Appel à contributions [English version below]
Les limites du naturalisme : entre contrainte expérimentale et exigence phénoménologique
Numéro thématique de Philosophia Scientiae 19/3 (à paraître en novembre 2015)
Editeur invité : Charles-Edouard Niveleau (Paris1, Archives Husserl, Institut Otto Selz, Université de Mannheim) et Alexandre Métraux (Institut Otto Selz, Université de Mannheim)
Date limite de soumission : 1er octobre 2014
Date de notification : 1er janvier 2015
Version finale : 1er mai 2015
Si l’on s’accorde aujourd’hui pour dire que le naturalisme recouvre des positions très diverses, il semble également clair que cette diversité résulte en grande partie, pour ne pas dire exclusivement, du travail philosophique lui-même. Etant généralement admis par les scientifiques, le naturalisme ne représente guère plus qu’un problème conceptuel, certes de premier plan pour les philosophes, mais dont l’impact sur le travail expérimental demeure difficilement observable alors qu’il représente, selon nous, son véritable enjeu. A ce titre, il nous semble tout à fait remarquable que les diverses positions ontologiques adoptées par des auteurs comme Lotze, Fechner, Hering ou encore Mach aient pu déterminer l’orientation même de leur démarche expérimentale, démontrant ainsi l’existence d’un lien opératoire entre philosophie de l’esprit et expérimentation. A l’inverse, ce surplomb de la philosophie de l’esprit contemporaine, développant en circuit semi-fermé une ontologie des états mentaux, et l’unilatéralité d’une recherche scientifique, qui ne cesse en creux de nourrir un préjugé naturaliste, sont d’autant plus surprenants qu’ils forment une situation inverse à celle où le naturalisme s’impose au XIXe siècle comme la nouvelle Weltanschauung. On a pu croire alors que les sciences de la nature reprenaient le projet philosophique là où il ne pouvait qu’échouer selon elles, permettant même aux partisans du matérialisme vulgaire de prophétiser sur sa disparition imminente. Pourtant, dès cette époque apparaissent de vifs débats, au sein des sciences naturelles, sur la nature et la limite du naturalisme. Tous les Naturforscher ne sont pas d’accord sur l’extension de la méthode expérimentale, ni sur la valeur explicative de la méthode inductive, ni sur ce qui en fonde la scientificité. Les débats vont se cristalliser en particulier dans le domaine de la psychologie scientifique naissante : peut-on considérer sans contradictions la psychologie comme une science naturelle ? Faute de quoi, comment peut-elle prétendre au statut de science ? Ces controverses, portant sur ce qui fonde la scientificité d’une explication ainsi que sur le postulat physicaliste, ont permis l’émergence d’un courant descriptiviste ou phénoménologique dans l’ensemble des sciences de la nature qui s’est avéré particulièrement fécond et influent en psychologie. Après un long silence, nous assistons depuis quelques années à un retour en force de cette demande phénoménologique qui émerge sur le terrain même de la psychologie expérimentale, de la psychophysique et des neurosciences. Nous ne faisons pas ici référence aux différents mouvements de naturalisation de la phénoménologie husserlienne, mais à cette exigence phénoménologique qui renaît sur le terrain de la pratique scientifique elle-même, à partir des contraintes et des obstacles qu’elle rencontre, plutôt que par rapport à un projet de mise au format commun de paradigmes antagonistes. Notre intérêt se porte ici tout particulièrement sur les travaux ayant trait au problème de l’organisation perceptive : la quantification du principes de groupement perceptif, les phénomènes de supériorité configurale, ségrégation figure-fond, microgenèse, formation, permanence et constance des formes et des objets, etc.
Dans le présent volume, les contributeurs sont invités à traiter les questions suivantes :
- Comment la phénoménologie est-elle apparue dans le contexte d’une crise de fondation de la psychologie scientifique dans la seconde moitié du 19ème siècle?
- De quelle manière le courant descriptiviste s’est-il imposé en psychologie dans les pays germanophones entre 1890 et 1930 et repose-t-il sur un concept uniforme de phénoménologie?
