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Les mathématiques en action

 

Projet soutenu par l'Université de Lorraine (pôle scientifique CLCS)

Direction du projet : Valeria Giardino

 

Les êtres humains utilisent sans cesse des outils matériels leur permettant d’« extérioriser » la pensée : tableaux, schémas, graphiques, plans, croquis, courbes, icônes, cartes, etc. Le but de ce projet est de s’interroger sur ce qui est à l’origine de notre compétence sémantique et inférentielle liée à ces représentations et de définir une théorie de la cognition humaine qui explique les relations entre les capacités humaines plus spontanées et les « extériorisations » de l’esprit, en particulier dans la pratique scientifique.

La littérature en psychologie cognitive montre que les êtres humains naissent avec une série de systèmes cognitifs qui sont prêts à s’activer [Kinzler et Spelke, 2007], [Spelke, 2004], dont la puissance augmente au cours des années à travers l’apprentissage de nouvelles stratégies cognitives. Dans leur évolution, ainsi que dans leur histoire culturelle, les êtres humains ont montré une capacité extraordinaire à fabriquer des outils qui puissent les aider à mieux percevoir et agir sur le monde : lentilles, leviers, marteaux, et ainsi de suite. Dans certains cas, ils ont même créé des outils qui ont une fonction cognitive intrinsèque, par exemple celle de leur permettre de mieux communiquer, d’économiser leurs propres ressources cognitives ou d’accélérer et rendre plus précis le passage des prémisses aux conclusions d’un raisonnement – pensons, par exemple, à l’introduction de l’écriture ou de l’abaque. En effet, les êtres humains extraient et emmagasinent spontanément l’information dans leur mémoire en faisant référence à des symboles extérieurs, tels que des diagrammes, des images, des séquences d’actions publiques ; tous ces outils cognitifs sont interopérables entre eux et ne dérivent pas directement de notre évolution biologique [Bruner, 1990]. Les outils cognitifs extériorisent notre pensée, et ils peuvent le faire dans des buts différents : esthétiques, comportementales, cognitives, et communicatives [Tversky, 2011]. Nous nous concentrerons sur leurs fonctions cognitives et communicatives : pourquoi toutes ces représentations sont-elles aussi efficaces et surtout pourquoi semblent-elles si typiquement humaines ?

L’objectif de ce projet est d’étudier le rôle joué par les diagrammes et leur manipulation en sciences, et notamment en mathématiques. On souhaite analyser la manière dont nous sommes capables d’augmenter la puissance de notre esprit en nous appuyant sur des outils cognitifs extérieurs, et contribuer ainsi à la formulation d’une théorie qui tienne compte de l’hétérogénéité du raisonnement humain. Notre but principal sera d’offrir une nouvelle illustration de la manière dont les capacités symboliques humaines les plus complexes ont émergé. Notre recherche sera poursuivie dans un cadre interdisciplinaire incluant la philosophie et l’histoire des sciences, et s’appuyant sur des résultats issus des sciences cognitives.

L’hypothèse de travail est double. En premier lieu, nous supposons que les outils cognitifs tels que les diagrammes sont aussi répandus en tant qu’« extériorisations » de l’esprit parce qu’ils présentent des avantages cognitifs : ils réduisent les efforts de la mémoire et ils fournissent des raccourcis inférentiels dans de nombreuses tâches. En deuxième lieu, nous faisons l’hypothèse que ces avantages cognitifs dépendent de la complexité de notre architecture cognitive, et en particulier de la capacité de ce que nous appelons « schématiser ». Grâce à cette capacité, les êtres humains mobilisent différents systèmes cognitifs qui sont déjà disponibles pour la perception ou pour l’action — tels que le système visuo-spatial, le système conceptuel, le système moteur — et établissent entre eux une connexion à l’extérieur de l’esprit par le biais d’un outil cognitif particulier. L’interaction entre ces systèmes constitue un enrichissement de notre puissance inférentielle.

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