - Relectrice ad hoc pour Philosophia Scientiae (2018)
  • Comités d'organisation
    - RDIPS8 – 8ème Rencontres Doctorales Internationales en Philosophie des Sciences de la Société de Philosophie des Sciences (SPS), 5-6 novembre 2019, Université de Lausanne, Suisse.
    - RDIPS7 – 7ème Rencontres Doctorales Internationales en Philosophie des Sciences de la Société de Philosophie des Sciences (SPS), 26-28 septembre 2018, Université Paris 7, France
    - Journées Scientifiques du laboratoire AHP-PReST, janvier 2018, Université de Strasbourg, France.
  • Comités de pilotage
    - Colloque du CLCS pour les doctorants, novembre 2019, Université de Lorraine
    - Science & You 2021, Enquête nationale (depuis 1972) : « Les attitudes du public français face à la science » (membre du comité pour l’Édition de l'enquête).

Participation aux projets du laboratoire

Enseignement

  • 2021-2023, à l'Université Gustave Eiffel (ATER) :

- Initiation à la recherche, méthodologie – Diplôme de Cadre de Santé de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFCS) : Infirmiers, Manipulateurs d'Électroradiologie Médicale, Préparateurs en Pharmacie Hospitalière, Techniciens de Laboratoire (60h), Université Gustave Eiffel et GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences, Hôpital Sainte-Anne, Paris.
- Recherche & Innovation – Master 2 Santé, Médico-Social et Parcours de Santé (SMSPS) (7h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Méthodologie d’enquêtes qualitatives – Master 2 Intelligence Économique, Parcours Influence, Lobbying et Médias Sociaux (ILMS) (28h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Recherche & Vulgarisation scientifique – Master 2 Intelligence Économique, Parcours Influence, Lobbying et Médias Sociaux (ILMS) (42h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Communication Web : identité, réputation, médias sociaux – Master 2 Intelligence Économique, Parcours Influence, Lobbying et Médias Sociaux (ILMS) et Parcours Intelligence Stratégique, Analyse des Risques et Territoires (ISART) (28h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Conférences et Gestion de Projets – Master 2 Intelligence Économique, Parcours Influence, Lobbying et Médias Sociaux (ILMS) (42h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Rhétorique et Philosophie – Master 2 Intelligence Économique, Parcours Influence, Lobbying et Médias Sociaux (ILMS) (7h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Sciences Sociales et Organisations Complexes – Licence professionnelle Qualité, Hygiène, Santé, Sécurité au Travail, Environnement (QHSSTE) (14h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Aspects communicationnels de la prise de poste – Licence professionnelle Qualité, Hygiène, Santé, Sécurité au Travail, Environnement (QHSSTE) (28h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.
- Risques Psychosociaux (RPS) – Licence professionnelle Qualité, Hygiène, Santé, Sécurité au Travail, Environnement (QHSSTE) (28h), Université Gustave Eiffel, IFIS, Serris.

  • 2017-2020, à l'Université de Lorraine (Contrat doctoral avec mission d’enseignement) :

- Sciences / Sciences Humaines et Sociales – Philosophie & Sciences de l'Éducation L2 - (UFR Sciences Humaines et Sociales) (48h), Université de Lorraine, Nancy.
- Méthodes et Concepts - Philosophie L2 - (UFR Sciences Humaines et Sociales) (13h), Université de Lorraine, Nancy.
- Kant, La Critique de la Raison Pure & Le Problème de la Démarcation - Philosophie L3 - (UFR Sciences Humaines et Sociales) (8h), Université de Lorraine, Nancy.
- Philosophie du Langage – L2 MIASHS (Institut des Sciences Digitales, Management & Cognition) (48h), Université de Lorraine, Nancy.
- Introduction à la Philosophie des Sciences – Intervenante extérieure au Lycée Mangin à destination des élèves de Première et Terminale (Sarrebourg, 2019; organisation : MM. Cominotti, Lommelé et Waehren).