- Faut-il nécessairement introduire une perspective en première personne pour rendre compte de la phénoménologie de l’expérience où celle-ci est-elle réductible à une perspective en troisième personne?
- A quel niveau du travail expérimental et sous quelle forme la description phénoménologique peut-elle intervenir ?
- L’approche physicaliste est-elle la seule permettant à la psychologie d’être scientifique ?
- Peut-on réconcilier une approche quantitative et qualitative en psychologie ?
- Comment expliquer la résurgence d’une orientation phénoménologique dans certains travaux récents en psychologie expérimentale et psychophysique ?
Les contributions peuvent être historiques en traitant d’un ou de plusieurs auteurs ou encore d’un courant. A titre d’exemple, mentionnons l’école de Brentano, l’école de Göttingen (G. E. Müller, D. Katz, E. Rubin, E. Jaensch), l’école de Berlin (C. Stumpf, F. Schumann, H. Rupp, M. Meyer, E. v. Hornbostel), les différentes écoles de la Gestalt de la Ganzheit (Berlin, Graz, Frankfurt, Padova, etc.), certains élèves de Husserl (P. F. Linke, H. Hoffmann, W. Schapp), l’école d’Innsbrück (F. Hillebrand, I. Kohler), l’école de Vienne (K. Bühler, E. Brunswik, L. Kardos), l’école de Louvain (Michotte, Crabbé, Thinès), etc.
Les contributions peuvent également être d’ordre strictement épistémologique et analyser la littérature plus récente en psychologie expérimentale et psychophysique qui tente de rendre compte de la phénoménologie de l’expérience en intégrant ou non un point de vue en première personne. Pensons aux travaux de F. Attneave, T. Oyama, J. Hochberg, J. Beck, I. Rock B. Gillam, E. Leeuwenberg, B. Julesz, J. Pomerantz, M. Kubovy, J. Koenderinck, V. Sarris, L. Spillmann, S. Palmer, P. van der Helm, R. van Lier, M. Peterson, J. Wagemans, S. Gepshtein, C. van Leuwen, R. Kimchi, B. Pinna, P. Kellman, M. Shiffrar, P. Tse, R. Hess, W. S. Geisler, D. Sagi, M. Herzog, etc.
Les manuscrits envoyés pour soumission devront :
- Etre écrits en anglais ou en français
- Contenir un résumé de 10 à 20 lignes en anglais et en français
- Ne pas dépasser 50 000 caractères (incluant espaces et note de bas de page)
- Etre présenté pour une évaluation anonyme
- Etre envoyé à l’adresse suivante : niveleau.charles@gmail.com
- Respecter les instructions aux auteurs de Philosophia Scientiae
Call for Papers
The bounds of naturalism: experimental constraints and phenomenological requiredness
Thematic issue of Philosophia Scientiae 19/3 (to appear in November 2015)
Guest Editor: Charles-Edouard Niveleau (Paris 1, Archives Husserl, Otto-Selz Institut, Universität Mannheim) and Alexandre Métraux (Otto-Selz Institute, University of Mannheim)
Submission deadline: October 1, 2014
Notification date: January 1, 2015
Final version due: May 1, 2015
There is a general acceptance that naturalism can be understood and defended in many ways. But it is also true that this state of fact mainly results from the slippery slope which leads philosophy to satisfy its own tendency for speculation. Being massively endorsed by scientists, naturalism seems to be now a mere conceptual issue - even though one of the most important for the contemporary philosophers of mind - whose significance on experimental investigations is none. However, what is really at stake in naturalism if such significance does not exist at all? Indeed, we are struck by scientists as Lotze, Fechner, Hering or Mach, among others, whose ontological hypothesis guided their own experimental works, thus demonstrating the existence of co-operative relationships between philosophy of mind and experimentation. To the contrary, in taking up a position from above the contemporary philosophy of mind develops ontology of mental states in a quite disconnected way, while the unilateralism of the mainstream of current scientific research in cognition tacitly enriches a naturalistic prejudice. Taken together, these two facts contribute to a contradictory situation compared with what happened during the 19th century when naturalism appeared to be the new Weltanschauung. At that time, we might be tempted to believe that natural sciences endorsed the mission that philosophy lacked to perform since a long time, so that defenders of a raw materialism predicted the next disappearance of philosophy itself. Nevertheless, it suffices to have a quick look to notice that many issues immediately appeared in this area of research, especially on the nature and bounds of naturalism. Every Naturforscher didn’t systematically agree each other on the scope of the experimental methodology, neither on the explanatory value of the inductive methods, nor on the exact criteria which is supposed to found its scientific nature. The discussions focused particularly in the area of the emerging scientific psychology on the following questions: can we properly conceive psychology as a natural science without contradicting oneself? Otherwise, can psychology claim to be a science? Theses controversies, dealing with the scientific nature of explanation, as well as the physicalist assumption, allowed the emergence of a descriptivist or phenomenological trend in natural sciences which appeared to be fruitful and influent in psychology. After a long silence, we have witnessed, over the last few years, a real comeback of this phenomenological approach which emerged on the ground of experimental psychology, psychophysics and neurosciences. We actually don’t refer to the trends which try to naturalize Husserl’s phenomenology but to this so-called phenomenological requiredness emerging from the ground of the scientific practice itself, from its constraints, rather than from the attempt to put two opposite paradigms in the same box. What we have in mind refers to this literature on perceptual organization: quantification of grouping principles, configural superiority, multistability, figure-ground segregation, microgenesis, formation, permanence and constancy of shapes and objects phenomena and so on.
In this volume, you are invited to submit a contribution which addresses (but is not limited to) one of the following questions:
- How did phenomenology appear in the context of the foundational crisis of psychology during the second-half of the 19th century?
- How did the descriptivist or phenomenological movement in psychology dominate the field in Germany from the 1890s to the 1930s and did it refer to a single understanding of phenomenology?
- Do we have to introduce a first-person perspective to elucidate the phenomenology of experience or is it reducible to a third-person perspective?
- Does psychology has to be physicalist in order to be scientific?
- How can we conciliate quantitative and qualitative approaches in psychology?
- How can we explain the rebirth of phenomenology in the current field of experimental psychology and psychophysics?
Contributions can adopt a strictly historical perspective in dealing with one or set of authors. As examples, we can mention: the school of Brentano, the school of Göttingen (G. E. Müller, D. Katz, E. Rubin, E. Jaensch), the school of Berlin (C. Stumpf, F. Schumann, H. Rupp, A. Gelb, E. von Hornsbostel…), the schools of Gestalt and Ganzheit (Berlin, Graz, Frankfurt, Hamburg, Padova…) the husserlian open-minded phenomenologists (P. F. Linke, H. Hoffmann, W. Schapp…), the school of Vienna (Bühler, Brunswik, Kardos), the school of Innsbrück (F. Hillebrand, I. Kohler), the school of Louvain (Michotte, Crabbé, Thinès) and so on.
Contributors can also focus on more epistemological and experimental aspects of the current literature in experimental psychology and psychophysics which try to elucidate the phenomenology of experience in integrating or rejecting the first-person perspective. We can report, for example, to the following list of scientists: F. Atteave, T. Oyama, J. Hochberg, J. Beck, I. Rock B. Gillam, E. Leeuwenberg, B. Julesz, J. Pomerantz, M. Kubovy, J. Koenderinck, V. Sarris, L. Spillmann, S. Palmer, P. van der Helm, R. van Lier, M. Peterson, J. Wagemans, S. Gepshtein, C. van Leuwen, R. Kimchi, B. Pinna, P. Kellman, M. Shiffrar, P. Tse, R. Hess, W. S. Geisler, D. Sagi, M. Herzog, and so on.
Submitted manuscripts should:
- be written in English or French
- contain an abstract of 10 to 20 lines in English and French
- not exceed 50.000 characters (including spaces and footnotes)
- be ready for blind reviewing
- conform to the guidelines for authors
- be sent to the following address: niveleau.charles@gmail.com